Critique Total Recall [1990]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 13 février 2008 à 15h39
Etes-vous déjà allé sur Mars ?
Quand le trio Schusett-O'Bannon-Verhoeven transforme une nouvelle introspective de Philip K. Dick, Souvenirs à Vendre, en un actionner hollywoodien, il est superflu de dire que ça fait mal par où ça passe. Dans cette histoire, qui raconte une tranche de vie d’un homme plein de rêves manipulé par son destin, se trouve une aventure tonitruante et brutale, mais qui sous ses airs de ne pas y toucher se cache en fait un véritable éventail de symboliques politiques, sociales et humaines. Oui, car en grattant un peu une épaisse couche de superficialité cinématographique propre à un genre en général fréquenté par la star Arnold Schwarzenegger, on pourra trouver une critique acerbe de notre mode de vie et de pensée .
La mise au pilori des valeurs chéries par Hollywood commence par traitement de Douglas Quaid, personnage central du récit, interprété par le comédien autrichien. Véritable pantin dans les mains du destin - illustrée ici par une structure narrative à rebondissements multiples - ce mouton de panurge simple et étroit d’esprit se laisse porter par les évènements et surtout par son attirance pour le sexe, répond à la violence par encore plus de violence, et finalement acquît presque une statut de héros sans en avoir une seule fois envisagé la possibilité. Dans ce film, on peut dire que le cinéaste met à mal l’archétype hollywoodien du héros, il s’amuse à le détruire, le maltraiter, le ridiculiser. Douglas Quaid finit même trompé par le reflet de lui-même (Hauser), et s’il se rebiffe, ce n’est pas pour faire acte d’héroïsme, c’est juste parce qu’il est furieux d’avoir été encore une fois dupé.
Total Recall est bien évidemment aussi un tableau rempli de cynisme sur la médiocrité de la vie des petites gens qui n’aspirent qu’à plus de décharges émotionnelles via des artifices (y compris la toxicomanie : prenez cette pilule et vos soucis seront effacés). Une machine à rêver, pratique et en principe sans danger, programmée selon les désirs d’un utilisateur qui ne va y trouver que ce qu’il y cherche, à savoir un moyen de satisfaire ses fantasmes. Un medium socio-psychologique de désengagement et de déresponsabilisation qui peut se révéler aujourd’hui comme une véritable métaphore du phénomène Internet, avec ses forums et ses chats privés ou tout un chacun peut se créer une personnalité correspondant à un idéal sans en subir les contraintes sociales.
L’aspect politique n’est bien entendu pas absent du traitement. La plupart des sujets qui sont chers à Verhoeven sont mis à mal dans Total Recall. La manipulation des foules, la cupidité, le totalitarisme, le libéralisme outrancier et a xénophobie sont autant d’aspects de notre société dénoncés par un cinéaste qui utilise pour ce faire son incroyable don pour l’usage insidieux du second degré. A la fin, déchaîné, Paul Verhoeven pousse même sa méthode dans ses dernières extrémités, au cours d’une ironique séquence de libération tout à fait improbable et presque ridicule en soi. En effet, lorsque, libéré de ses chaînes, le peuple de Mars émerveillé découvre un magnifique ciel bleu, on ne peut douter de l’état d’esprit d’un réalisateur désabusé par le monde qui l’entoure, et qui l’exprime par l’ironie et un incroyable sens de la dérision.
Basculant entre le rêve et la réalité, la mise en scène en est que plus cotonneuse dans ses choix. A l’absurdité de la séquence finale, on peut rajouter de nombreuses séquences improbables comme, par exemple, lorsque deux groupes de miliciens situés à 5 mètres l’un en face de l’autre tirent sur un hologramme sans pour autant s’entretuer. Paul Verhoeven, à l’occasion de Total Recall, quitte en effet le domaine du réalisme pour nous emmener dans un univers de bande dessinée pulp pouvant être la parfaite matérialisation d’un fantasme de geek. Une idée géniale, étant donné que le public ciblé en priorité est exactement celui-ci.
Du coté de l’interprétation, contrairement à certains, je trouve que Arnold Schwarzenegger est le comédien idéal pour ce le rôle. En effet, l’acteur, particulièrement peu à l’aise est à mon avis parfait. Mon commentaire peut paraître paradoxal de prime abord, je sais. Mais c’est justement cette maladresse qui donne au personnage toute son ambiguïté et qui fait que l’on en arrive à douter de sa véritable nature (comme quoi, un mauvais acteur peut avoir son utilité…). A coté de lui, c’est la grande classe. Bien sûr, on ne peut éviter d’admirer la plastique mais aussi le jeu tout en hargne d’une Sharon Stone qui n’a jamais été – et ne sera plus jamais – aussi venimeuse, mais il serait vraiment injuste de ne pas citer Michael Ironside, chien de garde aussi fidèle que crétin, la brune Rachel Ticotin, le magnat mégalo Ronnie Cox et le traître de service, Mel Johnson Jr.
Le principal problème - comme c’est également le cas avec Starship Troopers, c’est que privé de ces aspects métaphoriques cachés (trop pour certains, notamment les plus jeunes), le film perd beaucoup de son intérêt. Cela reste un bon thriller futuriste, c’est vrai, bien servi par d’excellents effets spéciaux, les géniaux maquillages de Rob Bottin et une superbe bande musicale de Jerry Goldsmith, mais la récurrence des négligences volontaires dans le domaine du réalisme ne facilitent guère l’immersion dans le récit (ah, ce dôme géant protégeant une ville sensible aux impacts de balles !). Privé de sa substantifique moelle, le film se retrouve réduit à l’état de sympathique film de divertissement hollywoodien. Alors, franchement, si vous n’avez pas aimé Total Recall, je n’aurai qu’un seul conseil à vous donner : retentez l’expérience en regardant au-delà de ce camouflage grand public, vous changerez peut-être d’avis, qui sait ?
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : Total Recall [1990]
Ce que j’ai aimé dans Total Recall -en plus du sympathique film de divertissement que le film est assurément -, c’est la manière avec laquelle Paul Verhoeven a réussi à y glisser un tas de d’éléments sous-jacents sans pour autant alourdir la narration. Pour peu que l’on désire chercher un peu plus loin que cette sympathique couverture hollywoodienne pétaradante, on va alors découvrir une véritable comédie noire et cynique, illustration parfaite du peu d’amour que le réalisateur éprouve pour la société moderne.
On a aimé
- De l’action, du suspense, de l’aventure
- Plusieurs niveaux de lecture
- Des effets spéciaux de qualité
- Un casting de qualité
- Une superbe bande originale
On a moins bien aimé
- L'hermétisme de certains aspects
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