Critique Far Cry [2009]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 20 mars 2009 à 15h35

Le dernier méfait d'Uwe Böll

Sur une île inaccessible,  les membres d’une étrange corporation, dirigés par un scientifique un peu fêlé et une mercenaire dominatrice et sexy, mènent des expérimentations sur des cobayes humains. Leur objectif : créer le super soldat, invincible, extraordinairement puissant, et surtout privé de son libre arbitre.

Mais c’est compter sans l’abnégation et la conscience professionnelle d’une journaliste qui, avec l’aide d’un ancien agent des forces spéciales, va tenter de dévoiler à la face du monde leur terrifiant projet…

Je vais commencer ma critique en mettant les poings sur les i. Si vous êtes un fan du jeu vidéo Far Cry et que vous espérez retrouver dans le film de Uwe Boll la même ambiance stressante que dans son inspiration ludique, vous foncez tout droit vers une sacrée désillusion. En fait, ce n’est pas que le scénario soit complètement différent, au contraire, il est en même assez fidèle à l’histoire d’origine (c'est-à-dire assez nul). Non, c’est surtout que ce film est une œuvre d’Uwe Böll, un homme qui est doté d’un mystérieux don : celui de parvenir à pervertir toute création artistique qu’il approche (et notamment les licences de jeux vidéo).

Tout d’abord, pour ceux qui ne connaîtraient pas Far Cry, sachez que c’est un jeu de tir à la première personne (FPS) où vous incarnez Jack Carver, un agent des forces spéciales. Débarqué sur une île occupée par une corporation composée de mercenaires et de scientifiques, vous allez découvrir que ces chiens de guerre ne sont pas les seuls adversaires présents sur l’île… et que ces nouveaux ennemis, des mutants ultra puissants créés par un scientifique sans scrupules, ne sont vraiment pas  commodes.

En fait, le scénario du film d’Uwe Böll est construit grosso modo sur le même canevas. A deux grosses différences près : Jack Carver ne travaille pas en solo et les énormes mutants crachant balles et flammes présents dans le jeu sont remplacés ici par des peu impressionnants colosses sortis d’Universal Soldiers (une similitude appuyée par la présence de Ralf Moellerr, qui interprétait GR76 dans le film de Roland Emmerich, autre bourrin teuton notoire). Hors, si le deuxième élément est la conséquence directe d’une évidente contrainte budgétaire, le premier est surtout une astuce scénaristique permettant à Uwe Böll de mettre en image sa propre conception des rapports humains.

En effet, les passages « romantiques », dans les films d’Uwe Böll, ont toujours provoqué chez moi une hilarité débridée. Et j’ai été vraiment heureux de voir que, dans Far Cry, le réalisateur avait conservé intact tout son humour et sa sensibilité germaniques. Blagues paillardes, attitude macho à deux balles (tout juste si le héros ne met pas la mains aux fesses de sa copine en s’esclaffant), mise en situation amoureuse totalement incongrue, etc. Bref, du coté du traitement des sentiments, Uwe Böll à la subtilité d’un régiment de Panzer recouvert d'un camouflage power flower. Cela a au moins le mérite de pouvoir faire rire l’amateur de nanars.

Trente millions de dollars, pfiuu !, tel est le budget de ce film. Pourtant, il nous apparaît comme totalement fauché. Quelques décors à base de palmiers (ou un autre truc du genre) ; un complexe qui ressemble à une usine désaffectée ; très peu d’effets spéciaux, avec des mutants qui ne sont que des simples acteurs recouverts de talc ; deux ou trois effets gore ; une poursuite en canots à moteur et en hélicoptère, bref, pas terrible tout ça.  Le récit se résume principalement à une exposition (mal rythmée) de bals pyrotechniques et de baston, comme dans les (belles) années de la Cannon Group. Alors, Far Cry revu par Uwe Böll ? C’est un actioner lobotomisé à l’ancienne, avec ses personnages gags (Chris Coppola, le buddy gaffeur et horripilant), de longues et répétitives séquences martiales présentant des figurants qui sautent de leur tremplin suite à des séries d’explosions ((mal) filmées au ralenti, des punch lines débiles, et l’inévitable cruche qui ne sait pas que l’on dégoupille une grenade avant de la lancer.

