Du post apo bien trop crédible
Ou la nouvelle forme de l'esclavage dans la SF

Le post-apo est un genre qui a largement fait sa place dans les médias de l’imaginaire que ce soit au cinéma avec la saga Mad Max, en série avec les multiples adaptations de comics et romans comme the Walking Dead et évidemment en roman comme le terrifiant La Route. Mais le plus souvent cette apocalypse est violente, de la bombe atomique d’Akira à toutes sortes de virus éradiquant l’espèce humaine. Ici l’apocalypse a eu lieu, mais elle a été progressive, plus lente mais insidieuse bouleversant la société en profondeur. L’autrice du roman d’aujourd’hui, Marge Nantel en me présentant son œuvre à évoquer le terme de softpocalypse et il est tout à fait juste. Cette chute de notre civilisation est alors d’autant plus bouleversante et crédible.

Code Ardant a reçu le prix Utopiales, c’est un roman dense riche en scènes d’action débridées, un road trip entre Europe et Afrique alors que le monde se relève de l’explosion des satellites et rêvent encore de retrouver internet et son ancien mode de vie. Une apocalypse presque sans mort certes, mais sans coupable non plus. Plus de réseau, plus de data. La Page Blanche. Un coup de pied dans le système alors que tout avait été dématérialisé, que le manque d’essence et le réchauffement climatique était déjà une dure réalité.

La société a bouleversé son architecture : les villes se sont changées en forteresse gardant avec égoïsme le peu de technologie restant. Dirigée par des maîtres, protégées par des soldats, elles sont des oasis dans un monde plus sauvage. Tout cela n’a pris que quelques décennies. Sioux et sa bande de mercenaires mènent un convoi vers la forteresse d’Albi, transportant une cargaison précieuse mais dont seule leur cheffe sait vraiment ce qu’elle ait. Si le rôle de transporteur est devenu vital dans cette société, il est aussi très dangereux. A Albi, Endah vit dans le donjon, humain formaté dès la naissance à servir le maître et ses invités : il n’est que beauté sans émotion, un robot incapable de décision propre mais capable de mémoriser pour le compte de son maître toute conversation entendue. La destruction de la forteresse d’Albi dans des conditions atroces va provoquer la rencontre entre Sioux et Endah. L’ardant, ce robot espion, n’a plus de maitre et une mission à accomplir. Le mercenaire a la haine que son groupe a été manipulé. Il devient le nouveau maître d’Endah et avec l’ensemble de l’équipe cherche à comprendre ce qui s’est passé.

Je ne peux en révéler plus sur l’intrigue et surtout sur le personnage d’Endah qui est extrêmement bien écrit : alors que les voix des deux personnages se partagent les chapitres et que celui de Sioux est plus classique et offre de belles scènes d’action, les passages où Endah pense et agit sont bouleversants. Imaginez un être sans ego, sans capacité de décision qui subit toute une série d’événements anéantissant le monde dans lequel il a toujours vécu, soit un étage de forteresse. Endah est attachant, perturbant et surtout en perpétuelle évolution pour retrouver son humanité étouffée dès son plus jeune âge. Il est un esclave d’un nouveau genre, et reflète une réalité atroce et plausible dans un futur où l’humain n’est guère plus qu’une marchandise. La réflexion renvoie aussi aux chiens de guerre qui se battent en suivant les ordres sans réel engagement politique derrière.

D’ailleurs si les combats sont très cinématiques, ils sont parfois peu réalistes avec des personnages ultra badass. Sioux et la Souris en particulier, je n’aimerais pas les avoir en ennemis. Cécile leur boss est un personnage féminin comme on les aime, forte mais humaine. La variété des personnages est inclusive et une agréable preuve que le post apo n'est pas réservé aux gros machos bien virils. Le cadre de cette aventure est cohérent et la société imaginée par l’autrice atrocement probable. Le rythme du roman est soutenu et alterne avec des scènes plus psychologiques et plus bavardes. Le roman comporte quelques longueurs mais rend crédible l’enbrigadement d’Endah.

Si le roman offre un road trip palpitant et riche en rebondissement et en actions, ce sont les passages entre les deux personnages principaux qui font le sel du roman, l’évolution de leurs dialogues qui laissent peu à peu percer l’ego d’Endah. Ajoutez à cela une bande de convoyeurs haut-en-couleur dont les liens sont tangibles, des personnages rencontrés qui vont de l’odieux à l’allié inattendu et vous obtenez un post-apo fun, rythmé et profond.

Disponible chez Mnémos.

 

Auteur : Nathalie Z.
Publié le lundi 7 octobre 2024 à 08h00

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