Critique Silent Hill 2 [2001]

Avis critique rédigé par Bastien L. le mercredi 27 octobre 2021 à 09h00

Oh Mary, si tu savais...

Critique de la version PS2

Que cela soit pour le cinéma ou le jeu vidéo, simuler une peur éphémère et épidermique est assez aisée. En revanche, pour ce qui est de créer une terreur sourde et envahissante sans recourir à de grossiers artifices n'est pas à la portée de tous comme l'a notamment prouvé Silent Hill 2...

Aucun suspense dans cette critique, Silent Hill 2 est un chef-d'oeuvre incontesté du genre survival-horror pour ne pas dire du jeu vidéo tout court. Une œuvre fondamentale autant héritière de succès lui ayant ouvert la voie comme visionnaire avec une influence au-delà de son média. Silent Hill 2 est aussi le témoin d'une époque où le survival-horror avait fait passer le jeu vidéo dans une dimension d'univers et d'expériences plus matures et adultes où le Japon se taillait la part du lion sur consoles. Bien que né en France (Alone in the Dark, 1992), le genre avait été popularisé et magnifié par Resident Evil (1996) qui incita d'autres développeurs à se lancer eux-aussi dans la frousse faîte de polygones. Sorti en 1999 sur PSOne, Silent Hill fut un choc car, loin d'être un clone de Resident Evil, il proposait une horreur psychologique très efficace et une certaine poésie macabre dont quelques scènes hantent encore nos souvenirs. Succès critique et commercial, le jeu incita son éditeur Konami à lancer une suite pour la prochaine Playstation 2 avec la même équipe au développement au sein d'un de ses studios tokyoïtes, le fameux KCET (outre la création de la série Silent Hill, on doit au studio des épisodes de Pro Evolution Soccer, Castlevania ou Gradius...). Une équipe de développeurs se forment au sein du studio s'appelant la Team Silent quand bien même elle est amputée du réalisateur Keiichiro Toyama parti créer Forbidden Siren chez Sony. Néanmoins, on retrouve un noyau dur ayant travaillé sur le premier opus dont l'artiste Masahiro Ito (chargé notamment de l'apparence des créatures), le scénariste Hiroyuki Owaku et surtout le compositeur/sound designer Akira Yamaoka. Le titre sorti d'abord sur PS3 fin 2001 puis sur la première Xbox avec un chapitre inédit avant d'arriver sur PC en 2002 dans un version « Director's cut ». Enfin, le titre est aussi disponible, aux côtes de Silent Hill 3, dans la compilation Silent Hill Collection HD sortie en 2012 sur PS3 et Xbox One avec notamment de nouveaux doublages.

Bien que situé dans la même ville moyenne fictive américaine de Silent Hill, le second opus n'est pas une suite directe du premier en ce qui concerne son histoire. On incarne un nouveau héros, James Sunderland, veuf depuis que sa femme Mary est décédée d'une maladie trois ans plus tôt. Néanmoins, James reçoit une lettre de sa défunte épouse l'invitant à la rejoindre à Silent Hill dans leur « endroit spécial ». Ne sachant que croire, James se décide néanmoins à venir en avoir le cœur net même s'il se retrouve face à une impasse puisque le tunnel permettant d'accéder à la ville par la route est fermé. Notre héros doit donc se résoudre à y aller à pied et rencontre l'adolescente Angela dans le cimetière en bordure de ville. Elle lui explique qu'elle cherche sa mère, que James ne devrait pas se rendre dans la ville tant d'étranges et effrayantes choses s'y passent. James poursuit et découvre effectivement que la ville est vide, plongée dans un épais brouillard et infestée de terrifiantes créatures assez belliqueuses. James va tenter de rejoindre le lac et devoir éviter les créatures, enchaîner les découvertes macabres tout en rencontrant d'étranges survivants. Que cela soit le rondouillard Eddie complètement dépassé par les événements ou la jeune fille Laura semblant connaître Mary. Il fait aussi la rencontre d'une femme se présentant comme Maria et qui ressemble étrangement à une version plus séductrice de sa femme disparue. Il va donc s'enfoncer progressivement dans les secrets de la ville à la recherche de la vérité tout en étant poursuivie par une étrange créature violente à tête de pyramide et apparemment immortelle...

