Critique Réalité [2015]
Avis critique rédigé par Synda G le samedi 5 janvier 2019 à 09h00
Absurdité pelliculaire
"Alors, c’est l’histoire d’un type qui…non… En fait, c’est l’histoire d’un mec qui… Finalement, c’est plutôt l’histoire d’un film qui se…Haaaaargh !!!"
Pour cette critique je vais devoir spoiler méchamment, car s’il existe un réalisateur difficile à cerner, c’est bien Quentin Dupieux. Ce qui faut tout de même retenir de Réalité, c’est qu’il s’agit avant tout d’un long métrage dans la lignée du style du réalisateur, totalement absurde et follement grisant.
Vous êtes prévenus ! Vous entrez maintenant dans une zone de non-sens.
« Compliquée sera ta tâche d’expliquer ce film » m’a dit mon Senseï, et il avait bien raison : Ce qu’il faut retenir de Réalité, c’est que, en plus de se moquer éperdument du monde du cinéma, de la télé, des critiques et des spectateurs en nous prenant plus ou moins pour des c**, Quentin Dupieux est avant tout un génie qui fait de son œuvre une réalisation applaudie pour la performance de son travail.
Et franchement, c’est ce qui fait que je trouve ce mec juste génialissime !
Comme dans Wrong et dans Rubber, Dupieux nous téléporte dans un univers anxiogène, voire oppressant, allégé comme à son habitude d’une pointe d’humour et d’autodérision.
En règle générale, on peut reconnaitre des éléments typiques dans la réalisation de Quentin Dupieux. Réalité reprend tous ces gimmicks, voire les exagère, afin de nous offrir un film drôle et complexe avec :
-Une ambiance bizarre
-Des objets animés ou personnifiés.
-Brise le 4eme mur.
-Une réalisation qui se parodie ou s’auto-parodie.
-Une musique électro qui nous rappelle qu’on regarde un film de Mr. Oizo.
-Des acteurs qu’on retrouve souvent d’un film à l’autre.
-Des plans posés, voire statiques.
-Un filtre jaune omniprésent.
-Un goût prononcé pour l’Amérique profonde dans une production française.
-Une culture hipster assumée avec sa touche de « geek »itude.
Alors, au final, que veut dire Dupieux dans son film Réalité ?
Cette fois-ci, le réalisateur s’attaque aux films « mindfuck », c’est-à-dire des films qui demandent une certaine analyse scénaristique de la part du spectateur, comme c’est le cas pour Enemy. Mais c’est d’Inception que Dupieux s’inspire…non, en fait. Il ne s’en inspire pas. Il le démolit, crache sur le style de Nolan, le parodiant de façon éhontée, avec des reprises de répliques (plusieurs fois dans le script), le concept des multiples réalités qui ne le sont pas, ou plus, ou pas vraiment, et le montage ad hoc… Bref c’est l’histoire d’un film que j’ai regardé et qui me regardait quand je le regardais.
Le principe du détournement à la mode Dupieux consiste à faire un non-film sur le non-sens en reprenant en plus de ses principes les manies d’autres réalisateurs qu’il démonte pour démontrer qu’il n’est pas dupe de ce type de cinéma et dans lequel il réussit, avec beaucoup moins de moyens, à recréer un univers tout aussi casse-tête avec, en sus, un soupçon d’ironie malsaine.
La filmographie de Dupieux a pour fer de lance le non-sens. Dupieux ancre son sujet sur des thèmes qui lui sont chers mais qu’il arrive à détourner en se moquant totalement de la cohérence de l’intrigue, comme on peut le voir sur Wrong cops.
Le titre à lui seul justifie cette analyse avec le décalage entre la définition du terme « réalité », le prénom porté par la petite fille du film qui s’appelle « Reality » et l’œuvre cinématographique qui, escamotant plusieurs degrés de lecture, offre une vision qu’y n’a rien de réel.
C’est une mise en abîme du cinéma sur le cinéma, par le biais du cinéma et sur le thème du cinéma. On assiste donc à un emboîtement de films regardés par des spectateurs qui regardent d’autres spectateurs qui sont eux-mêmes regardés par nous, spectateurs de Réalité.
On suit donc le personnage de Jason, brillamment interprété par Alain Chabat, qui, entre rêve et réalité, va imaginer le futur scénario de son film. Caméraman perdu dans les nuages, il va fantasmer un monde où les postes de télé prendront le contrôle de la Terre en tuant les humains par l’intermédiaire des ondes, comme dans Rubber.
