Critique Living Planet [2020]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le mercredi 27 mai 2020 à 09h00

Encore un truc qui va nous remonter le moral, tiens

Le post-apocalyptique tendance écologique n’est pas franchement une nouveauté. C’est même un thème plutôt récurrent dans le jeu de société : sans rentrer dans un inventaire à la Prévert, on peut citer par exemple Terraforming Mars, Otys ou plus récemment Black Angel.

Mais l’histoire de Living Planet, le titre dont nous allons parler aujourd’hui, résonne d’une manière plutôt dérangeante avec l’actualité du moment :

 « Chaque joueur est responsable de la destinée d’une Corporation Galactique tentant d'exploiter au maximum la planète Mycéliandre. Dans ce monde où l'avidité de chaque joueur est poussée à son paroxysme, la course aux profits est lancée. Industrialisation, exploitation intense : tout est bon pour parvenir à vos fins. Mais plus les corporations exploitent les ressources de Mycéliandre, plus la planète se rebelle créant des cataclysmes en surface pour se débarrasser de cette humanité cancéreuse qui l’exploite. »

Je vous sens frétillant d’impatience. Après tout, quoi de mieux pour se changer les idées qu’un titre dans lequel la Nature se rebelle contre l’humanité, en cette ambiance de fin du monde et de Coronavirus ?

Dans les grandes lignes, Living Planet se classe dans la catégorie « jeu expert mais pas trop ». Une simple lecture des règles (même avachi dans le canapé) suffit pour s’autoproclamer rulemaster, et en moins d’un tour on pige le concept et on commence à se taper dessus – dans la joie et la bonne humeur bien entendu.

La boîte tourne également très bien à deux. C’est important par les temps qui courent, même si je ne suis pas certain qu’un titre aussi compétitif arrange les choses dans votre couple. Mais faisons fi de ces à-côtés, et place au test détaillé de la bête !

Le gris-marron à l’honneur

Commençons, comme d’habitude, par un petit tour sur le matériel. La boîte contient 24 grandes tuiles hexagonales cartonnées, deux petits plateaux centraux, du matériel pour 4 joueurs (6 cartes, 1 dé et 9 Meeples en bois par personne), 30 cartes pilotant le marché des ressources, et pour finir 32 pions de ressources en véritable bois d’arbre.

L’absence de figurines en plastique permet au titre de maintenir un prix de vente raisonnable aux alentours des 45€. Cerise sur le gâteau, c’est cohérent avec le sous-texte très écologique de Living Planet qui se veut une dénonciation de la surexploitation des ressources naturelles. L’auteur a particulièrement soigné cet aspect, le manuel comportant par exemple plusieurs textes visant à accompagner et à faire réfléchir son lecteur. C’est la preuve que le jeu de société évolue, passant progressivement du statut de bien de consommation à celui d’œuvre à part entière. Et encore une fois, la résonnance avec le contexte actuel est troublante (encore un coup des reptiliens Illuminatis mangeurs de cerveaux).

En revanche, la direction artistique risque de ne pas faire l’unanimité. A l’image de l’illustration de couverture, le titre met en avant une palette de couleurs majoritairement gris-marron. Certains confrères bloggeurs ont adorés, personnellement je serai plus réservé. Mais après, les goûts et les couleurs…

Je pense néanmoins que cela va desservir le titre : Living Planet risque en effet de passer complètement inaperçu au milieu des kilotonnes de boîtes colorées qui trônent fièrement dans les rayons de votre boutique de jeu habituelle. Dans l’absolu c’est dommage, car le titre mérite vraiment que l’on s’arrête dessus. Mais je vous laisse seul juge du résultat :

Niveau lisibilité – car c’est bien là le principal – le titre est globalement satisfaisant. Les pictogrammes sont clairs, et tout semble logique dès la première lecture. Seule faute de goût à mon sens : le titre tourne autour de catastrophes écologiques (des tornades, des geysers d’acides et des tremblements de terre) qui vont frapper la planète à répétition. Dans les versions prototypes du titre, les auteurs utilisaient des pictogrammes pour les identifier. C’était propre, lisible et efficace. Hélas, ces derniers ont été remplacés par des dessins dans la version finale. Le jeu gagne en immersion, c’est indéniable, mais en contrepartie il perd en lisibilité - surtout quand la partie avance et qu'il y a des tuiles de partout. Ce sont les dés de couleur présents un peu partout sur les tuiles:

