Critique Le Dieu dans l'ombre [2004]

Meghan Lindholm alias Robin Hobb est désormais une légende de la fantasy. L’Assassin royal ou encore Le Soldat Chamane font partie des gros succès de ces dernières décennies. Pourtant, elle s’attaque à du fantastique ici et tisse un chemin de vie poétique d’une humanité sensible et à fleur de peau. Le Dieu dans l'ombre est un petit bijou à découvrir paru dans la collection Perles d’épices (Cette collection est un bonheur) chez ActuSF.

Evelyn est une jeune femme de 25 ans qui a tout pour être heureuse : un mari aimant Tom et un fils radieux de 5 ans, Teddy. Mais il y a peu, cette famille unie a dû quitter l’Alaska pour rejoindre les parents de Tom. En effet, suite à la blessure d’un employé, le père de Tom ne peut gérer seul le garage familial et son fils est naturellement venu l’aider.

Mais le séjour s’éternise, les jours sont devenus des semaines et Evelyn étouffe dans un quotidien où sa belle-famille ne la comprend pas. Le shopping ne l’intéresse pas, elle n’est pas heureuse de ne pas avoir à travailler. Sa belle-mère la trouve bien difficile et sa belle-sœur essaie de l’aider mais maladroitement, elle qui est si parfaite. Tom semble s’éloigner de jours en jours tout comme l’Alaska quand elle réalise que ses beaux-parents font tout pour qu’ils restent vivre ici.

Alors Evelyn rêve, se remémore son enfance sauvage dans les forêts de l’Alaska. Elle revit sa rencontre avec son meilleur ami, son ami d’enfance dont désormais elle ne sait plus s’il était réel ou non. Ce faune adorable et joueur avec qui elle passait ses journées, ce Pan comme elle l’avait nommé alors que lui n’avait jamais prononcé un mot et qu’elle a quitté en partant épouser le beau Tom.

La situation se dégrade à petit feu pour Evelyn quand soudain Pan réapparait dans sa vie.

Ce roman est poétique, sombre, troublant, dérangeant parfois. L’écriture de Robin Hobb est juste, sensuelle. Loin des lourdeurs d’un Assassin Royal quand Fitzchevalerie mettait dix pages à savoir s’il était digne de son héritage, Robin Hobb réussit ici à nous faire partager avec empathie la psychologie d’une femme perdue dans un monde qu’elle ne comprend plus et qui rêve d’ailleurs. Ce roman est une histoire qui mêle fantasme de la nature et désirs inquiétants qui grouillent au fond de nous. Les cent premières pages pourront sembler un peu longues mais les passages en Alaska sont vivifiants, pétillants et plein de joie malgré une enfance au final difficile et solitaire. Les moments de la vie d’adulte d’Evelyn renvoie à des sentiments humains réels, à des situations réalistes. Mais soudain, deux mondes s’entremêlent et le fantastique rattrape la vie quotidienne pour le meilleur et pour le pire.

Ce roman est initialement paru en 2004 et ressort donc dans une élégante édition chez ActuSF.