Critique Druide [2010]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 25 janvier 2011 à 20h05
Douloureuses résurgences du passé
La nuit qui venait de s'abattre sur la forêt était la plus froide de ce début d'automne, pourtant Arten ignorait ses baisés glacés. La peur réchauffait ses sens plus sûrement que le vin. Des larmes et de la sueur lui brûlaient les yeux, ses mains étaient moites, sa tête douloureuse et son coeur cognait si fort dans sa poitrine qu'il en ressentait les battements jusque dans la gorge. Depuis dix jours, il chevauchait vers le nord pour sortir de la forêt et se rendre dans les marais de Sombre Guet. Il lui fallait trouver l'un des manoirs enterrés du Rahimir. Là, seulement, il serait en sécurité. Il ne s'arrêterait pas dans le royaume des arbres. Il avait violé l'une des lois du pacte et il ne voulait pas risquer de croiser un druide, ou pire encore...
Depuis des temps immémoriaux, et même si une paix fragile est aujourd'hui établie entre les deux nations, une farouche rivalité sépare les royaumes de Rahimir et de Sonrygar. Yllias, jeune et fougueux roi du Sonrygar, voue une haine terrible à ses voisins du nord. Encouragé par une vieille prophétie, il est à l'affût du moindre prétexte pour lancer ses armées dans une dévastatrice campagne. Une occasion qui semble se produire quand des soldats de la garnison de Wishneight sont sauvagement assassinés. Même s'il n'y a aucune preuve de la culpabilité du Rahimir, le roi Yllias les accuse d'avoir commis ces actes abjects, appelle à la guerre, et seule l'intervention d'un druide, le maître-loup Origan, empêche un bain de sang immédiat. Finalement chargé d'enquêter sur ces crimes, Origan et ses apprentis disposent d'un délai de trois semaines pour identifier les véritables responsables. Une enquête qui va conduire les druides vers la forêt, ce domaine interdit aux hommes dont, depuis plus de mille ans, les druides sont les seuls gardiens.
Vingt-et-un jours pour percer un secret ancestral. Vingt-et-un chapitres pour 512 pages. Druide, première oeuvre romanesque du dessinateur-scénariste Olivier Peru (qui signe ici sous le nom d'Oliver Peru), est un roman de dark fantasy très dense brassant avec une grande homogénéité des éléments policiers, fantastiques et horrifiques. Le romancier nous invite à y suivre une enquête, celle du druide Origan, qui, au fil de ses découvertes, va apprendre que son culte, et le monde actuel, a été construit sur le mensonge et faire la lumière sur un honteux passé oublié. Un passé qui va ressurgir soudainement et montrer toute sa puissance et sa monstruosité. Une oeuvre anti-dogmatique donc, qui par certains des aspects de son univers (ces mystérieuses créatures assassines, cette forêt inviolée, cette rivalité entre deux royaumes culturellement opposés) et son style de traitement évoquent un peu la saga du Trône de Fer. Mais il serait injuste de réduire Druide à ce simple comparatif tant le récit possède une forte personnalité, notamment dans la construction des personnages et la conception d'un ordre duidrique original (qui comprend plusieurs castes spécifiques: les loups, les ombres, les cerfs et les corbeaux).
Dés le deuxième chapitre, l'on est submergé par l'extraordinaire ambiance de Druide. Une atmosphère horrifique et mystérieuse qui est parfaitement entretenue par une plume d'une rare élégance. Invité à accompagner les protagonistes dans leurs investigations et leurs aventures, on partage leurs sensations et leurs angoisses, on ressent la froide humidité des obscures forteresse humaines et l'ambiance mystique et inquiétante de la forêt, tout comme l'on éprouve l'étonnement et la souffrance de ces hommes qui meurent sans en connaître la raison, ni voir la lame qui les frappe. Et la peur, on ressent ainsi la peur, cette terreur qui cisaille même les estomacs des héros quand ils se retrouvent face à l'inexplicable (l'innommable, dirait un certain écrivain de Providence)... Cette sensation empathique, on la doit en grande partie à l'attachement de l'auteur à construire des personnages aux profils psychologiques bien travaillés et dénués de tout manichéisme. Même le héros, Origan, possède ses faiblesses, cède parfois à une haine qui lui fait oublier toute éthique, comme lorsqu'il écrase l'indépendance mentale des animaux sauvages afin qu'ils servent ses desseins.
