Critique L'horreur dans la tempête #1 [2010]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 15 novembre 2010 à 17h56

Quand le Nautilus plonge dans les abysses lovecraftiens

La très intéressante collection 1800 des éditions Soleil continue de nous proposer ses nouveautés à un bon rythme. Ici, c'est Richard D. Nolane et Patrick A. Dumas qui nous invitent à lire le premier tome de 20,000 siècles sous les mers, intitulé L'horreur dans la tempête. Naturellement, l'intrigue de cet album se doit de se plier aux codes imposés par la collection, à savoir un brassage d'éléments steampunk et fantastiques empruntés à la littérature du 19eme siècle et d'autres, plus moderne, issus des mouvements pulp et retrofutur. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Richard A. Nolane, le scénariste n'a pas pris ces consignes à la légère tant le scénario apparait comme un véritable feu d'artifices d'hommages et de références.

Le récit de L'horreur dans la tempête débute quelques temps après le dénouement de 20 000 lieues sous les mers. Au Etats-Unis, durant la guerre civile américaine, un étrange convoi traverse les lignes nordistes tout en réduisant à néant, avec la plus grande facilité, une embuscade tendue par des fédéraux. Parlant une langue inconnue, les doigts palmés, le teint maladif, ces étranges convoyeurs qui évoquent bien entendu des créatures lovecraftiennes embarquent alors sur un vaisseau de forçage de blocus, en compagnie de leur mystérieuse cargaison.  Et c'est parti pour une grande aventure évoquant les univers de Victor Hugo, Jules Verne, Edgar Allan Poe, Howard Phillips Lovecraft et même... Les mystères de l'Ouest !

Le plus impressionnant, c'est qu'à l'instar du célèbre comic book La Ligue des gentlemen extraordinaires (jetons un voile pudique sur le film, si vous le voulez bien), c'est que ce qui pourrait passer pour un gros délire de geek fonctionne parfaitement bien. Bien loin d'opérer un simple et vulgaire étalage de culture, Richard D. Nolane réussit la performance de récupérer avec habileté tous ces hétéroclites éléments pour alimenter un moteur narratif aussi bien huilé que celui de ce Nautilus new generation. L'élément clé est le capitaine Nemo en personne, qui, hanté par des cauchemars et conseillé par Armitage, doit aller se frotter à un calmar géant. Pour l'aider dans sa tache, Nemo s'en va « quérir » l'aide du professeur Aronnax qui vit désormais dans un Paris plongé en pleine Commune. Au final, si la manœuvre pour réunir à nouveau les deux hommes peut sembler un peu grossière et expéditive (d'autant plus que le scénariste en profite pour introduire au forceps dans le récit un élément féminin), elle fonctionne bien, principalement grâce à son atmosphère pulp, qui permet à Nolane de s'autoriser toutes les audaces (comme se débarrasser de Conseil d'une balle, vite fait, bien fait).  L'équipe étant réunie, la trame centrale peut alors démarrer.

Ainsi, Invité en compagnie de mademoiselle Dupin et du professeur Aronnax à bord d'un Nautilus qui n'a plus grand chose à voir avec le modèle précédent, on va accompagner le célèbre capitaine Nemo dans une incroyable aventure qui va s'avérer la plus périlleuse qu'il ait jamais connue. Le récit se recentre alors totalement sur les tribulations de ces héros (interrompu, tome d'introduction oblige, par quelques flashback lorsque Nemo explique à ses « amis » les enjeux et les dangers de leur quête). On y découvre un capitaine Nemo au profil assez bourru, (faussement) macho et expéditif, au look européen, finalement plus proche de Robur, un autre personnage de Jules Verne, que du célèbre capitaine. Notons également que l'humour n'est pas absent, comme lorsque Nemo apprend avec étonnement l'existence du roman 20,000 lieues sous les mers (« Je fréquente peu les librairies, vous savez », répond-il à Armitage). Amélie Dupin, une jeune journaliste, symbolise cette vague de femmes émancipées qui, portant pantalons, essayaient de briser les barrières du sexisme durant cette passionnante période. Le choix de son nom, qui est identique à celui d'une des grandes personnalités féminines de l'époque, Amantine Dupin (plus connu sous son nom de plume; George Sand) est, bien entendu, tout sauf un hasard.

Ainsi, cette épopée, qui ne comporte aucun temps mort,  va nous entrainer dans les abysses pour y affronter un calmar géant protégeant son épave comme un dragon son trésor, mais aussi nous amener à Arkham, la célèbre ville imaginaire créée par Lovecraft, pour y rencontre le professeur Armitage Wendell. Bref, un véritable régal pour les fans de steampunk et de SF post-victorienne, d'autant plus que le l'intrigue est tout de même bien ficelée, à défaut d'être très subtile.

Pour ce qui est du dessin, Patrick A. Dumas offre à notre regard un travail de bonne facture. Certaines planches, notamment celles qui comportent les plus grands cadres, sont très réussies, voire superbes. Le dessinateur excelle surtout dans la représentation des décors, des navires et des scènes posées. Pour ce qui est des personnages et de la dynamique, cela manque parfois un peu de vie, surtout dans l'expression des visages. Les encrages, un peu trop lisses, se sont pas étrangers à cette sensation d'artificialité, tout comme les ombrages, parfois trop tranchés (on a l'étrange impression que, techniquement, les auteurs balancent entre la ligne claire et un style plus fouillé). Mais attention, cela reste du dessin  de bonne qualité, largement équivalent à ce que l'on rencontre communément dans la BD européenne actuelle. Cela y gagnerait toutefois à être un peu plus peaufiné, on sent totalement que Dumas en a les capacités.

La conclusion de à propos de la Bande Dessinée : L'horreur dans la tempête #1 [2010]

Auteur Nicolas L.
75

Excellente mise en bouche que ce premier épisode de 20,000 siècles sous les mers. Album d’introduction oblige, l’intrigue, qui brasse éléments verniens et lovecraftiens ne se développe pas encore à un rythme trépidant mais cet album est déjà bien riche en péripéties. Bref, on est devant l’entame d’une captivante aventure steampunk et horrifique qui, si elle continue comme cela et se montre un peu plus pointue dans son aspect technique, va se poser comme une référence du genre

On a aimé

  • Un scénario très accrocheur
  • Une intrigue riche en possibilités
  • Des personnages sympathiques
  • Une atmosphère steampunk et aventureuse très réussie.

On a moins bien aimé

  • Une mise en place parfois un peu expéditive
  • Un dessin qui peut encore gagner en qualité

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