Les personnages sont tous attachés les uns aux autres de façon absurde mais cohérente. Le réalisateur demande une certaine attention au spectateur qui ne sait plus qui il suit vraiment, qui est le héros, et qui, trouvera finalement le film totalement barré. Même si on peut trouver une certaine logique, celle-ci restera subjective. Seul Dupieux peut vraiment expliquer le pourquoi du comment de son long métrage sauf qu’il ne le fera jamais (et que ça doit bien le faire marrer de nous voir nous pencher autant sur le sujet).
C’est comme une analyse de l’inconscient ou des rêves : Cela ne peut s’expliquer que par la personne qui les fait, et encore, peut-on vraiment décortiquer des intentions que nous n’intellectualisons pas ? Est-ce logique de comprendre ces bribes d’images ? La réalité elle-même est absurde, ne serait-ce que par ces prises de décision qui n’appartiennent qu’à nous et qui impactent l’existence de ceux qui nous accompagnent dans cette grande plaine qu’est la vie.
Le hasard est aussi un élément très présent dans le film comme découvrir une cassette vidéo dans le ventre d’un sanglier et, au final, comprendre que tout tourne autour de celle-ci. Dupieux dans un sens purement symbolique démontre qu’on est tous des crétins à réfléchir vainement sur ce qui n’est que succession de faits anodins.
En plus du style « mindfuck », c’est aussi la « science-fiction » qui se prend une droite. Il va de soi que l’idée d’exterminer l’humanité à coup de télés tueuses donne un synopsis assez bancal, à la morale grossière, comme ceux des bons vieux films de série B, genre apprécié par le réalisateur, mais au combien moqué dans Réalité. Le personnage de Jason qui va découvrir le film qu’il n’a pas encore tourné lors d’une projection, dira lui-même que c’est mauvais.
Je ne parle même pas de la parodie de Ratatouille où on découvre un homme en costume de rat qui présente une émission culinaire tellement stupide qu’on comprend alors que les télés vont conquérir le monde à coups de programmes abrutissants.
Dupieux nous livre un film qui, malgré tout, est intelligemment bien construit. Il y a même une certaine poésie dans les plans, dans la façon si particulière de filmer la nature et d’entremêler les situations.
La pression des personnages, leur stress, leurs peurs, leurs craintes, tous rongés par quelque chose, énerve le spectateur qui voudrait bien savoir pourquoi ! C’est dans un puits sans fond que tombent les protagonistes de Réalité, pris dans une spirale infernale qui les éloigne les uns des autres puis les réunit à nouveau sans qu’ils puissent réagir.
Les acteurs, très bien dirigés, ont un jeu à la hauteur du film. Je n’ai rien à redire là-dessus.
Autre particularité du film, il n’y a qu’un seul morceau de musique qui revient de temps en temps ponctuer les moments de tension extrême. Il s’agit d’un morceau de Philip Glass, minimaliste et intense, illustration sonore parfaite pour une œuvre aussi singulière.
La mise en scène et le montage faussement simples mais efficaces montrent comme toujours le talent de réalisateur de Quentin Dupieux, avec leurs cadrages audacieux et pertinents.
Pour finir, si vous connaissez déjà le réalisateur, Réalité est un de ses meilleurs films. Sinon, pour les autres, attendez-vous a une grosse claque WTF. Drôle et glauque à la fois, ce film vous fera rire et vous mettra mal à l’aise en même temps. C’est en tout cas ce qu’offre cette excellente réalisation, ces comédiens en grande forme et cette histoire qui vous lobotomisera le cerveau… tout ce qui plait chez Dupieux en somme. Mais voilà, comment se renouveler après ça ? Que nous réserve le réalisateur après avoir pondu le parangon de sa filmographie ? Pourra-t-il exploiter d’autres thématiques et se réinventer ?
J’ai hâte !
J’ai écrit cette critique à la sortie du film « Réalité » depuis j’ai vu « Au poste » le dernier film de Dupieux sorti cette année…Pour répondre à la Synda du passé : « oui il a géré ».
La conclusion de Synda G à propos du Film : Réalité [2015]
Réalité est un film d'envergure et intimiste, drôle et malaisant, illogique et intelligent. Il ne plaira certainement pas à tout le monde, mais on ne peut lui reprocher la minutie apportée à sa réalisation.
Quentin Dupieux signe là une œuvre complète sur son thème du non-sens, je ne peux que recommander ce long métrage à tous les amoureux de la poésie scénaristique.
On a aimé
- La liste est trop longue !
On a moins bien aimé
- S'adresse quand même à un public d'initiés
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