L'intrigue, dans son ensemble, n'est pas impossible à appréhender, mais elle est riche de tant de détails que chaque révélation amène son petit lot de surprises. La première moitié du roman, qui entretient plus particulièrement le mystère, est un thriller policier bien ficelé parsemé de fantastique qui suit plusieurs pistes et qui tient vraiment le lecteur en haleine. La deuxième partie, plus riche en action, plus viscérale, nous amène dans le registre horrifique avec la mise en scène du terrible siège de Cité-Racine (la cité druidique) où, d'alliée des druides, la forêt se transforme en une source de menace. Une menace difficilement indentifiable (ce qui rend la lutte des assiégés encore plus désespérée), tant l'auteur s'applique à ne dévoiler qu'avec parcimonie l'apparence et la nature des monstres (ou du moins ce que l'on croit être des monstres). L'aspect fantastique du roman, lui, est entretenu par les capacités empathiques et mediumniques des druides (plus de la SF, donc) et, bien entendu, la présence des créatures. On évolue donc dans un univers de low fantasy et vous ne trouverez dans Druide ni magiciens, ni dragons, ni d'orcs ou de nains. Uniquement des hommes, avec leurs forces et leurs faiblesses.
Ce roman (le premier d'Oliver Peru, ne l'oublions pas) n'est cependant pas privé de défauts. On peut regretter, par exemple, que certains personnages, fortement détaillés dans la première partie et que l'on pensait voués à jouer un grand rôle dans la suite de l'intrigue, finissent par perdre toute importance, pour ne ressurgir que lors de son dénouement, comme l'une carte que l'on abat. On peut citer les deux apprentis druide (et plus principalement Kesher) et Arkantia, utilisée un peu comme une vulgaire boule de cristal. Des détails, certes, mais on ne peut les occulter. Le plus gênant, toutefois, reste la manière abrupte dont le romancier nous dévoile le mystère. Trois cent pages d'enquêtes au cours desquelles Oliver Peru nous délivre des indices au compte-goutte et, d'un coup, via la peu subtile mise en place d'une vision en flashback, il nous déballe tout (ou presque) en un seul chapitre! Une méthode un peu trop simpliste, à mon goût (même si elle agréablement mise en forme, avec un bon rendu épique), d'autant plus qu'elle avait déjà été utilisée (de manière cependant un peu plus fine) quelques chapitres auparavant. Cela ne gâche pas réellement le plaisir de lecture car, comme je l'ai signalé plus haut, le roman est suffisamment riche en éléments captivants pour lisser cet accroc, mais c'est ce défaut structurel qui empêche Druide d'atteindre le statut de véritable monument de la fantasy. A noter, pour finir, un épilogue très réussi, riche en émotions.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Roman : Druide [2010]
Druide est une excellente oeuvre de low fantasy brassant avec brio des éléments policiers et horrifiques. Pour son premier roman, Oliver Peru nous propose une histoire captivante, mise en valeur par une très belle plume, et mettant en scène des personnages marquants. L'ensemble n'est certes pas parfait (il n'en est pourtant pas loin) mais offre assurément de très bons moments de lecture. Un auteur à suivre de très près.
On a aimé
- Une atmosphère envoûtante
- Des personnages accrocheurs
- Un univers marqué
- Une intrigue bien ficelée
- Un aspect horrifique réussi
On a moins bien aimé
- Quelques défauts structurels
- Un mystère levé en un chapitre
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