Critique Pierre-fendre #1 [2017]

Les Moutons électriques savent toujours dénicher des perles et en voici une : en quelques centaines de pages, ce roman brosse le portrait d'un univers clos, d'un château, immense, qui semble infini. On y naît, on y vit, on y meurt. Jamais on n'en sort. C'est un monde fermé, bordé de murailles épaisses et infranchissables, et dont le ciel opaque est parfois illuminé par des oiseaux aux ailes de flamme.

Ce roman raconte un voyage initiatique autant qu'une course. L'histoire commence dans la salle du printemps, Viridis, il pleut et Aurjance vient de découvrir que son jeune et déraisonnable frère vient de prendre la route. Avec son ami Garicorne, il espère atteindre la dernière salle connue du château, une salle appelée Pierre-fendre, car un froid glacial y règne en permanence. Dans cette salle, une sorte de déesse, la Sommeilleuse rêverait ce monde et serait la cause de ces murs sans fin. Ils espèrent la réveiller. Aurjance pense que le voyage est mortel et l'idée folle, réveiller la déité reviendrait à détruire leur univers. Alors qu'elle part, accompagnée de sa meilleure amie et de son oiseau pique-pierre, à la poursuite des garçons, une autre femme décide aussi d'arrêter ce plan. Elle est la guérisseuse, ou plutôt la sorcière de Viridis, Murgoche, qui vénère la Dormeuse et ne peut laisser ces jouvenceaux lui nuire. Elle aussi constitue son équipe et entame la traversée des salles des saisons.

Les différents groupes parcourent alors Chaloir, la salle de l'été et Feuille-sèche, celle de l'automne. Mais iront-ils au bout ? Chaque chapitre suit une des compagnies jusqu'à ce que le rythme s'accélère. A travers des paysages variés, des ambiances très distinctes, du printanier Viridis accueillant et champêtre aux marais glauques de Feuille-sèche, les personnages font des rencontres étonnantes, effrayantes ou déroutantes. Des créatures adaptées aux climats des différentes salles apparaissent ça et là et surprennent par leur originalité. Les descriptions sont vivantes, des images apparaissent à la lecture, cet ouvrage foisonne de bonnes idées. Brice Tarvel, avec un lexique désuet arrive à retranscrire une ambiance médiévale particulière presque onirique, c'est fluide à la lecture et on jubile en découvrant les répliques cinglantes de Murgoche. Les relations entre les personnages sont très travaillées, les personnages qui évoluent tout au long de leurs aventures se révèlent face aux épreuves. On ne peut reposer le livre et on arrive bien trop vite à la fin du voyage, une fin assez ouverte, trop rapide mais qui laisse présager peut être un jour un peu plus de cet univers à lire.

Vous l'aurez compris, un livre à ne pas louper, et comme souvent chez Les Moutons électriques, une superbe couverture de Melchior Ascaride, dans un dégradé de gris, et effet de ruban rouge, qui n'est pas sans rappeler les choix de sa couverture pour Sherlock Holmes aux enfers.