Le manuel, pour finir, est imprimé sur un papier recyclé bien épais qui lui donne un rendu flatteur. Le texte en lui-même est irréprochable : le texte est clair, bien aéré et il y a des exemples un peu partout. En ce qui me concerne, une première lecture « à froid » au fond du canapé a été suffisante pour tout comprendre et être en capacité d’expliquer les règles. C’est plutôt inhabituel pour un titre de ce niveau de complexité, et personnellement j’apprécie. Living Planet fait en effet le choix de la simplicité : le jeu se concentre sur un système de jeu original, sans chercher à le noyer sous la mayonnaise et dix mille tonnes d’actions disponibles. En résulte un titre simple à essayer, mais difficile à dompter. Ceux qui aiment la simplicité apprécieront, les amateurs de gameplays à tiroirs nettement moins. Mais gardez ça sous le coude, on en reparlera plus en détail à la fin de cet article.

Pour finir, le manuel est disponible en VF en version électronique. Il vous suffit de suivre le lien suivant pour en télécharger une copie. Petite anecdote amusante : cette version numérique n’est pas tout-à-fait complète, puisque l’auteur en a retiré la page 19 qui contient un texte à portée « philosophique » visant à approfondir le lore et à faire réfléchir le lecteur. Pour le connaître, une seule solution : acheter la boîte et jouer !

Faire et défaire, c’est du chiffre d’affaire

Au niveau des mécaniques, Living Planet appartient à la grande famille des jeux de dé sans hasard. En plus de son unique dé, chaque joueur dispose en effet d’une main de 6 cartes, chacune d’entre elles comportant un numéro entre 1 et 6.

Au début du tour, chaque joueur choisit secrètement une carte et la pose sur la table. Les cartes sont révélées simultanément, et tout le monde place son dé couleur au centre de la table sur la face correspondante. C’est le premier joueur du tour, appelé le Leader, qui va décider de l’ordre dans lequel les différents dés vont être joués. En plus de cela, le Leader dispose en prime d’un effet bonus, valable uniquement pour lui et pour le tour en question (changement de la valeur d’un dé, production de ressource accrue, déplacement gratuit, etc.).

Pour résoudre un dé, on applique les 3 phases suivantes dans l’ordre :

  1. Production de ressource ;
  2. Action(s) du joueur ;
  3. Catastrophe.

Commençons par la production. Il existe 5 types de ressources différentes (mycélium, pétrole, électricité, vibranium). Ces ressources sont produites par des bâtiments idoines que les joueurs vont construire tout au long de la partie, chaque site de production comportant lui-aussi un chiffre entre 1 et 6. A chaque tour, tous les bâtiments ayant une valeur identique au dé produisent une ressource tandis que les autres font du rien. A ce stade, le propriétaire du dé n’a aucune importance : vous collectez quand même des ressources même si ce n’est pas votre dé qui est joué.

Une fois cette première phase terminée, on passe à la phase d’action. Le propriétaire du dé, et seulement lui, va pouvoir réaliser 2 actions de son choix parmi les suivantes :

  • Explorer de nouvelles tuiles ;
  • Se déplacer ;
  • Construire ;
  • Commercer des ressources ;
  • Récupérer de l’argent ;
  • Récupérer un jeton contrôle de la destinée ;

Commençons par l’exploration. Le joueur pioche autant d’hexagones que la valeur du dé et en conserve une. Les tuiles non choisies sont reposées sous la pile, et celle qui a été conservée doit être posée en accord avec les tuiles déjà présentes sur la table. Si aucune tuile disponible ne le permet, l’action est perdue.

Passons maintenant au déplacement. Dans les grandes lignes, la valeur du dé indique le nombre de déplacements possibles. On compte 1 déplacement pour aller d’une tuile à une autre, ou pour entrer et sortir d’un bâtiment. Il existe deux types d’unités : les scientifiques, faciles à recruter mais qui ne peuvent se déplacer que d’un hexagone à la fois, et les rovers qui peuvent traverser la carte au cours d’un seul déplacement.

Passons maintenant à la construction. Chaque tuile comporte entre 1 et 4 emplacements dédiés. Il faut déplacer une unité (rover ou scientifique) sur un emplacement disponible, dépenser au besoin les ressources demandées par le bâtiment et celui-ci surgit immédiatement de terre. Il existe trois grands types de structures : les bâtiments de production, les bâtiments de protection et les bâtiments de commerce.

