Critique Blood Dolls [1999]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le mardi 26 avril 2011 à 02h23
Rock'n'dolls
Il suffit parfois de résumer un film pour mesurer son degré de folie. Les productions Full Moon se prêtent particulièrement à cet exercice, et ce Blood Dolls de 1999 n’y échappe surtout pas. La preuve :
Siégeant dans son manoir, Virgil Travis (Jack Maturin, qui n’a rien d’autre à son actif et c’est fort dommage) est un étrange milliardaire, d’une redoutable intelligence mais aussi d’une sombre cruauté. Ses deux majordomes sont Mr. Mascaro (charismatique et inquiétant Williams Paul Burns, membre de l’Actors Studio, acteur à Broadway ou jouant du Tennessee Williams, il apparait dans peu de films et Blood Dolls est d’ailleurs son dernier), un « conseiller spirituel » maquillé en clown, et Hylas (Phil Fondacaro, Ewok dans Le Retour du Jedi et Dracula dans le The Creeps de Charles Band tourné juste avant Blood Dolls, est apparu aussi dans Troll, Willow, Hard Rock Zombies, Phantasm 2, Ghoulies 2, Le Rebelle, Les Contes de la Crypte : La Reine des vampires, Les Experts, Le Pôle Express et Land of the Dead), un nain hargneux avec un cache-œil de pirate. Virgil peut écouter son groupe préféré quand il veut, puisqu’il garde ce groupe en captivité dans une cage : ces quatre jolies rockeuses gothiques (dont Persia White, qui ressemblait beaucoup à Lisa Bonnet) et peu farouches (la plus lotie dévoile furtivement ses attributs) se mettent à jouer en live dés que Virgil l’ordonne (« Hylas, la numéro 4 ! »), et si elles trainent un peu la patte (« Va te faire foutre Hylas ! ») le nain leur envoie une décharge électrique pour qu’elles s’exécutent sur le champ. Quel fantasme original...L’autre hobbie de Virgil, qui est aussi généticien, ce sont ses deux marionnettes vivantes, anciennement un juge et un procureur qu’il a transformé en ses esclaves miniaturisés. Précision : Virgil porte toujours un masque sordide lorsqu’il reçoit des invités, puisqu’il possède une tête réduite, fruit des expériences génétiques de sa mère (il dit être né dans un bocal). Charles Band avait déjà fait le coup de la tête réduite dans son bien-titré Réducteur de têtes…
Les deux avocats de Virgil, une belle bimbo (Naomi McClure, dont la carrière cinématographique se résume à ce rôle) et un jeune novice (Jason Pace, Todd Garrett dans la série Girlfriends et héros de My Trip to the Dark Side), se présentent au manoir. Virgil n’est pas content que ses 3 principaux rivaux financiers (dont la belle Jodie Fisher, héroïne des érotiques Intimate Obsession et Body of Influence 2) lui fassent de l’ombre et de la mauvaise pub, rejetant la responsabilité sur ses deux avocats. En guise de châtiment, le jeune avocat est donc transpercé vif sur sa chaise (ce qui nous vaut la seule scène vraiment gore du film), tandis que la bimbo sera transformée en marionnette tueuse (ce qui nous vaut les seuls effets spéciaux numériques du film, d'ailleurs plutôt corrects). Armé de ses 3 marionnettes, Virgil a décidé d’éliminer une bonne fois pour toute ses concurrents. Quelle ironie : les trois marionnettes qui appliquent sa justice et exécutent ces hommes d'affaires sont un juge, un procureur et une avocate !
