Rencontre avec... Didier Delhez
Il nous parle du magazine Plato
La presse francophone consacrée aux jeux de plateau peut se résumer en deux revues: le bien connu Jeux sur un Plateau et un magazine d'essence wallonne, Plato, dirigé par Benoît Christen et Didier Delhez.
Contacté par Scifi Universe, ce dernier a aimablement accepté de nous parler un peu de Plato, de son principe de fonctionnement et de ses objectifs.
SFU: Bonjour, Didier, vous êtes le fondateur du magazine Plato, pouvez-vous nous en révéler plus sur vous? Vos occupations dans la "vraie" vie?
Didier Delhez: Je suis infographiste de profession mais je fais en sorte d'amener mon occupation professionnelle un maximum sur le terrain de l'édition. En effet, cela m'amuse beaucoup plus de travailler dans la mise en pages, pour des projets personnels, que pour des clients. Autant que je me souvienne, j'ai toujours travaillé sur des fanzines et des magazines qui, année après année, ont gagné en professionnalisme. Au début, je les réalisais à la machine a écrire de papy. C'était très bruyant et mes voisins venaient fréquemment me demander quand j'allais arrêter. Puis j'ai acheté mon premier Mac…
SFU: Comment est née cette initiative: la création d'un magazine consacrée aux jeux de plateau?
D.D.: Pendant mes études artistiques, avant l'avènement d'Internet, j'éditais et je gérais un fanzine musical traitant de la musique industrielle. Je recevais quotidiennement une masse importante de courriers, de services de presse. Je suivais mes cours, je réalisais les travaux graphiques que les profs demandaient, et après je répondais à tous ces courriers et travaillais au magazine. Une passion, quoi.
Des années plus tard, après avoir eu deux enfants, je me suis rendu compte que cela me manquait, cette interaction quotidienne, cette gestion. Alors j'ai cherché quel projet je pourrais monter pour retrouver les sensations d'antan, et l'idée de Plato est arrivée.
J'ai placé un post de recrutement sur le principal site de la communauté ludique en ligne, et une dizaine de personnes y ont répondu, pour participer bénévolement au projet. L'affaire était lancée. Et Internet a grandement facilité les choses.
Le nouveau numéro de Plato, avec Croc en couverture
SFU: Pouvez-vous nous parler un peu de l'équipe rédactionnelle? Etes-vous le seul décideur de la composition du sommaire de chaque numéro?
D.D.: Non, du tout! Plato est réalisé via un forum privé et un chemin de fer partagé avec tous les collaborateurs. Nous ne nous rencontrons jamais; nous ne nous téléphonons pas non plus. Tout se fait de façon virtuelle. Chacun propose ce dont il pourrait se charger et nous (Benoît Christen et moi-même; nous sommes co-rédacteurs «en chef») injectons tout cela dans le chemin de fer. Bien sûr, en fonction des besoins et de l'actualité (voire des besoins de l'actualité) nous pouvons aussi solliciter l'équipe, ce qui est fréquent. Il y a beaucoup de souplesse dans notre organisation. Je préfère, et de loin, écouter les conseils de mes collaborateurs éclairés, que de devoir imposer mes décisions. Il est d'ailleurs très rare que je doive le faire. Tant mieux.
SFU: Quelle est sa périodicité?
D.D.: Le magazine est bimestriel. Par le passé, au début, nous étions mensuel, mais le nouveau rythme convient mieux à tout le monde.
SFU: Ou peut-on le trouver?
D.D.: Nous avons choisi de ne plus passer par la distribution en presse, car elle est trop gourmande en invendus, qui sont alors détruits. Or, depuis notre numéro 26, nous avons choisi de travailler avec du papier PEFC (issu de forêts gérées durablement), blanchi sans chlore, et d'imprimer avec des encres végétales. Nous imprimons donc le strict nécessaire et limitons au maximum notre tirage.
Pour se le procurer, il faut s'y abonner via notre site Internet (www.plato-magazine.com) ou l'acheter dans les boutiques de jeux qui nous distribuent (la liste est également sur notre site). Cela me semble beaucoup plus cohérent par rapport à notre démarche environnementale.
SFU: Comment se structure un numéro de Plato?