Les bâtiments de production ne peuvent pas être construits n’importe où. En effet; chaque emplacement ne peut produire qu’un type de ressource déterminé, indiqué au moyen d’un petit pictogramme. Mais ce n’est pas la seule limitation à la construction ! Vous vous rappelez que chaque bâtiment dispose de son petit numéro bien à lui déterminant à quel moment il produit ? En pratique, il n’y a que 2 exemplaires identiques (même ressource, même chiffre). C’est peu, c’est très peu et cela oblige bien souvent à se rabattre sur un autre numéro que celui que l’on aurait voulu au départ.

Les bâtiments de protection servent à se protéger contre la phase de catastrophe dont on parlera plus bas. Ils consomment des ressources, que ce soit à la construction ou lorsqu’un joueur souhaite bénéficier de leur effet.

Les bâtiments de commerce, enfin, permettent de bénéficier de bonus pour l’action de commerce, et ça tombe bien car c’est d’elle dont nous allons parler maintenant… En effet, les ressources que l’on collecte pendant la partie ne rapportent pas de points de victoire en tant que telles. Il faut au préalable les vendre sur le marché commun. Comme ils disent à Wall Street : « acheter au plus bas et vendre au plus haut ».

En pratique, Living Planet, c’est un peu comme dans la vraie vie : le marché des ressources est une sorte de casino géant, dans lequel chaque marchandise dispose d’une valeur entre 1 et 10 représentant son prix d’achat et/ou de vente à l’instant T. Si le joueur effectue une action d’achat, le prix va monter de 1 unité à l’issue de la transaction, et il va baisser symétriquement en cas de vente.

Petite subtilité qui a toute son importance en cours de partie : si le prix d’une marchandise atteint le 10, il se produit instantanément un krach : sa valeur chute immédiatement à 1 et tous les joueurs qui possèdent ce type de ressource sont obligés de vendre l'intégralité de leurs réserves. Or, l’argent représente les points de victoire : c’est donc un excellent moyen de contrer les spéculateurs qui garderaient au chaud les stocks d’une ressource en particulier – d’autant que les ressources sont en quantité limitée, et que les quantités disponibles diminuent naturellement à chaque tour.

Deuxième subtilité, une action de commerce commence par la pioche de cartes dans la pile « marché » (autant de cartes que la valeur du dé d’action). Le joueur qui réalise l’action doit en choisir une, et celle-ci va venir influencer à la hausse ou à la baisse le prix de la ressource indiquée sur la carte. C’est souvent l’occasion d'augmenter le cours des marchandises que l’on souhaite vendre ou de pénaliser les autres.

Le jeton de contrôle de la destinée permet, enfin et comme son nom ne l’indique pas, de changer la valeur d’un dé au moment de son choix. Par exemple, tout pile juste avant l’apparition des catastrophes histoire de se faire tout plein d’amis. Joie d’offrir, plaisir de recevoir toussa toussa. Tiens, les catastrophes, parlons-en justement.  Une fois que le joueur actif a fait ses actions, on regarde si son dé active une ou plusieurs catastrophes sur le plateau. Il y en a de 3 types différents : des tremblements de terres, des geysers acides et des éruptions volcaniques.

Dans l'exemple ci-dessous, on voit que la tuile du haut est frappée par un jeyser acide à la fin du tour du joueur vert:

Tous les bâtiments sur la ou des tuile(s) concernées subissent des dégâts : si un personnage se trouve sur le bâtiment, il est immédiatement blessé et ne pourra plus se déplacer. Si le bâtiment est vide, il est endommagé et ne pourra plus produire. Et si une unité ou un bâtiment a déjà été endommagé lors d’un tour précédent, ce dernier est immédiatement détruit et retirés du plateau. C'est à ce moment que les bâtiments de protections sont utiles, mais ils consomment des ressources pour chaque bâtiment protégé.

Le Leader finit son tour en détruisant définitivement une ressource encore disponible sur le plateau. Le prochain joueur devient le leader, et aisi de suite. Les cartes déjà jouées restent défaussées, on ne les reprend en main que lorsqu'elles ont toutes été jouées.

La partie dure 10 tours. A ce moment-là chaque bâtiment encore debout, ainsi que les ressources financières dont on dispose, rapportent des points. Les ressources non vendues ne rapportent rien. Celui qui a le plus gros score est proclamé vainqueur, le titre ne propose pas de scoring additionnel de fin de partie ou d'objectif additionnels.

