Critique Les orphelins du royaume #1 [2013]

« Le Darkling me tourna le dos et remonta sur l'estrade, où il fut aussitôt entouré de ministres et de conseillers qui parlaient fort et vite. Ivan m'attrapa fermement par le bras.
- Viens par là!
- Ivan! s'écria le Darkling. Baissez d'un ton, je vous prie. Elle est grisha, désormais. »

Premier tome d’une trilogie signée par Leigh Bardugo, Les orphelins du Royaume est roman fantasy orienté à destination d'un peuplic "jeunesse". Comme très souvent dans ce type de littérature, le synopsis n'a en soit rien d'innovant ou de particulièrement attractif. On va ainsi y suivre un récit initiatique comme il en existe tant - découverte d'un grand pouvoir, apprentissage pour le contrôler, sauvetage du monde et passage à l'âge adulte - et, a priori, rien ne semblait réellement démarquer ce premier roman de la masse des nombreux concurrents disponibles sur le marché.

Pourtant, au final, Les orphelins du Royaume s'impose comme une vraie réussite, parvenant à se placer dans le haut du panier des romans jeunesse. En effet, en dépit du côté déjà-vu du pitch de départ, les aventures que va vivre l’héroïne s'avèrent particulièrement bien travaillées, réussissant à conserver intacte l’attention du lecteur du début à la fin du roman. Ainsi, bien que les rebondissements restent intrinsèquement basiques, ils s’enchaînent avec une grande fluidité, et sont surtout suffisamment bien dosés pour ne pas petit à petit user la patience du lecteur.

Les orphelins du Royaume sait également surprendre par son indéniable capacité d'immersion : le style d'écriture est simple et accessible (sans jamais céder à la facilité ou au simplisme), le récit est fluide, les enchainements sont bien pensés, l'histoire est bien développée, les descriptions du monde sont à la fois succintes tout en restant correctement détaillées et l'héroïne parvient à être attachante en dépit de ses (nombreux) aspects caricaturaux. Ainsi, le lecteur se retrouve vite happé par ce roman particulièrement efficace, doté de jeux de pouvoir et d'intrigues ingénieuses (tout en restant suffisamment accessibles pour plaire à un public jeune).

Autre point positif (et non des moindres), le monde décrit par Leigh Bardugo s'avère rafraichissant. Proposant comme toile de fond un univers ressemblant à ce que pouvait être la Russie des Tsars du XVIIIème siècle, Les orphelins du royaume parvient à sortir de nombres de clichés inhérents au médiéval-fantastique. Le lecteur se retrouve ainsi balloté entre un univers quelque peu familier, quasiment historique (les paysages, les castes, les vêtements, l’architecture et autres éléments qui ont cette résonnance de la Russie des Tsars) et des éléments de pure fantasy (la magie, les néologismes, etc.). De façon très étonnante, la mayonnaise prend et propose au final quelque chose de très dépaysant.