Critique Zendegi [2012]

Avis critique rédigé par Manu B. le mardi 13 mars 2012 à 22h02

La parsa des permutants

"Martin fixait d'une regard soucieux les quatre caisses de vinyles dans l'angle du salon. Deux enceintes, une platine et un ampli étaient posés par terre à côté, leurs câbles drapés de moutons; il avait vendu le meuble hifi trois semaines plus tôt..."

2012 à Téhéran.
L'Iran est sur le point d'être renversée par une vague de contestation. Le peuple est dans la rue pour s'opposer aux droits dictatoriaux du régime. Dans ce bouillonnement révolutionnaire, Martin Seymour, envoyé spécial dans la capitale iranienne depuis quelques temps, voit s'écrire l'histoire, quelques années après le printemps arabe. Pendant ce temps aux USA, Nasim Golestani est une jeune femme originaire d'Iran mais loin de son pays natal. Partie avec sa mère, elle a coupé les ponts avec les autres membres de sa famille après la mort de son père. C'est aussi une scientifique talentueuse qui, au MIT, étudie le cerveau à travers un projet ambitieux qui permettrait de le modéliser. En gros, cela pourrait déboucher sur une numérisation de l'être humain...

Greg Egan poursuit son petit bonhomme de chemin à travers l'actualité dont il n'a cessé de se servir pour écrire ses romans. Il est presque toujours dans l'anticipation, le futur proche. Se servant de la technologie et surfant sur le monde d'aujourd'hui pour décrire un monde réaliste, il voit parfois juste. La difficulté est d'avoir le flair en ce qui concerne la géopolitique.
Zendegi a été écrit plus de six mois avant le printemps arabe et l'un des seuls pays où ce qu'il décrit, à savoir la révolution en Iran, n'a pas eu lieu. La publication aux éd. du Belial' coïncide cependant avec les malheureux évènements se déroulant en Syrie. On est en pleine actualité.

Pour ce qui est de l'actualité, l'auteur australien base l'essentiel de son intrigue dans un thème très porteur, à savoir le MMORPG, auprès des geeks et des jeunes gamers de tout poil. C'est peut-être une facilité qu'il s'accorde, ou peut-être un signe que l'auteur a la volonté de se mettre au niveau de ses lecteurs.
Mais ne nous y trompons pas, Greg Egan incorpore à son jeu multijoueurs des composantes assez techniques par moment qu'il traduit en terme de matrices plutôt qu'en pixels ou FPS (frame rate).

Ces deux éléments (l'accessibilité et le côté scientifique) sont mis en parallèle dans une histoire composée de deux sous récits. L'un décrit l'histoire d'un journaliste occidental mais de plus en plus impliqué et imprégné par la culture iranienne. L'autre est celui d'une scientifique très douée et occupée à créer des clones virtuels. Dans un sens, on est de retour dans La Cité des permutants, aux débuts de la carrière de l'écrivain. Sauf que, contrairement à l'apocalyptique fin des permutants, la fin se révèle presque décevante en comparaison.
A contrario, et seuls les Iraniens le sauront vraiment, il semble décrire une société Téhéranaise tout sauf conforme à l'idée qu'on en a ici en occident. La situation semble beaucoup plus complexe qu'elle n'y paraît et les Persans sont peut-être un peuple à part dans le Moyen-Orient. Cela mérite réflexion.

Le bilan est assez mitigé. Les amateurs de soft-science seront très satisfaits d'un tel roman mais la question que les fans de la première se poseront au final est: Greg Egan se ramollit-il ?

La conclusion de à propos du Roman : Zendegi [2012]

Auteur Manu B.
75

Greg Egan s'humanise de plus en plus. Alors qu'il faisait partie des auteurs de hard-science les plus pointus de sa génération, il glisse petit à petit vers de la science fiction plus humaniste, politique et abordable par le grand public. Une chose est sûre: il ne parvient plus à étourdir par ses concepts vertigineux. Cela enchantera certains et frustrera d'autres.

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