Viens là que je te fasse un bisou

Première remarque, Living Planet est un jeu très opportuniste où les certitudes volent très vites en éclat. L’adaptabilité est prédominante, même si l’on peut tout de même dégager quelques grandes tendances. Tout d’abord, ne négligez pas le mycélium – surtout en début de partie. Il est nécessaire pour recruter des scientifiques, le type d’unité le plus facile à produire. Il sert également à les remettre sur pied lorsqu’elles sont blesséss, ce qui arrive souvent. Si vous le pouvez, c’est donc une bonne idée de commencer votre développement par la fabrication d’une usine de mycélium, et de s’en refaire une autre assez rapidement.

En théorie, les distributions sont équilibrées et le choix du numéro sur son bâtiment de production n’a aucune importance. C’est globalement vrai sur le long terme, puisque chaque numéro sort normalement 4 fois tous les 24 tours (même s’il ne faut pas oublier les tuiles du destin qui de changer la valeur des dés). Cependant, ce n’est absolument pas vrai à court terme : regardez donc avec attention les cartes déjà jouées par vos adversaires avant de choisir votre bâtiment de production. Privilégiez les numéros qui n’ont pas encore été joués. Si plusieurs numéros se révèlent potentiellement intéressants, privilégiez pour finir ceux qui ont été beaucoup choisis par un adversaire unique. Ils auront plus de chance d’être choisis par une tuile du destin à un moment où un autre.

En général, privilégiez la production de ressources à la protection de vos installations : les bâtiments correspondants coûtent chers en ressources, ce qui va significativement réduire votre score. Sur le long-terme et sur nos différentes parties d’essai, les stratégies défensives ont rarement amené à la victoire.

Le positionnement est également un facteur clé à Living Planet. Avant chaque déplacement, soyez attentif aux couples {numéro du dé ; joueur qui active la catastrophe} inscrits sur les tuiles que vous pouvez atteindre. Evitez à tout prix de cibler trop de territoires affectés par le même évènement, ou c’est la défaite assurée. De ce point de vue, le jeu est ultra-punitif : il peut suffire d’un coup de pas de bol, de plusieurs catastrophes qui s’enchaînent ou d’un camarade qui utilise sa tuile destin au pire moment pour se faire dégager du plateau en quelques tours.

Cela ne signifie pas nécessairement la défaite, au passage. En revanche, cela signifie impérativement une alliance entre les derniers afind’éviter que les premiers ne prennent trop d’avance.  L’alliance peut porter sur les dés, bien entendu. Comme on l’a dit juste au-dessus, deux catastrophes soigneusement enchaînée peuvent mettre un joueur à terre. Mais elles peuvent aussi concerner le marché des commodités. Une ressource dont la valeur tourne autour des 6 ou 7 est difficile à attaquer par un joueur tout seul : cela nécessitera au moins 2 tours à faire des actions de commerce, et de la chance dans la pioche des cartes permettant de modifier la valeur de ladite ressource. En revanche, deux joueurs qui s’allient peuvent faire absolument ce qu’ils veulent, surtout s’ils ont construits quelques bâtiments de commerce au passage. N’oubliez pas qu’un crash oblige tout le monde à vendre la ressource concernée à vil prix !

A l'inverse, les écarts de score peuvent littéralement s’envoler si les joueurs à la traîne ne parviennent pas à s’allier. Living Planet est un jeu à effet boule de neige : il ne cherche pas à lisser les différences en donnant des petits bonus aux derniers.

Niveau commerce, il est souvent préférable de vendre ses ressources régulièrement plutôt que d’en stocker de grandes quantités. La pression monte en effet dès qu’il y a pénurie. En général, à ce moment-là, les joueurs commencent à regarder qui produit quoi et il n’est pas rare que cela conduise à un petit krach des familles. De fait, les stratégies basées sur le mycélium et l’électricité, des ressources moins chères mais disponibles en plus grandes qualités, sont tout-à-fait viables.

La gestion des cartes dés est absolument primordiale, et elle demande une véritable planification. Parfois on choisit la carte pour la production de ressource, parfois pour la valeur du dé parce qu’on veut réaliser une action qui dépend de la valeur dyu dé (déplacement, achat/vente) et parfois on la garde précieusement pour bénéficier de son effet bonus lorsqu’on sera Leader.

Pour finir, je vous conseille d’avoir en permanence une tuile du destin à portée de la main. Et surtout, rappelez-vous que vous pouvez la jouer n’importe quand. Spontanément, on a tendance à l’utiliser avant la phase de production, histoire de choisir un chiffre qui nous arrange. Mais parfois, il sera préférable de la jouer après la phase d’action, c’est-à-dire à un moment où vos petits camarades ne pourront plus rien faire pour se protéger de la catastrophe qui vient… Cela manque un peu de fair-play, je le concède, mais en revanche c’est efficace.