La série Silent Hill se distingue sur de nombreux points par rapport au reste des productions d'horreur vidéoludique notamment par ses scénarios. L'histoire de Silent Hill 2 est ainsi de grande qualité car elle s'écarte de la série B assumée façon Resident Evil pour se concentrer sur la descente aux enfers d'un homme alors aux portes de la dépression. Une histoire très bien écrite qui se ressent plus qu'elle ne s'explique. Le scénario est ainsi assez diffus et les rencontres peu fréquentes mais ayant toujours un poids important pour comprendre l'intrigue et pour aborder des thèmes assez sérieux. La ville de Silent Hill et ses habitants, humains ou non, peuvent se comprendre comme un miroir dans lequel James plonge son regard (comme la scène d'introduction le suggère) et où on a l'impression que l'aventure est une plongée dans le subconscient du héros. C'est une façon de voir cette histoire qui met en scène des personnages ayant tous connu des traumatismes subissant de véritables fuites en avant dans un cauchemar éveillé. L'histoire se concentre finalement sur le deuil de James dont les différentes découvertes comme les personnages rencontrés lui rappellent sa femme défunte et dont il ne peut se défaire jusqu'à à une fin vraiment surprenante mais d'une puissance incroyable. Silent Hill 2 affiche une telle maturité que le jeu n'hésite pas à aborder avec grande justesse des thèmes tels que la culpabilité, la folie meurtrière, le suicide, le harcèlement ou les abus sexuels...

Aux côtés d'une histoire aussi puissante qui sait nous émouvoir, Silent Hill 2 propose surtout une ambiance incomparable. Le mélange d'un scénario sérieux et d'une atmosphère étouffante démontre à quel point l'équipe en charge du projet était à la croisée d'influences bien digérées. On sait maintenant que les auteurs citent pêle-mêle le cinéma avec les films de David Cronenberg de David Lynch ou L'Echelle de Jacob ou la peinture avec l'oeuvre de Francis Bacon. Sans oublier le jeu vidéo dont le premier opus ou encore la pierre angulaire Resident Evil dont le Nemesis du 3ème épisode semble avoir inspirer Pyramid Head quand bien même Silent Hill 2 met en scène son croque-mitaine invincible avec bien plus de subtilité comme de symbolisme. C'est d'ailleurs la clé de la réussite du jeu qui ne propose pas une peur frontale mais qui veut installer une horreur lancinante faîte de silences, de rencontres angoissantes annoncées et d'un malaise toujours tapi en surface. Cela passe pas des personnages énigmatiques, des astuces de gampeplay dont on reparlera mais aussi par une mise en scène jouant beaucoup sur le contre-champ et sur des mouvements de caméra assez erratiques. La Team Silent a surtout réussi à créer une ambiance incomparable aussi repoussante que fascinante dans laquelle on plonge la boule au ventre mais dans laquelle on avance tant on est happé par le jeu. Une réussite qui doit d'abord beaucoup à l'incroyable direction artistique du jeu.

Silent Hill 2, malgré ses 20 ans, n'a vraiment pas trop mal vieilli. Bien sûr, techniquement et graphiquement, il faut un petit temps d'adaptation pour se remettre dans le bain mais tout le reste fait qu'on oublie vite l'âge du jeu. Il faut aussi dire qu'à l'époque, le jeu de la Team Silent était quand même une petite claque permettant à beaucoup de comprendre à quel point la génération 128-bits allait être merveilleuse offrant par ailleurs un des premiers grands titres de la PS2. La direction artistique est époustouflante avec la création d'une ville en décrépitude où tout paraît sale et malsain avec des secrets inavouables cachés à tous les coins de rue. Si la ville en elle-même avec son brouillard est génialement réalisée, on apprécie tout autant les intérieurs comme l'immeuble résidentiel inquiétant, l'hôpital désaffecté (rappelant évidemment le premier opus), une prison issue du passé ou un hôtel dangereusement vide (Shining n'est pas loin...) sans oublier les versions sombres de certains lieux comme une sorte de réalité alternative encore plus sale et plus malsaine. Il faut évidemment citer les horribles créations de Masahiro Ito mélangeant habilement corps humains et atrocités visqueuses comme luisantes. Le talent du bonhomme pour imaginer des créatures aussi bizarres qu'affreuses est tel que la première créature du jeu est simplement inspirée d'un homme marchant avec une capuche sur la tête les mains dans les poches... On ne peut évidemment pas oublier l'incroyable présence du Pyramid Head à l'aspect terrifiant et au comportement déviant qui démontre une nouvelle fois la réussite du mélange entre Eros et Thanatos. De l'aveu de l'équipe, la puissance évocatrice de la mort comme du sexe est toujours très efficace, on ne saurait leur donner tort... Enfin, comment ne pas citer tout le travail sonore (musique et sound design) de Akira Yamaoka qui mélangent magnifiquement silence et bruits étranges, compositions inquiétantes et musiques aussi belles que tristes. Dommage que les doublages, anglais, du jeu manquent parfois cruellement de conviction.