Grâce à ses sbires, Virgil élabore donc des plans machiavéliques et parvient à supprimer deux de ses principaux concurrents, ses marionnettes en mission (qui rappellent un certain Small Soldiers sorti l’année précédente) trucidant au passage quelques gardes, notamment dans une scène d’ascenseur détournant Usual Suspects. Mais le troisième homme à abattre (rigolo Warren Draper, vu dans les coquins Vice Girls et Virtual Girl) va poser plus de problème, puisqu’il n’est en réalité que le larbin de Moira, son épouse et maitresse SM (l’affolante Debra Mayer, vue dans les Decadent Evil, The Gingerdead Man et Dr. Moreau's House of Pain de Charles Band et dans Voodoo Academy et Prison of the Dead de David DeCoteau), vrai cerveau du couple et des affaires, au point que le mari en pleine négociation n’a qu’à suivre les indications de sa femme par oreillettes. Moira élabore à son tour un plan pour piéger Virgil de façon bien plus fourbe : par les sentiments…
Pas de héros dans ce récit déjanté dans lequel deux « monstres » s’affrontent entre deux uniques lieux (les deux propriétés), au rythme des excellentes chansons rock old school (Kill Pussy Kill, Pain, Goin Down…dommage qu’elles soient introuvables), jouées à un rythme régulier par les Baby girls, pure fabrication pour les besoins du film (mais le groupe deviendra ensuite les Girl Eats Boy, qui ont sortis 2 albums). Comme souvent chez Full Moon, on est dans la comédie horrifique et c’est très drôle grâce à une galerie de personnages atypiques et à des situations loufoques forcément jamais vues ailleurs que dans une prod Full Moon. Comme souvent, c’est esthétiquement plat et plan-plan. Et comme souvent, le contenu de ces plans est si improbable qu’on en oublie la platitude de la réalisation. Mais hormis une mise à mort sanglante (la première) et un œil percé, Blood Dolls n’est pas vraiment gore (ça n’a jamais été le fort de Full Moon) ni très inventif dans les meurtres (malgré la mise à mort bondage). Il joue plutôt la carte sexy via quelques bimbos au générique. Mais même sur ce point, Charles Band (mou) reste assez avare (une Debra Mayer SM souvent mais seulement en petite tenue, une seule paire de seins, une Jodie Fisher qu'on a connu moins pudique…).
Ce qui intéresse vraiment ce Frankenstein du cinéma qu'est Charles Band, ce sont ses monstres, les bizarreries. Toujours aussi fasciné par les marionnettes, les mutations génétiques, les abominations de la nature, les séquestrations monstrueuses, les créatures (souvent de petite taille) et les mythes de Frankenstein et du Dr. Jekyll & Mr. Hyde (qu'il a adapté plusieurs fois), Charles Band, ici producteur et réalisateur de son bébé (comme pour l'amusant Hideous, son précédent film), centre son histoire sur le contexte carnavalesque de la vie quotidienne de Virgil et sur le défilé de freaks, dans les éclairages expressionnistes d’une atmosphère onirique, surréaliste. Le manoir de Virgil est assimilable à un cirque de freaks (le clown, le Mr. Loyal, la musique, les cages, les anomalies physiques, les jouets, les meurtres et expériences en guise de spectacle…). Les Blood Dolls du titre ne sont que des outils parmi d’autres, comme les filles du groupe en cage (la cage est la chaine hi-fi, et les filles sont le groupe sur le CD), le majordome spirituel (qui est aussi prêtre) ou le nain (qui ne sert qu’à activer la chaine hi-fi vivante). Ces freaks constituent une famille sans mère…
Là ou Blood Dolls va surprendre (encore plus), c’est lorsque Charles Band se range du coté de ses freaks en conférant à son film une dimension romantique que n’aurait pas renié le Tim Burton d’autrefois. Pathétique, tyrannique puis émouvant, le personnage de Virgil, qui n’est pas né d’un amour, va pourtant se rendre compte qu’il peut aimer, à son grand désespoir (car l’amour, c’est aussi la déception, comme le dit d’ailleurs l’une des chansons du film : « Love is pain »). Virgil, pour qui « un homme qui n’aime rien peut tout réussir » (dit-il à Moira en citant un philosophe français), va se découvrir des sentiments pour Moira, qui pourtant le manipule dans le but de se reproduire avec lui et de créer une dynastie (!), car c’est ainsi qu’ils deviendront « immortels » selon elle. La séquence ou elle vient se présenter à lui pour la seconde fois, révélant son visage derrière le masque (ce n’est pas une gentille épouse mais une femme fatale calculatrice) et lui exposant fougueusement et avec dévotion sa proposition glauque (« Votre orgueil vous oblige à m’abattre. Domptez-moi à la place, utilisez-moi »), a quelque chose de sentimentalement cruel et tragique :
-Voyez-vous, même nous qui sommes destinés à vivre dans la boue aspirons à ce qui est au ciel.