Certains le trouveront accessible, d’autres trop léger

Une fois sur table, Living Planet est relativement simple à prendre en main, pour un titre expert s’entend. Il ne faut pas un tour complet pour prendre ses marques et c’est vraiment une belle performance. Pourtant, le titre reste exigeant : la victoire demande de la planification (un peu), de la prise de risque calculée et de l’adaptabilité (surtout).

Le titre est construit autour de sa mécanique de planification originale. L’auteur estime qu’elle est suffisamment solide pour ne pas avoir de nécessité de la noyer sous des tonnes de pans de gameplays additionnels. C’est à la fois une grande force – le jeu est de mon point de vue parfait pour les joueurs « experts mais pas trop » –  mais c’est aussi une grande faiblesse. Car si vous n’accrochez pas immédiatement, vous allez simplement passer à côté de l’expérience. Ce n'est pas un hasard si les joueurs les plus aguerris de mon cercle de jeu, biberonnés aux productions de Lacerda, ont estimé que le système de jeu manquait de corps et de profondeur. De fait, une partie d’essai est vigoureusement recommandée avant de passer à la caisse, afin de voir si le titre vous convient.

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié. Je suis convaincu que la complexité d’un titre ne doit pas venir de la lourdeur des mécaniques mais de la richesse des intéractions, et c’est pleinement le cas ici.

Il est également nécessaire d’apprécier les jeux à interaction forte. Living Planet n’est pas fait pour qu’on fasse sa petite vie dans son coin. Il est impératif que les joueurs s’allient contre celui qui prend de l’avance. De fait, il y a en permanence un jeu trouble entre le plateau qui enchaîne les catastrophes et la nécessité de s’aider quand même un petit peu pour équilibrer les forces en présence. Faute de cela, le titre perd beaucoup de son mordant, et les écarts se creusent beaucoup trop entre les premiers et les derniers.

Il faut également apprécier les titres punitifs : les erreurs de placements se paient cash et on peut se faire balayer de la carte en quelques tours à peine.

Shitstom incoming

A la base, Living Planet a été préfinancé via Kickstarter, comme cela se fait beaucoup maintenant. Le souci, c’est que les bakers ont eu accès à 3 extensions exclusives à la plate-forme de financement participatif : arboria (ajout de tuiles avec des arbres et une nouvelle ressource), aquarius (ajout de tuiles maritimes) et pour finir industria (ajout de nouveaux éléments de gameplay).

De l’avis général, ces différents ajouts démultiplient la profondeur stratégique de l’ensemble. Certains confrères bloggeurs considèrent même que le jeu de base est trop castré lorsqu’on le prive de ces modules additionnels. Hélas, il n’est pas prévu à ce stade que ces extensions soient commercialisées en boutique. Cependant, la question mérite, non nécessite d’être posée : le jeu est-il recommandable dans la version trouvable en boutique, ou devez-vous vous rabattre sur la vente d’occasion pour dénicher un exemplaire du « KS all-in » ?

Sans doute est-ce mon côté Troll, mais ma réponse va être à l’opposé de mes estimés confrères. Pour moi, la grande force du titre est avant tout son accessibilité et sa mécanique épurée. Il s’agit d’une boîte aux antipodes de ce que j’appelle le « choucroutte-raclette ++ », c’est-à-dire le genre de jeu qui essaie d’en jeter plein la vue en noyant le gameplay sous des tonnes d’ajouts plus ou moins utiles. Soit vous êtes justement à la recherche de cette simplicité, et dans ce cas cela fait contre-sens de vouloir complexifier le tout, soit vous êtes à la recherche de productions plus velues et le titre ne vous correspondra pas à la base… C’est comme une mayonnaise en cuisine : cela ne sert à rien de s'acharner si elle ne prend pas immédiatement.

En bref, ce ne sera sans doute pas le titre favori des afficionados de Lacerda, en revanche il pourra rejoindre sans souci l’armoire à jeu de joueurs plus occasionnels. Mais encore une fois, il est préférable de tester avant de passer à la caisse.

Le résumé du patron

Mécanique : gestion de ressource et développement
A Living Planet, on récolte des ressources, on les utilise pour construire des unités et des bâtiments, on récolte encore plus de ressources et on revend tout ça à la bourse histoire de nager dans le luxe et l’opulence. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si les catastrophes diverses et variées ne venaient pas tout détruire à intervalle régulier.

