Critique L'Empire du Léopard [2018]

L'Empire du Léopard est un roman de fantasy audacieux et ambitieux. Loin des canons du médiéval fantastique classique, il dépeint un univers de fin du XIXème siècle mêlé à la rencontre entre conquistadores et un empire plus sanglant encore que les Aztèques.

Nous sommes en 1870. Le Coronado a débarqué il y a six ans sur la péninsule de la Lune d’Or.  Après trois ans de conquête militaire, la situation s’est embourbée : pas d’El Dorado, pas de trésors ni d’or à foison, pas de fontaine de Jouvence. Les colons sont mécontents, les soldats piétinent et le vice-roi de la colonie est progressivement abandonné par son royaume d’origine. Déception et ressentiment sont présents alors que les indigènes sont exploités et qu’une révolte gronde. Loin dans les montagnes, l’Empire du Léopard reste inaccessible. Il est presque devenu un mythe et nombreuses sont les légendes qui courent à son sujet. 

Cérès Orkatz est un des trois colonels de l’armée du vice-roi. Respectée par ses hommes, elle est surnommé la salamandre et sa réputation n’est plus à faire. Pourtant, elle peine à assurer l’ordre sur place. L’ambiance est pesante, humide, lourde.  Les gens s’épuisant sur ces terres faites de jungles et de brumes. Intrépide et investie, Cérès fera pourtant tout pour assurer la survie de sa colonie malgré l’enchainement des événements.

Un jour, des émissaires de l’Empire du Léopard proposent une alliance par un mariage entre la fille de l’Empereur et le vice-roi. La troupe de Cérès se met en route pour accompagner le vice-roi vers ce territoire si fantasmé pour le meilleur et pour le pire alors qu’une éclipse lunaire est annoncée.

Avec un style détaillée, des descriptions parfois crues et sanglantes, Emmanuel Chastellière crée un univers de fantasy très original et parfois effrayant : L'Empire du Léopard est un lieu mystérieux et envoûtant, sanglant et dangereux. Si la première partie du roman dépeint la situation malaisante des colons, parfois assez lourdement, la suite consacrée à la découverte de l’Empire du Léopard et au final explosif du roman est passionnante et très immersive.

Quel régal pour le lecteur de découvrir ce lieu étrange, sa culture et ses habitants ! La vision de la fontaine de Jouvence et des fées est originale et carrément flippante !

Le personnage central, Cérès, est attachant, avec ses qualités de leader, ses défauts bien humains, ses sentiments pour les autres protagonistes dont le vice–roi lâche mais bon, ou encore la jeune Camellia au passé écrasant. Alario l'assistant de l'alchimiste d'état est émouvant. Dans l’ensemble, tous les personnages sont très bien écrits et leur psychologie intelligemment développée. Les membres de la famille impériale sont complexes et leurs motivations s’inscrivent dans une intrigue qui devrait vous surprendre.

Emmanuel Chastellière dénonce au passage avec finesse les méfaits de la colonisation, dépeint le choc des différences culturelles entre religions, traditions et valeurs.

Face à la magie exotique des autochtones, l’alchimie des habitants du Coronado est un pis-aller et l’opposition entre deux cultures s s’y reflètent. La vision de la magie est bien amenée et très cohérente. 

La fantasy est d’ailleurs saupoudrée progressivement pour un final épique et extravagant.