Critique RoboGeisha

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 24 août 2010 à 22h18

Uber-geisha et château-monstre

Séduites et abusées par un jeune et riche industriel, Kikue et sa soeur cadette Yoshie se retrouvent finalement embrigadées de force dans une cohorte d'assassins-geishas. Au fur et à mesure qu'avance leur formation, composée d'entrainements aux arts martiaux et d'adjonctions de prothèses biomécaniques, elles vont découvrir que, loin d'être les justicières escomptées, elles sont en fait le bras armée d'une famille de fous mégalomanes...

Noboru Iguchi, sympathique érotomane toujours à l'affut d'une polissonnerie ((le cinéaste a une longue carrière dans le porno), s'amuse à détourner avec RoboGeisha le mythe des Tengu pour faire du long nez de ces kami un symbole sexuel. Il imite ainsi les artistes de ukiyo-e qui, en leur temps (période Edo), avaient également détourné de manière coquine les caractéristiques de l'appendice nasal de ces étranges divinités zoomorphes, à la différence qu'il y amène des couleurs sentai bien plus modernes. En effet, ici, les Tengu perdent leur immortalité et sont remplacés par deux Onna Tengu, des lolitas portant des masques et des bustiers ayant l'apparence de démons écarlates aux nez phalliques et aux sourires vicieux. Principale force graphique du film par leurs attitudes vulgaires et leur fanatisme, ces deux "prêtresses" sont les responsables de la formation des assassins-geishas de la famille Kageno, un gang de jeunes tueuses en bikini (et au corps modifié par des implants mécaniques) qui usent de leurs charmes pour approcher sans risque leurs cibles. Cependant, bien qu'elles soient des créatures obscènes, violentes et cruelles, les Onna Tengu ne possèdent pas une once de la malignité de leurs maîtres, Kenzan Kageno et son fils Hiraku, deux caricatures maléfiques qui ont mis leur fortune et leur génie au service du Mal.

Reste que les Onna Tengu ne font pas office de point de vue car pour ce qui est de la méthode narrative, Noboru Iguchi a préféré construire son intrigue autour du personnage de Yoshie Kasuga. Tout cela débute comme un remake de Cendrillon, avec une pauvre adolescente devant subir les affres de sa sœur et de sa mère. Reléguée aux taches ménagères, elle regarde avec tristesse et envie décoller la carrière de sa sœur ainée, destinée à devenir une geisha... Puis arrive un prince charmant! Tout cela pourrait alors tourner en un joli conte de fée mais c'est oublier que RoboGeisha, c'est du V-Cinema, et que son réalisateur est un sacré barjot!  En fait, au lieu d'un palace, de sourires et de jolies robes, Yoshie va trouver dans le château des Kageno un tatami, des hurlements de douleur et des prothèses de métal. La courtisane va alors être transformée en machine à tuer, en Uber-Nikita. Mais l'histoire de Yoshie ne s'arrête pas là car si, au début, elle va accepter avec un mélange de crainte et de fierté sa nouvelle condition d'assassin (mille fois plus prestigieuse que la précédente), et même se faire une place de choix parmi les bikini troopers, elle va finir par retrouver une conscience et se retourner contre ses maîtres.

On l'a bien compris. Ce scénario très basique n'est en fait qu'un prétexte pour permettre à Noguro Iguchi et Yshihiro Nishimura, responsable des effets spéciaux, de proposer aux amateurs de V-Cinema les séquences les plus folles possibles. Et force est de dire que dans le registre des FX grotesques et inventifs, RoboGeisha assure le spectacle. Ainsi, l'entame du film est un véritable modèle du genre et le rendu n'a rien à envier (plus par son aspect délirant que qualitatif car cela reste cheap) à un Tokyo Gore Police ou un The Machine Girl. On y voit une geisha s'ouvrir en deux pour laisser apparaitre les horribles Onna Tengu puis se transformer en un robot meurtrier ayant une scie circulaire à la place de la bouche... et des hilarants yeux clignotants. Interviennent alors des yakusas (dont le leader est interprété par Yoshihiro Nishimura en personne!), assistés de Yoshie, pour un combat théâtral excellemment chorégraphié et exécuté. Dix minutes d'un génial n'importe quoi et une introduction tonitruante qui démontre ici la bonne forme de Nishimura (pas toujours très concerné par ses travaux). De bonnes dispositions qui seront confirmées par la suite: katanas et shurikens jaillissant de sous les aisselles ou du postérieur des combattantes, lance-napalm implanté dans la coiffure, femme-tronc se transformant en char d'assaut ou en dague humaine... Le film prend même sur la fin des airs de kaiju eiga et de cyberpunk avec l'introduction d'un "château-monstre" dirigé par un pilote cablé.