Public cible : joueur confirmé, expert mais pas trop
Bien qu’il soit relativement simple d’accès, le titre se destine essentiellement aux joueurs motivés à la recherche d’un titre où se creuser le citron. En revanche, si votre came c’est plutôt des titres comme Twilight Imperium, A la Gloire d’Odin ou The Gallerist (liste non exhaustive), vous risquez de trouver que Living Planet est un peu léger niveau profondeur…

Nombre de joueur : 1 à 4, plus on est de fous plus on se fritte
Le jeu tourne très bien dans toutes les configurations. A moins de 4 joueurs, on utilise les cartes leaders des non-joueurs pour générer production et cataclysme. Si il y a un peu de hasard dans le tirage des cartes (limité car, comme pour les joueurs, on doit tirer les 6 cartes sur 6 tours avant de les reprendre), la tension reste la même. Ça peut même être encore plus violent car on s’efforce d’orienter les cataclysmes sur les adversaires restants. Nous avons fait pas mal de parties à 2 joueurs, confinement oblige, et le titre s’est révélé également très agréable. Cela dit, je ne suis pas certain qu’un titre aussi compétif soit une bonne idée pour préserver votre couple.

Durée de partie : 2 heures grand minimum, beaucoup plus avec des optimisateurs fous
Une durée de 2h serait parfaite, au-delà c’est trop long pour le format. De fait, c’est une bonne idée de prévoir un sablier ou un chronomètre pour raccourcir les délais de réflexion.

Interaction : compétitif puputte
L’agressivité et la compétition sont indirects – pas de guerre ou d’affrontement au menu – mais très présents. Les joueurs doivent s’allier de manière à brimer le premier, en jouant sur la survenue des catastrophes et des krachs financiers. Faute de cela, les écarts s’envolent et le jeu perd une partie substantielle de son intérêt.

Rejouabilité : moyenne
Le jeu ne propose pas de multiples pans de gameplays à explorer et permettant de varier ses approches de partie en partie. Dans ces conditions, la rejouabilité provient de la variabilité des conditions initiales (tuiles piochées, dés joués, etc.). Pas forcément un titre que l'on va poncer en boucle mais une petite partie de temps en temps est agréable.

Courbe de progression : correcte
On s’amuse de suite car le jeu est plutôt accessible, mais la première partie sera douloureuse pour ceux qui feront des mauvais choix de placement et/ou de développement. Le titre est bien punitif, et il nécessitera probablement quelques parties pour être à l’aise.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Living Planet [2020]

Auteur Gaetan G.
80

Living Planet est un jeu de gestion et de développement franchement atypique. D’une part, parce que sa mécanique compétitive et puputte est inhabituel dans un jeu de gestion, un genre dans lequel le joueur est plutôt habitué à monter son petit moteur de point dans son coin.

D’autre part, parce qu’il offre une mécanique simple à appréhender mais très riche stratégiquement parlant. Le hasard en est complètement absent. Cependant, les actions de tous les joueurs s’entremêlent joyeusement au point où l’adaptabilité domine nettement les débats.

L’auteur a fait le choix d’épurer son système de jeu et de ne pas rajouter de pans de gameplays alternatifs dessus. Cela plaira aux joueurs intermédiaires à la recherche d’une boîte « expert mais pas trop », cependant, les joueurs les plus chevronnés risqueront de se sentir à l’étroit.

 Le contexte écologique de l’ensemble est également une franche réussite : on sent que l’auteur a construit son jeu autour du message, et que c’est un aspect qui lui tenait à cœur. Les joueurs doivent exploiter sans vergogne leur environnement, mais la planète leur rappelle par des catastrophes incessantes et une raréfaction des ressources que ça ne va pas bien se terminer.

Pour conclure, Living Planet est une excellente boîte. Cependant, il est préférable d’essayer avant d’acheter car il faut impérativement accrocher avec la mécanique.

On a aimé

  • Bonne accessibilité (pour un jeu expert)
  • Une mécanique épurée, qui ne cherche pas à en faire des caisses et qui fonctionne bien
  • Un message écologique fort et assumé

On a moins bien aimé

  • Les 3 extensions proposées avec le Kickstarter ne sont pas disponibles en boutique
  • Une mécanique clivante qui n'a pas fait l'unanimité parmi ceux qui l'on testé. Une partie d'essai est donc vivement recommandée avant de passer à la caisse
  • Trop long pour le format. Un chronomètre / sablier est recommandé pour conserver un bon rythme et une durée de partie autour des 2 heures

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