Critique Trop semblable à l'éclair #1 [2019]
Avis critique rédigé par Nathalie Z. le lundi 20 janvier 2020 à 09h00
De la SF utopiste et un monde original
Trop semblable à l’éclair est le premier volet d’une quadrilogie de science-fiction intitulée Terra Ignota. Les romans fonctionnent par paire, le second répondant aux interrogations du premier. Oui, vous l’avez compris, la fin de ce livre vous laissera un peu sur votre faim !
Premier roman dense et ambitieux, cet ouvrage nous plonge dans un futur lointain très différent de nos sociétés actuelles. Ada Palmer est diplômée d’Harvard et professeur d’histoire à l’université de Chicago. Son érudition transparait dans ce monde futuriste original qu’elle a conçu et développé dans cette saga. Dès le début, le lecteur pourra d’ailleurs se sentir perdu tant cette société a d’autres repères mais accrochez-vous cela vaut le détour ! Lisez bien d’ailleurs la requête au lecteur qui prévient le lecteur sur l’utilisation de la langue et autres usages particuliers. En effet, dans ce futur qui semble utopique, le monde est moins genré et les pronoms notamment ont changé. Lorsque des personnages parlent, ce langage est utilisé mais le narrateur rassurez-vous prendre bien soin d’utiliser notre langage actuel pour le reste du texte. Le narrateur d’ailleurs est un Servant, un criminel qui sert en liberté conditionnelle perpétuelle. Peut-on faire confiance à un tel conteur ?
2454. Notre monde n’est plus organisé en Etat nation mais en ruche. La voiture volante a aboli les distances et le concept de religion (dans le sens d’une église organisée) a été abandonné. Les dix milliards d’humains qui peuplent notre planète se regroupent désormais par affinités intellectuelles. Sept ruches très différentes les unes des autres coexistent dans un équilibre et une paix fragiles. Au sein des ruches, les humains se regroupent en bash, sorte de famille étendue, de collectif partageant amitié et idées, ainsi que les tâches du quotidien et l’éducation des enfants. Chaque ruche a ses lois, son organisation politique et ses traditions. La spiritualité n’est pourtant pas inexistante et est aux mains des Sensayers de chaque ruche. Ces personnes peuvent vous guider individuellement par rapport aux questions existentielles, à la relation à la mort… Cette utopie offre à tous gites et couverts, ainsi qu’une technologie avancée. Mais ce monde parfait est fragile et le moindre grain de sel peut le faire s’effondrer.
Mycroft Canner, notre narrateur improbable n’est pas seulement un criminel, il a aussi l’oreille des puissants et le voici mêlé à une enquête particulière : a été volée la liste des noms des personnes les plus influentes de la planète qui devait être publiée dans le journal Black Sakura. Cela pourra surprendre mais cette liste est capitale à l’équilibre des puissances en place, chaque ruche ayant ses propres ambitions. Si elle était modifiée avant d’être rendue publique, cela bouleverserait l’équilibre des ruches. En réalité, l’enquête est d’abord confiée par le chef d’une ruche Cornel Maçon à Martin Guildbreaker qui se retrouve à s’intéresser de près au bash où vit Mycroft comme Servant. Mais dans ce bash, un secret est bien gardé, celui d’un garçon capable de miracle. Comment rendre public les pouvoirs exceptionnels de Bridger dans un monde qui a rendu illégal le concept de divinité ? Les deux intrigues s’entremêlent alors : la préservation du secret de bridger et le vol de cette liste sensible. En parallèle, le passé de Mycroft et ses crimes sont peu à peu dévoilés…
Ada palmer, une autrice à suivre !