Malheureusement, si Noboru Iguchi est suffisamment farfelu et enthousiaste pour imaginer un tel délire cartoonesque, il lui manque l'application nécessaire pour réussir complètement son entreprise. Très habile dans la réalisation des séquences d'action où il fait encore une fois preuve de son sens créatif et de son habileté à manier la caméra, le cinéaste est nettement plus emprunté (voire un peu fumiste) quand il s'agit de mettre en scène des scènes posées. Principale conséquence de ce manque de tenue dramatique: un gros problème de rythme (on retrouve donc les mêmes carences structurelles que dans The Machine Girl). Le cœur de l'intrigue se déroule de manière poussive (la visite chez les rebelles est particulièrement ratée) - méritant ainsi grandement le qualificatif de ventre mou. De plus, Iguchi a du mal à gérer un aspect comique qui se fait souvent trop discret. Il a aussi des difficultés à rendre ses scènes dialoguées intéressantes. La conséquence d'un manque de richesse dans les textes et le profil des personnages, certes, mais aussi la démonstration d'une certaine forme d'impuissance dans la mise en scène. Bref, quand l'action cède la place aux situations plus calmes, l'on a l'impression que la mécanique narrative du métrage tourne un peu à vide, et l'on en arrive parfois à trouver un peu le temps long. On peut également être étonné, et déçu, du manque de culot de RoboGeisha dans le registre du sexe et du gore. C'est bien simple, le film est encore plus sobre que The Machine Girl! Il ne propose aucune séquence coquine (les seuls allusions sexuelles sont celles basées sur les personnages des Onna Tengu) mais, surtout, il se montre chiche en démonstrations sanglantes. Vraiment surprenant de la part des réalisateurs de Doctor’s Enema et de Tokyo Gore Police.

Venons-en maintenant à l'interprétation. Le rôle principal a été confié à Aya Kiguchi, une débutante. Un choix étonnant, surtout quand l'on s'aperçoit que de sacrés comédiennes, Asami et Cay Izumi, interprètent des second rôles, à savoir les Onna Tengu. Au final, la jeune actrice se fait un peu écraser par ses deux rôles de soutien, tant au point de vue athlétique que charismatique et esthétique. Heureusement, d'ailleurs, qu'Asami et Izumi portent des masques durant la plus grande partie du métrage, car Aya Aguchi est loin d'être aussi jolie que les deux idols. Même constat pour Hitomi Hasebe, un peu atone dans le rôle de la sœur de Yoshie. A coté de cela, Takumi Saitô se débrouille plutôt bien en jeune séducteur machiavélique et mégalomane.

La conclusion de à propos du Film : RoboGeisha

Auteur Nicolas L.
60

RoboGeisha est un spectacle qui s'inscrit parfaitement dans les tendances actuelles d'un V-Cinema qui s'assagit pour toucher un public de plus en plus large, et surtout de plus en plus jeune. On peut le regretter, tant ce genre - dont l'efficacité repose sur le fun mais aussi sur le subversif - se prête mal à la modération. On peut d'ailleurs aussi s'étonner que l’initiative vienne de Noburo Iguchi, qui fut en son temps le plus extrême de cette équipe de cinéastes japonais ayant l'absence de retenue pour dogme cinématographique. Le film reste cependant un bon divertissement, principalement grâce à des scènes d'action bien filmées et à l'esprit tordu de Nishimura qui nous offre encore quelques FX totalement délirants.

On a aimé

  • Des séquences d’action très divertissantes
  • Un cinéma généreux et décomplexé
  • Des FX délirants
  • Les Onna Tengu

On a moins bien aimé

  • Une intrigue sans surprise
  • Des problèmes de rythme
  • Un aspect cheap parfois trop marqué

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