Critique Le Roi et l'Oiseau [1980]

Avis critique rédigé par Bastien L. le vendredi 13 septembre 2019 à 09h00

Le chef-d'oeuvre de Paul Grimault

Le Roi et l'Oiseau est une œuvre majeure pour le cinéma français malgré son relatif oubli aujourd'hui. L’œuvre d'une vie, d'un homme qui s'est battu pendant plusieurs décennies pour accoucher de ce que beaucoup considèrent comme l'un des plus grands (si ce n'est le plus grand) films d'animation français de tous les temps.

Dire que Le Roi et l'Oiseau s'est fait dans la douleur relève du bel euphémisme. Derrière ce film, il y a surtout la collaboration entre le réalisateur Paul Grimault et le scénariste (avant tout poète) Jacques Prévert qui avaient un rêve un peu fou : créer le premier long-métrage d'animation européen dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Le choix se porte sur une très libre adaptation du conte La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen dont la production va connaître beaucoup de heurts. Tellement que des producteurs vont lâcher le projet développé par le studio d'animation des Gémeaux co-dirigé par Paul Grimault et André Sarrut. La situation empire entraînant une brouille définitive entre les deux hommes ainsi que la sortie précipitée du film en 1953, sous le titre de La Bergère et le Ramoneur, immédiatement rejetté par Grimault malgré un accueil plutôt favorable. Il faut ensuite attendre 1967 pour que Grimault rachète les droits et relance le projet aux côtés de Jacques Prévert comme d'anciens des Gémeaux ayant fermé ses portes. Un travail haletant d'une dizaine d'années envers et contre tous : beaucoup de négatifs du premier projet disparus, décès de Prévert en 1977 et difficultés de financement malgré le soutien d'Antenne 2. Le film sort finalement en 1980 et devient rapidement un classique pour beaucoup et une source d'inspiration mondiale dans le domaine de l'animation notamment du côté de studios japonais comme Ghibli...


L'histoire s'éloigne donc fortement du conte de Andersen pour nous plonger dans le pays imaginaire de Takicardie, sorte de grande métropole composée d'immeubles, où le roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI (prononcez Charles-cinq-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize) règne comme un tyran mégalomane et paranoïaque. Tout le monde courbe l'échine devant son despotisme sauf un oiseau parlant qui ose le narguer et lui tenir tête. Un jour, le roi fait faire son portrait et le porte dans sa chambre secrète où se trouve de nombreuses œuvres d'art dont un portait d'une bergère. Le roi est amoureux de cette dernière mais elle semble bien plus intéressé par le portrait d'un ramoneur. La nuit, les œuvres d'art de la pièce prennent vie dont le portrait du Roi annonçant son mariage forcé avec la bergère. Cette situation provoque la fuite du ramoneur et de sa fiancée qui va déclencher une véritable chasse dans tout le royaume. Une chasse menée par le dessin du roi devenu vivant qui a remplacé son modèle. Les deux héros vont pouvoir compter sur le soutien de l'oiseau qui va les aider à s'échapper. Mais dans une contrée complètement contrôlée par un roi aux pouvoirs totalitaires, l'évasion risque d'être très compliquée voire impossible...

Le Roi et l'Oiseau est le genre de film qu'on aime parce qu'il surprend constamment. L'univers de Jacques Prévert imprime véritablement les dessins des équipes de Paul Grimault. Finalement le scénario et sa progression deviennent vite des prétextes permettant de s'immerger dans ce drôle de royaume de Takicardie à travers des personnages surprenants et parfois attachants. L'adaptation stricte de La Bergère et le Ramoneur est mise de côté si ce n'est la présence et l'amour des deux personnages titre comme le fait que des objets/œuvres d'art prennent vie. Le titre du film montre bien la mise au second plan des deux tourtereaux qui ne sont ici que des archétypes un peu vides qui subissent l'histoire du film. Les deux personnages intéressants deviennent ainsi le roi et l'oiseau qui représentent deux entités qui s'affrontent et qui délivrent le véritable thème du film. Le roi et tout ce qui l'entoure représentent le pouvoir dictatorial pour ne pas dire le totalitarisme alors que l'oiseau représente la liberté, l'insouciance, la légèreté comme l'espoir. Malgré un ennemi implacable, l'oiseau est toujours là pour sauver la mise des héros dont l'innocence et l'amour doivent être préservés à tout prix. Cet affrontement entre contrôle des individus et libre-arbitre est vraiment bien traité, sans jamais de lourdeur et avec beaucoup de poésie. Grimault et Prévert montrent parfaitement que ces types de pouvoirs sont des machines qui finissent généralement par être les instruments de leur fin. Si les enfants peuvent être touchés par le film, les parents aussi auront de quoi se divertir intelligemment.

