Critique Earth Reborn [2010]
Avis critique rédigé par Benoît F. le mardi 15 février 2011 à 06h16
TERRE CHAMP DE BATAILLE
Le Boelinger nouveau est arrivé! Il faut dire que la bête était grandement attendue, autant par les fans de l’auteur que par un public friand de jeux de combat tactique. Car il s’agit bien de cela : un jeu d’affrontement reposant sur un système de scénarios. Sous ses airs classiques, le projet paraissait très ambitieux. Mais qu’en est-il vraiment aujourd’hui, à l’heure de l’ouverture de cette jolie grosse boîte ?
“WHAT’S IN YOUR HEAD, IN YOUR HEAD, ZOMBIE, ZOMBIE, ZOMBIE…” (The Cranberries)
Nous sommes en l’an 500 après l’apocalypse qui a vu tout ce que nous connaissions se perdre dans un trou béant creusé de notre main. Notre bonne vieille Terre se remet tout doucement des blessures que nous lui avons infligées et des microsociétés souterraines se sont organisées afin de survivre en cette ère de renaissance pour l’espèce humaine.
D’un côté, le NORAD : une société très hiérarchisée et militarisée dont les avancées technologiques seront autant d’atouts face à leurs ennemis. Ces adeptes de la « Charlton Heston Mania » se sont enterrés sous Cheyenne Mountain, une base jadis désignée par le Pentagone afin d’accueillir ceux qui survivraient à l’apocalypse.
De l’autre, les Salémites : une faction oscillant entre la génétique et l’ésotérisme. Avant le grand chambardement, leurs gouvernants passionnés d’occultisme décidèrent de construire un complexe sous le cimetière de Salem, ville mystique par excellence. Depuis, nombres d’expérience ont été pratiquées sur la population vivant sous terre. Ce grand laboratoire parvint même à réveiller les morts mais à quel prix ?
Le background proposé par l’auteur est particulièrement détaillé et s’inspire de faits constatés dans nos sociétés : guerre pour les énergies nouvelles et fossiles, montée en puissance de groupuscules terroristes, bouleversement de « l’équilibre » mondial et des intérêts géostratégiques, etc. De quoi nourrir les appréhensions des aficionados de l’émission d’Arte, Le Dessous des cartes. Partant d’un postulat un brin pessimiste, Christophe Boelinger s’appuie sur le présent pour nous livrer un futur post-apocalyptique trouvant ses racines dans une culture cinématographique teintée d’horreur et de science-fiction. Les références sont nombreuses et permettront de se retrouver en territoire connu. L’univers développé dans Earth Reborn paraît donc dense, ouvrant ainsi de nombreuses possibilités scénaristiques.
UN MATERIEL DIGNE DES GROSSES PRODUCTIONS AMERICAINES
Effectivement, le contenant est la hauteur du contenu et réciproquement. La boîte de jeu, au poids conséquent, révèle des illustrations qui en disent long sur le thème traité. Le design global est donc de grande qualité, à la fois coloré et morbide, totalement en adéquation avec l’univers servi par le jeu.
Le matériel est pléthorique et fort bien étudié : pas moins de 91 tuiles recto-verso servent à constituer un plateau de jeu totalement modulable ; les paravents regorgent d’informations très utiles évitant des références récurrentes au livret de règles ; les multiples pions et cartes possèdent une iconographie conséquente et évocatrice.On appréciera également la qualité de sculpture des 12 figurines fournies par l’incontournable fabriquant qu’est devenu Zibobiz. Leurs poses sont dynamiques et la déclinaison en deux teintes permettra d’identifier aisément les factions. Parmi les noms donnés aux protagonistes, on notera des influences évidentes : une Monica Vasquez s’inspirant du personnage de Aliens et un Nick Bolter lorgnant du côté d’un certain Nick Fury.