-Et que voyez-vous quand vous regardez le ciel ? Rien du tout, rien que le vide. La vie est ici-bas avec les mensonges, le meurtre et le plaisir. Si j’étais un homme il vous faudrait me tuer, car vous ne pourriez jamais me faire confiance. Mais je suis une femme, une jolie jeune femme. Les blessures des nations se soignent dans les chambres des souverains…
Virgil accepte le mariage, et ils se marient sur le champ (avec en fond une marche nuptiale inédite jouée à la guitare électrique et au synthétiseur par les filles du groupe). Mais c’est ensuite que la farce devient fable, alors que le récit va jusqu’à proposer deux fins différentes ! Dans la première, Virgil se révèle être un monstre sans cœur qui a perdu toute ses émotions et tout intérêt à sa misérable vie, détruisant les plaisirs qui ne lui servent plus : c’est ainsi qu’il empoisonne son manoir, Moira, ses valets et lui-même, les filles du groupe parvenant à s’enfuir avec les marionnettes, expédiant au passage à coup de guitare le pauvre Hylas, ce qui nous vaut un hilarant vol plané de nain (c'est toujours bon à prendre).
La seconde fin, introduite par le discours tordant d’un Mr. Mascaro en guise de Mr. Loyal s'adressant directement au spectateur (« Normalement nous devrions voir le générique de fin, mais nous avons ce qui s’appelle un léger problème : voyez-vous, nous avons écrit deux fins pour cette histoire. Nous n’avons pas su laquelle choisir. Ce que vous venez de voir il y a une minute est la première (…). Ok, le coté cynique de cette conclusion peut plaire, mais étant en ce qui me concerne un individu doté de valeurs spirituelles, je préfère la suivante et quelque peu différente conclusion à notre histoire… »), est nettement plus positive, romantique et même poétique, Charles Band y révélant un amour inconsidéré pour tous ces freaks qui peuplent ses productions (Empire et Full Moon), notamment par le biais de ce très beau monologue lorsque Moira (belle prestation de Debra Mayer) découvre ce qui se cache derrière le masque de son nouveau mari (c'est-à-dire une mini-tête) : « Je voulais vous mépriser et vous dominer, car je croyais que vous n’étiez qu’un homme, et un homme n’est bon qu’à être méprisé et dominé. Mais à présent je connais la vérité. Vous êtes plus qu’un homme. Ne comprenez-vous pas ? Nous sommes deux merveilles, et nous sommes deux monstres. Nous sommes faits l’un pour l’autre. Virgil, je vous aime, parce que vous êtes un monstre, parce que vous êtes plus qu’un homme ! ». N’est-ce pas plus ou moins la même conclusion que dans un Edward aux mains d’argent ? C’est en se découvrant monstres que ces deux marginaux se découvrent de l’amour l’un pour l’autre, ainsi que de l’amour-propre. Et quand deux freaks s’aiment, le monde leur appartient, « le monde peut désormais avoir peur », tandis que les personnages les moins monstrueux (ceux aussi qui présentent le moins d’intérêt) sont tués au cours du film…
Blood Dolls étonne ainsi par cette intrusion impromptue d’un romantisme de freaks au sein d’un univers de folie donc de violence. Pour ce sujet qui semble lui tenir à cœur, Charles Band fait même preuve d’une certaine finesse dans les dialogues (de beaux monologues, de nombreuses citations…), mais aussi de beaucoup d’humour (cf. les répliques solennelles de Mascaro). Aussi attachant que peut l’être une production Full Moon, Blood Dolls est certes un délire absurde et rock’n’roll joyeusement (et plutôt bien) bricolé (les marionnettes animées de façon rudimentaire, la tête de Jack Maturin sur un faux corps géant…), mais aussi la jolie déclaration d’une légende du bis pour ses créatures. Dans le catalogue chaotique de Full Moon, Blood Dolls est probablement l’un des titres les plus intéressants et touchants. A noter pour les collectionneurs acharnés que les 3 marionnettes du film sont sorties en figurines.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Blood Dolls [1999]
Une intéressante production Full Moon, farce absurde (la folie y est reine), rock'n'roll (les chansons sont savoureuses) et souvent très drôle (notamment grâce aux majordomes et aux filles du groupe en cage) qui cache en fin de compte une déclaration d'amour de Charles Band pour les freaks et pour toutes les créatures qui hantent ses productions. C'est un peu du Tim Burton version Full Moon...
On a aimé
- Une hilarante galerie de freaks
- Une histoire délirante puis touchante
- Le grain de folie à la Full Moon
- Les filles du groupe en cage (et leurs chansons)
- Une double fin !
On a moins bien aimé
- Une réalisation fade
- Peu de gore et peu de sexe
- Les blood dolls du titre sont très secondaires
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