Trop semblable à l’éclair est complexe et déroutant, il faut passer le quart du livre pour en percevoir la grandeur et l’intérêt réel car avant, cela semble long et lourd (certains interludes théôtraux font plusieurs pages) et l’intrigue avançant lentement. En effet, le narrateur interrompt souvent le récit pour expliciter ce monde, s’adressant à ce moment-là directement à son lecteur. Pourtant, ce roman se mérite et c’est tant mieux. S’il est plaisant de dévorer des ouvrages riches en rebondissements, c’est un autre plaisir de plonger dans une saga de SF ambitieuse qui propose un monde si différent du nôtre que l’on s’y sent comme un étranger en visite. L’intrigue en elle-même n’est pas révolutionnaire mais il ne s’agit que du premier tome et dans les sagas, l’histoire prend évidemment du temps à se lancer. Le suspense se concentre surtout autour du personnage de Mycroft et de son passé criminel. Le personnage de Bridger est exceptionnel mais il semble plus être un enfant que l’ado qu’il est censé être. Sa naïveté s’oppose à son gardien Mycroft. Comment un homme tel que lui a pu élever un garçon si pur ? Ce narrateur est la grande réussite de ce roman riche en dialogues et qui prend souvent le lecteur à parti.
Empruntant à la philosophie des Lumières, en particulier à Voltaire et Diderot, ce roman est une véritable réflexion sur la société utopique mise en place par l’autrice et indirectement sur la nôtre. Le lecteur pourra ainsi réfléchir à la notion de famille, de genre, de nation, de justice, de sexe entre autres. Audacieux, ce livre multiplie les manigances politiques en arrière-fond de cette utopie qui change des trop nombreuses dystopies récentes en SF.
Si vous voulez mieux comprendre cet univers (explication des ruches entre autres) et le tout sans spoiler, allez faire un tour sur le blog de l’autrice (attention c’est en anglais !). Dans le roman des tableaux explicitent au fur et à mesure du texte les enjeux politiques et économiques liés aux ruches. Passionnant mais compliqué à intégrer en pleine lecture du roman.
Trop semblable à l’éclair a été salué par le prix Compton Crook et a valu à son autrice le prestigieux John W. Campbell Award.
Sept Redditions, suite directe de ce roman devrait arriver en librairie dès 2020.
La conclusion de Nathalie Z. à propos du Roman : Trop semblable à l'éclair #1 [2019]
Exigeant et ambitieux, ce premier roman est plus que prometteur. Trop semblable à l'éclair pose les bases d'une intrigue politique dense et d'un monde futuriste utopique si différent du nôtre en termes de valeurs que l'on s'y sent comme un touriste découvrant une autre civilisation. Ada Palmer fait un travail de worldbuilding exceptionnel et nous confie pauvres lecteurs aux paroles d'un narrateur qui n'est pas ce qui semble être, un homme que nous ne pouvons pas croire, un certain Mycroft Canner. Accrochez-vous et plongez dans Terra Ignota, ça vaut le détour !
On a aimé
- Un univers extrêmement bien construit et original
- Un roman érudit empreint de philosophie des Lumières
- Une utopie !
On a moins bien aimé
- Une entrée en matière très longue
- A lire la tête reposée
Acheter le Roman Terra Ignota : Trop semblable à l'éclair #1 [2019] en un clic
Nous vous proposons de comparer les prix et les versions de Terra Ignota : Trop semblable à l'éclair #1 [2019] sur Amazon, site de vente en ligne dans lequel vous pouvez avoir confiance.
Retrouvez les annonces de nos dernières critiques sur les réseaux sociaux
Critiques liées
-
Terra Ignota : Peut-être les étoiles #5 [2022]
par Nathalie Z. | Lecture : 2 mn 15
Une fin maitrisée pour une saga intelligente : Terra Ignota est une saga brillante de bout en bout, complexe et difficile à lire, mais qui pose l’humanité comme capable d’é…
-
Terra Ignota : L'Alphabet des Créateurs #4 [2022]
par Nathalie Z. | Lecture : 2 mn 49
L'Utopie face à la guerre : Première partie du grand final, l'Alphabet des Créateurs voit l'utopie de la saga Terra Ignota voler en éclat et plonger vers un c…
-
Terra Ignota : La Volonté de se Battre #3 [2021]
par Nathalie Z. | Lecture : 3 mn 1
Quel avenir pour une utopie qui s'effondre ? : Un troisième volet de cette quadrilogie à la hauteur de la première partie, un début dense et réflexif sur l'avenir de la société …
-
Terra Ignota : Sept Redditions #2 [2020]
par Nathalie Z. | Lecture : 4 mn 10
Une utopie peut-elle survivre au mal ?! : La tétralogie Terra Ignota d’Ada Palmer se poursuit avec un deuxième volet, Sept redditions qui répond directe…