D.D.: Tout a été repensé depuis le numéro 26. On rentre désormais dans le magazine par une rubrique légère, un peu fourre-tout, où on vous parle du jeu de société de manière très large, sans oeillères. Puis on arrive au jeu de couverture, qui est soutenu par une interview et un petit dossier. Suivent alors toutes les chroniques de jeux, anciens ou nouveau, cela incluant une double page sur les jeux pour enfants. Le principal dossier vient à leur suite. Et enfin on termine par diverses rubriques et rencontres, le tout occupant 64 pages bien remplies.
SFU: Avez-vous choisi le camp des "casual" ou des "hardcore" gamers? Est-il possible, selon vous, de contenter les deux publics à travers le même magazine?
S.D.: Nous avons d'abord choisi d'utiliser un ton léger, sympathique. L'idée est que ce dont on parle n'est «que» du jeu de société. Alors on évite les discours pompeux, les grandes phrases pour montrer qu'on sait écrire. On cherche les titres rigolos.
On ne peut pas négliger les joueurs hardcores qui sont le cœur du milieu ludique qui, en francophonie, n'est pas si étendu que cela. Mais notre approche vise à faire entrer dans notre univers de nouveaux venus. Nous évitons donc d'être hermétiques, et nous ponctuons notre contenu d'articles de vulgarisation.
SFU: Jeu américain (au thème fort), jeu allemand (avec sa mécanique logique très éprouvée), jeu abstrait, quelle est la tasse de thé de Plato? Ou visez-vous, bien au contraire, l'ecclectisme?
D.D.: Oui, nous sommes éclectiques. Cela rejoint la réponse à la question précédente. On n'ignore aucun style, au contraire, on élargit même le cercle en parlant régulièrement de jeux de rôles, de jeux de figurines, de wargames… Après tout, ce sont tous des jeux auxquels on joue… en société!
SFU: De votre position privilégiée d'observateur, vous êtes bien placé pour émettre un avis sur la santé actuelle du jeu de société au sein du milieu ludique francophone. Que pensez-vous de la situation actuelle? Y-a-t'il une différence entre les milieux ludiques belge et français?
D.D.: Au niveau des clubs, la Belgique paraît bien mieux structurée que la France. Cela tient sans doute à la petite taille de notre territoire. Par contre, si on regarde du côté des éditeurs, on peut les compter sur les doigts d'une main, du côté belge. Il est clair qu'avec 60000000 d'habitant contre 4000000 pour la Wallonie, la France a un marché nettement plus enclin à inciter à se lancer dans l'édition.
Niveau santé, il y a une progression, mais elle est lente. On n'arrivera jamais au niveau de l'Allemagne; question de mentalité. Mais on devrait quand même pouvoir faire beaucoup mieux. Cela passe par une meilleure exposition médiatique, via les médias nationaux.
SFU: Voyez-vous le web comme un média concurrentiel ou complémentaire? D'ailleurs, pourquoi ne pas avoir opté pour un webzine au lieu d'un magazine papier?
D.D.: Pour un magazine de presse écrite, la seule façon de voir le Web, est de le considérer comme un complément. Ainsi, nous n'essayons pas de lutter sur le terrain de l'actualité et de la nouveauté. Au contraire, nous revendiquons de pouvoir parler d'un jeu sorti il y a plusieurs mois ou plusieurs années. Ce n'est pas comme avec les jeux vidéos: la durée de vie d'un jeu de société est beaucoup plus longue.
Quand nous traitons de l'actualité, nous essayons de le faire avec plus de profondeur et différemment de ce qui se fait sur le Web.
SFU: Quel est le (ou les) jeu qui, récemment, qui a vous particulièrement séduit?
D.D.: Là, je suis sous le charme de Carson city (Quined games) de Xavier Georges. Ce jeu est une bombe, un jeu à la mécanique imparable qui offre beaucoup de tactiques différentes qui toutes peuvent vous mener à la victoire. Il y a de l'interaction, et je trouve particulièrement futé d'avoir introduit dans ce jeu, assez calculatoire il est vrai, des lancers de dés, une part de hasard. Les illustrations sont splendides et immersives à souhait. Un must qui devrait raffler quelques prix, sans aucun doute possible.
SFU: Merci, Didier
Publié le jeudi 12 novembre 2009 à 18h25
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