Cependant, ce qui est le plus étonnant avec ce cinéaste, ce n’est pas cette totale absence de talent (après tout, il n’est pas le seul) mais cette inexplicable faculté de parvenir à réunir autour de lui quantité de comédiens reconnus, voire talentueux. Ne parlons pas de Michael Paré et d’Emmanuelle Vaugier, qui, sûrement suite à une cérémonie occulte (je ne vois pas d’autres explications), sont définitivement tombés sous le contrôle total d’Uwe Böll. Non, je veux parler par exemple d’Udo Kier ou de Til Schweiger. Deux stars qui acceptent de se ridiculiser dans ce film sans aucun enjeu dramatique et alignant des dialogues stupides. Udo Kier (qui incarne l’archétype du savant fou nazi amateur de Wagner), de plus, se fait totalement chier. C’est évident. Alors, pourquoi ? Tout cela me rappelle une discussion que j’eu un jour avec Jürgen Prochnow (Kirk dans l'hilarant House of the dead) ; il m’avait alors confié qu’il avait accepté de tourner avec Uwe Böll en raison de liens hors professionnels. Alors, en y réfléchissant bien : peut-être qu’Udo Kier est un parent de monsieur Böll. Qui sait ?

Quand à Til Schweiger, un comédien extrêmement connu en Allemagne (excellent dernièrement dans Baron Rouge), il interprète le personnage principal, à savoir l’ex-agent des Forces Spéciales, véritables expert en mandales et en coups de tatanes.  Un Chuck Norris teuton, certes moins souple que l’interprète de l’inoubliable James Braddock, mais tout aussi inexpressif.  Là encore, il est surprenant de voir un comédien aussi réputé se compromettre dans une œuvre de si mauvaise qualité, surtout qu’il n’apparaît pas comme très à l’aise dans le maniement de la langue anglaise. Dans tous les cas, c’est une bonne opération pour Uwe Böll qui parvient à installer en tête d’affiche un comédien très populaire dans son pays. Pour en finir avec le casting, notons la qualité de jeu exécrable de Natalia Avelon, qui incarne de façon calamiteuse l’âme damnée du docteur Krieger, la dominatrice (en cuir mais sans fouet) Chernov (oui, oui, Chernov, pas Chernova, serait-elle un transsexuel ?).

Au niveau de la réalisation, c’est d’une tristesse à pleurer. Les scènes d’action ne manquent pourtant pas (il n’y a d’ailleurs presque que ça) mais elles sont mises en scène et filmées de manière si plate et si convenue (plus cette agaçante manie d’embaucher des cadreurs sujets à la maladie de Parkinson, ce qui rend certains passages illisibles) qu’elles ne provoquent rien dans l’esprit du spectateur… à part l’ennui. Au final, on regarde une séquence de baston dans Far Cry comme un débat sur les incidences de la prolifération des taupins sur la culture de la betterave sucrière dans la vallée de la Marne. Je vous donne envie, n’est-ce pas, bande de pervers ?

Cependant, malgré tout le mal que je viens de dire, parmi tous les films d'Uwe Böll que j'ai eu l'occasion de voir, Far Cry est peut-être le moins pourri (mis à part Postal, un jouissif foutage de gueule décontracté qui boxe hors catégorie). Et le problème majeur se situe justement là. En effet, presque totalement privé de ces instants de joie que nous ont procuré ces précédentes bouses cinématographiques, le dernier délit d’Uwe Böll se retrouve réduit à un (presque) quelconque mauvais film d’action mâtiné de SF. Heureusement, de temps à autres, l’introduction d’une bande musicale complètement inappropriée à la situation en cours et une séquence de baise incongrue viennent nous rappeler que le cinéaste allemand n’a, dans le fond, pas beaucoup changé.

Ouf !

Surtout, ne change pas, Uwe, on t’aime comme tu es !

La conclusion de à propos du Film : Far Cry [2009]

Auteur Nicolas L.
25

Avec Far Cry, Uwe Böll lorgne sans complexe vers les actioner des années 80, ces séries B produites par la Cannon Group (pour ne citer que le studio le plus connu) qui alignaient 90 minutes de chorégraphie construites à partir de coups de tatane dans le buffet et de mandales dans la poire. L’intention est louable, mais le résultat, en raison d’une réalisation très médiocre (pour ne pas dire mauvaise) n’est pas à la hauteur des espérances. Au final, Far Cry apparaît comme nettement moins fun que tous ces nanars musclés dont il s’inspire. Heureusement, quelques séquences, si mauvaises qu’elles en deviennent drôle, parviennent à retenir l’attention de l’amateur de nanar.

On a aimé

  • Techniquement et structurellement, le film le plus abouti d'Uwe Böll
  • Quelques passages involontairement drôles

On a moins bien aimé

  • Scénario inspiré de celui du jeu, en plus nul
  • Chorégraphies des combats filmées de manière brouillonne
  • Dialogues débiles
  • Effets spéciaux minimaliste, mutants ridicules
  • Absence de rythme
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