Silent Hill 2 se parcourt donc surtout pour son ambiance incomparable et pour observer une direction artistique qui confine à la perfection dans l'approche horrifique. Avant de pleinement aborder le gameplay, rappelons aussi que Silent Hill 2 fait partie de ces œuvres ayant démontrer que le jeu vidéo n'est pas forcément qu'une affaire d'amusement. Un paradoxe démontrant à quel point l'industrie devenait plus mature à partir de la seconde moitié des années 1990. Une approche dont l'influence se fait encore sentir notamment dans la scène indépendante actuelle. Le titre est une expérience de jeu à part qui reste néanmoins assez proche de celle du premier opus en termes de gameplay. Le titre est bien un survival-horror dans ses mécaniques et reprend bien les classiques du genre de l'époque à savoir de nombreuses énigmes pour progresser occasionnant des aller-retours avec des objets à trouver, des armes et munitions en stock limité pour lutter contre des créatures qu'il faudra plus souvent éviter. Le tout où l'exploration est le maître mot. Silent Hill 2 ne révolutionne pas le genre à ce niveau mais apporte des mécaniques sympathiques comme la lampe torche obligatoire pour réussir à lire le plan ou passer quelques énigmes (permettant au passage une gestion de la lumière époustouflante pour l'époque) sans oublier la radio qui grésille pour prévenir l'apparition d'ennemis. Une idée couplée avec la mise en scène misant sur le hors-champ qui fonctionne parfaitement pour nous faire peur, plutôt que des jump scares qui sont quasiment totalement rejetés du jeu.

La vraie force du gameplay de Silent Hill 2 est finalement d'être complètement légitimée par son histoire et son ambiance. Les allers-retours, les bâtiments immenses aux couloirs qui se ressemblent ou le sentiment oppressant d'être perdu participent à l'enfer dans lequel James s'enfonce. Les dédales que forment la ville et les bâtiments à explorer sont comme l'emprisonnement mental dont semble souffrir James suite à son deuil. Et comme James, le joueur décide malgré tout de poursuivre en s'appropriant timidement les lieux et en notant mentalement les différentes interactions possibles avec des objets que l'on pourra trouver (cela se traduit admirablement dans le jeu avec les cartes et les plans qui sont directement annotés). Pour ce qui est de sa difficulté, le titre est totalement paramétrable que cela soit pour les énigmes ou pour l'action représentée par les affrontements contre les monstres et les boss. L'action du titre est loin d'être omniprésente et elle s'avère assez efficace sans plus car notre héros vise de lui-même et combat en corps à corps ou avec des armes à feu. Il faudra juste bien explorer les zones pour ne pas être à court de munitions ou de soins. Enfin, les combats contre les boss ne sont pas des plus folichons se résumant à de l'esquive et du vidage de chargeur... Ils sont, encore une fois, bien plus intéressants par ce qu'ils symbolisent dans le récit. Silent Hill 2 sait donc s'adapter à tous types de joueurs (sauvegardes très accessibles notamment) avec une durée de vie confortable d'une dizaine d'heures pour une première partie sachant qu'il y a quatre fins principales possibles et d'autres plus farfelues.

La conclusion de à propos du Jeu Vidéo : Silent Hill 2 [2001]

Auteur Bastien L.
90

Silent Hill 2 est une œuvre phare du survival-horror et un pivot important de l'histoire du jeu vidéo. Une œuvre au scénario profond, au propos adulte et réfléchi qui propose une ambiance angoissante magistralement mise en scène et magnifiée par une direction artistique rarement égalée. Le tout servi par un gameplay efficace et une approche aussi sérieuse et mature du jeu vidéo faisant que le titre de Konami ne cesse de nous hanter après avoir éteint la console comme une créature à tête de pyramide...

On a aimé

  • Un scénario profond et mature dans les thèmes qu'il aborde
  • La direction artistique absolument incroyable (monster design, musiques...)
  • Un gameplay très efficace

On a moins bien aimé

  • Les doublages anglais
  • L'action très basique
  •  

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