Critique L'Alphabet des Créateurs #4 [2022]

La tétralogie ambitieuse d’Ada Palmer, Terra Ignota arrive à son terme. L’utopie éclate, cette société imaginée par l’écrivain historienne, si originale et si crédible, inspirée des Lumières, n’aura pas survécu aux événements des trois précédents opus, ni au narrateur de l’histoire et à son jeune protégé aux capacités spectaculaires. Perhaps the stars, tome final en anglais donnera deux tomes en français, le second arrivera en octobre 2022.

Septembre 2454.

Tant redoutée, mais inévitable depuis plusieurs mois, la guerre est là : l’âge d’or dans lequel prospérait l’humanité depuis trois siècles a volé en éclat, à l’instar de la cité aquatique d’Atlantis, première victime du conflit. Quelques semaines plus tôt, un procès retentissant a prouvé que l’équilibre précaire qui maintenait la paix entre les Ruches, ces organismes ayant remplacé les États-nations, n’existait qu’au moyen d’une série de meurtres calculés avec précision. Il n’en fallait pas davantage pour mettre le feu aux poudres. Dans ce monde où les frontières n’existent plus, où la technologie est si avancée que n’importe quelle création industrielle peut se muer en une arme de destruction massive, où les membres d’une même famille peuvent appartenir à des Ruches désormais ennemies mortelles, la guerre est un art à réinventer. Deux camps se dessinent cependant. Ceux qui soutiennent Sniper et sa volonté de réformer les Ruches ; ceux qui soutiennent J.E.D.D. Maçon, le dieu vivant ou prétendu tel, et son ambition de rebâtir un système plus juste. Or, dans les coulisses, d’autres conflits se trament, avec comme enjeu l’accès aux étoiles…

Tout aussi exigeant que les tomes précédents de Terra Ignota, l’Alphabet des Créateurs est donc la première moitié du tome final. Pourtant, il est déjà très riche et nous offre un nouveau narrateur anonyme. Désormais, les nombreux personnages ne sont plus affiliés à leur ruche d’origine mais à la faction qu’ils ont choisi de défendre dans ce conflit qui était inévitable et qui entraine un blackout des communications. Sans révéler plus de l’intrigue, ce qui fait la force de cette saga est toujours présent mais ses difficultés aussi. Ce roman se savoure à tête reposée, en prenant le temps. L’intrigue est savamment pensée, les frontières entre le bien et le mal sont floues et la société qui se profile avec cette guerre rappelle étrangement le passé terrestre. La question cruciale des communications en plein conflit est posée pour les factions du roman mais reflète notre monde actuel bercé de réseaux et de connections permanentes. Le tome se conclue sur un combat épique, mais un avenir sombre. On attend la suite avec impatience mais aussi un peu d’inquiétude pour cette utopie en perdition.