Concernant le livret de règles, l’éditeur nous propose un objet à la fois complet et didactique. L’apprentissage du jeu se fera sereinement via un système tutoriel. Livrets de règles et de scénarios vous accompagneront dans la découverte des mécanismes de jeu, chacun des neuf scénarios présentant un ensemble de nouvelles règles. La lecture se veut donc relativement aisée grâce aux nombreux exemples et schémas présents malgré un nombre de pages réservant la découverte du jeu à un public averti.
LAST ACTION HERO
Earth Reborn repose sur un système de scénarios définissant les forces en présence, les objectifs de mission ainsi que les conditions de victoire. Une fois le scénario choisi par les deux camps, les joueurs reçoivent les cartes de référence de leurs personnages ainsi qu’un certain nombre de points de commandement. Ces derniers serviront à activer vos troupes en vue de leur faire accomplir un panel d’actions particulièrement conséquent.
Les cartes de référence: en haut, le NORAD; en bas, les Salémites
Un tour de jeu se déroule en trois phases :
- Phase d’initiative : les joueurs piochent des tuiles d’ordre qui leur permettront d’activer leurs combattants moyennant la dépense de points de commandement qu’ils perçoivent dans la foulée. Enfin, l’initiative est accordée en fonction des données du scénario ou du résultat d’un duel d’initiative.
- Phase d’activation : chacun leur tour, les joueurs vont activer un personnage en lui attribuant une tuile d’ordre. Puis, via la dépense de points de commandement, le combattant activé exécute un ordre (déplacement, combat corps à corps, tir, fouille).
Les tuiles d'ordre
- Phase finale : on examine les conditions de victoire afin de déterminer si elles sont remplies ; les personnages activés, et dont la carte est inclinée à 90°, retrouvent leur position initiale ; les tuiles d’ordre et points de commandement utilisés durant le tour sont défaussés.
Parmi les points particuliers, on notera l’existence d’un système d’interception autorisant le joueur non actif à intervenir durant le tour de son adversaire par le biais d’un système de mise cachée et alimentée en points de commandement. Si le camp instigateur du duel remporte celui-ci, il pourra activer l’un de ses combattants durant le tour de son adversaire. Le même système est utilisé lors des duels d’initiative. D'autre part, Earth Reborn propose un système iconographique plutôt novateur : le S.P.I (Système de Phrases Iconographiques). Ce procédé permet d’identifier rapidement, et avec un peu de pratique, les compétences des personnages et les effets de certains équipements.
Concernant le déroulement des combats, l’auteur a misé sur la simplicité. Tout repose sur l’utilisation des codes de couleurs imprimés sur les socles des figurines. Les affrontements au corps à corps et à distance sont donc régis de manière similaire, avec quelques nuances et via l’emploi des dés de combats. Dès qu’un personnage est blessé, sa carte est retournée pour laisser apparaître de nouvelles caractéristiques amoindries par son affliction. Enfin, le combattant blessé est éliminé lorsque les dégâts reçus dépassent ou égalisent son nombre de points de vie.
LA TETE DANS LE S.A.G.S
Comme signalé précédemment, Earth Reborn repose sur un système de scénarios. Ce principe demeure relativement classique dans le monde des jeux d’affrontements mais c’est sans compter sur la volonté de l’auteur de pousser plus avant l’expérience. Voici donc le S.A.G.S ou Système Auto-Générateur de Scénarios. Mais qu’est-ce donc ? Il s’agit en fait d’un procédé de génération semi-automatique de scénarios reposant sur des paramètres déterminés par l’esprit créatif des joueurs. La construction du plateau de jeu se fait alternativement, chaque camp décidant de la tuile de sol qu’il désire placer. Ensuite, le recrutement des combattants et l’acquisition des cartes Equipement se font via la dépense de points de mission (PM) accordés en début de partie. Puis, chaque joueur pioche quatre cartes Mission dont l’accomplissement de l’objectif rapportera des points de mission à son propriétaire. Une partie se déroule en six tours à la fin desquels le camp ayant accumulé le plus de PM sera déclaré vainqueur.