Malgré ces thèmes très sérieux, le film n'oublie pas de nous offrir une légèreté, une poésie et une dose d'absurde qui montrent vraiment son côté atypique. Grimault a démontré qu'il était capable de créer une œuvre vraiment différente loin des productions Disney ou japonaises de l'époque. Il s'inscrit pleinement, aux côté de René Laloux pour n'en citer qu'un, dans une sensibilité françaises/européenne qui a tendance à se perdre ces dernières années dans le cinéma d'animation. L'humour délicieusement absurde du film reste toujours très intelligent et ne cède jamais aux sirènes du gag trop cartoon. Hormis l'absurde, l'humour repose beaucoup sur les dialogues et les différentes situations qui nous sont proposées. Il faut quand même avouer que le doublage manque cruellement de conviction... On ne rit pas vraiment aux éclats mais on sourit souvent devant les situations vécues par les personnages comme ce monde que l'on découvre. La direction artistique est assez incroyable car elle part dans tous les sens tout en sachant rester assez cohérente. Des ambiances d'Italie de la Renaissance, de cités futuristes, de personnages faisant penser à la cour de Versailles, un ascenseur fusé, un trône auto-tamponneuse ou un robot/automate géant se mélangent pour notre plus grand plaisir. Grimault, Prévert et les artistes ont laissé libre cour à leur imagination tout en ayant réussi à bien la canaliser. Cela renforce ce sublime parfum d'absurde qui plane au-dessus du film et qui le rend si unique. La logique est très souvent chamboulée sans que ça ne gêne à aucun moment notre appréciation du film. Enfin, il faut aussi signaler la sublime musique de Wojciech Kilar qui donne toute sa puissance mélancolique et émotionnelle à ce long-métrage.

Néanmoins, Le Roi et l'Oiseau accuse quand même le poids du temps. Cela est évidemment dû à une production au long cours qui fut très difficile à gérer mais aussi parce que le film existait dans un état déplorable au-début des années 2000 poussant Studio Canal à effectuer une grande restauration qui est celle que l'on peut voir aujourd'hui. Néanmoins, le long-métrage ne souffre d'aucun problème majeur pour être visionné. On sent aussi que le film ne dispose pas d'un budget suffisant pour les ambitions de Paul Grimault dont les techniques d'animation sont bonnes sans être incroyables comparées à ce que Disney ou les productions japonaises étaient capable de faire. Les décors et arrières-plans sont souvent trop statique par rapport aux personnages. Les animations de mouvement sont excellentes, c'est plus au niveau des visages que cela surprend parfois notamment pour le ramoneur. Mais cela reste du chipotage quand on observe la prouesse de l'ensemble et la richesse de l'univers. L'animation est par ailleurs bien plus efficace sur les animaux et surtout le robot dont on apprécie la puissance destructrice. La mise en scène et le montage de Paul Grimault nous démontrent toute l'expérience de ce grand monsieur qui avait près de 50 ans de métier lors de la sortie du film. Il réussit parfaitement à faire vivre ses personnages tout en nous faisant profiter de l'incroyable univers créé. Le film est par ailleurs assez rythmé avec une magnifique introduction nous plongeant bien dans l'ambiance et la suite met admirablement en scène la chasse des deux héros qui sert de véritable guide dans ce royaume aussi étrange et fascinant sans oublier un final assez surprenant.

La conclusion de à propos du Film d'animation : Le Roi et l'Oiseau [1980]

Auteur Bastien L.
80

Le Roi et l'Oiseau est incontestablement un des fleurons de l'animation à la française. Si le film a quand même vieilli sur certains points (doublage, techniques d'animation...), il n'en reste pas moins captivant. Le monde sublime et absurde créé par Pierre Grimault et Jacques Prévert est une surprise de tous les instants pour un divertissement intelligent pouvant plaire aux petits comme aux grands.

On a aimé

  • Une histoire délicieusement absurde proposant un vrai fond
  • Une direction artistique aussi sublime que suprenante
  • Une oeuvre captivante à bien des égards

On a moins bien aimé

  • Le doublage souvent mollasson
  • Une animation qui a parfois vieilli
  • Une bergère et un ramoneur trop fades

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