Le S.A.G.S peut également se pratiquer à trois et quatre participants sachant que les notions de camp n’existent plus. Dans ces configurations, chacun contrôle une équipe de mercenaires pouvant appartenir aussi bien au NORAD qu’aux Salémites. A noter que le site officiel propose sept scénarios à 3 et 4 joueurs (cliquez ici).
L’APOCALYPSE SELON SAINT CHRISTOPHE
Earth Reborn est un jeu pour les poilus. Loin de nous l’idée de remettre en cause la pilosité des joueuses et joueurs, il s’agit simplement de souligner le fait que ce jeu demeure réservé à un public rompu à la pratique des jeux de combat tactique. En effet, avec un univers criblé de références et des règles particulièrement consistantes, le quidam passera son chemin pour laisser la place aux vétérans prêts à ingurgiter une quarantaine de pages de règles. Et pourtant, malgré cette apparente consistance, l’apprentissage du jeu se fait agréablement, excluant toute sensation de lourdeur mécanique. Le système tutoriel et le S.P.I y sont évidemment pour beaucoup. On regrettera seulement une mise en place du jeu un peu longue tout en sachant que la modularité du plateau garantit grandement le renouvellement des parties. Dans le même ordre d’idées, le S.A.G.S assure la pérennité du jeu en autorisant l’élaboration d’une infinité de scénarios. Tout cela fait de Earth Reborn un jeu d’une richesse difficilement mesurable dont les joueurs se régaleront.
C'est pas beau de montrer du doigt!
En outre, le jeu de Christophe Boelinger reprend des mécanismes relativement classiques tout en proposant des éléments véritablement novateurs comme le brouillage Radio, les systèmes de fouille et d’espionnage. Ces règles apportent un souffle nouveau sur le monde du jeu de combat tactique. Certes, le jeu est peut être moins aisé à prendre en main qu’un Claustrophobia, Okko et autre Space Hulk, mais au final, les joueurs ayant fait le choix de s’investir dans Earth Reborn ne le regretteront pas. Chaque manœuvre et manipulation laissent entrevoir des possibilités tactiques énormes que ce soit lors d’une simple fouille, d’un déplacement ou d’une tentative de brouillage radio. Cela implique donc des conséquences en termes de « roleplay » : les joueurs auront l’impression de vivre une aventure de bout en bout grâce à un panel d’actions exceptionnellement large. Pour tout dire : on s’y croirait !
Donne-moi ta main et prends la mienne...
D’autre part, les deux factions présentées sont charismatiques et proposent deux façons de jouer très différentes : d’un côté le NORAD et ses combattants peu nombreux mais d’une effrayante efficacité ; de l’autre les Salémites : plus techniques à jouer car beaucoup plus polyvalents. On notera cependant un léger déséquilibre des forces en faveur du NORAD dans les premiers scénarios. Un sentiment qui s’estompera à force de pratique et dès l’utilisation du S.A.G.S.
La conclusion de Benoît F. à propos du Jeu de société : Earth Reborn [2010]
L’entreprise paraissait ambitieuse et les annonces laissaient présager d’un jeu d’une richesse tactique énorme. L’auteur a donc remporté son pari et son rejeton s’impose comme l’une des références de la catégorie. L’aspect épique, générateur d’ambiance, est au rendez-vous et ne se laisse à aucun moment écraser par un côté calculatoire trop prépondérant. Le fun est bel et bien présent. Certains trouveront dans Earth Reborn ce qui pouvait manquer à Dungeon Twister Prison, comme, par exemple, des retournements de situation dus aux résultats des jets de dés. De quoi nourrir les récits relatant le déroulement d’une partie. Au final, Christophe Boelinger nous sert son jeu de combat ultime dont la richesse n’impose aucunement la parution d’extensions.
On a aimé
- La simplicité des mécanismes de base
- La richesse tactique et scénaristique
- L'approche didactique
- L'univers post-apocalyptique avec des zombies dedans
- Le matériel et son rapport qualité/prix
On a moins bien aimé
- La mise en place un peu laborieuse du plateau de jeu
- Pour les amateurs du genre
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