Critique Royaume-Désuni [2008]
Avis critique rédigé par Lucie M. le lundi 24 mars 2008 à 20h17
Royaume Désuni
« Sous les étoiles glacées et la lune rieuse, Fen ne s’était jamais senti aussi seul et vulnérable. Il avait l’impression d’être piégé dans un cauchemar ; pas le sien, mais celui de l’Angleterre, celui d’une nation qui se croyait à l’abri de tout. Une nation qui, comme un ploutocrate vieillissant et contant de soi, pensait que son avenir ne serait que confort, satisfaction, politesse et approbation de ses pairs. Une nation qui n’aurait jamais pu prévoir la pénurie, la haine et l’isolement dont elle souffrait aujourd’hui. L’Angleterre dormait et faisait un cauchemar, et Fen avait hâte que sonne l’heure du réveil. »
Après son roman Days, sur les travers et la démesure de la société de consommation, James Lovegrove revient avec l’histoire d’une nation, sa nation, mise au ban de la Communauté internationale à cause des mauvais choix de son gouvernement. Cette histoire d’anticipation, et même post apocalyptique je dirais, se déroule, vous l’aurez compris, en Angleterre. Le récit de James Lovegrove nous décrira les affres d’un pays en ruine et dépouillé par les bombardements de la Communauté Internationale. Cette Communauté qui jugea bon de calmer les révoltes du peuple britannique contre son gouvernement en les arrosant de bombes. Un gouvernement d'ailleurs partie en direction des Caraïbes se réfugiait et surtout pour ne pas subir le mal-être d’un pays quasiment retombé à l’âge de pierre. Un pays qui survit en minuscules communautés aussi bien à la campagne que dans les villes. Des survivants qui essayent de reconstruire leur pays et leur mode de vie, peu à peu, en s’accrochant à de vieilles traditions ancestrales et à de vieux mythes britanniques.
À travers les pérégrinations et la quête amoureuse de Fen, nous allons découvrir comment survit cette population britannique en faisant d'improbables rencontres. Des rencontres parfois surprenantes et totalement aliénante pour le pauvre Fen. Ainsi nous assisterons à l’évolution sentimentale de la vie de couple de Fen et de sa femme Moira. Nous découvrirons qu’il n’y aura pas que le Royaume Britannique de désuni, mais également le couple de Fen. Nous apprendrons pour quelle raison Moira et Fen se sont si ostensiblement éloignés l’un de l’autre. On s’en doutera bien évidemment puisque James Lovegrove nous laissera entrevoir quelques flashs blacks historiques du couple. Fen et Moira seront les deux protagonistes principaux de ce voyage initiatique vers une nouvelle vie, un nouvel avenir. Nous suivrons en première ligne Fen et en seconde ligne Moira. La construction du roman sera souple les deux récits s’entrecroiseront aléatoirement et les deux histoires seront distingués par un style calligraphique différent : l’histoire de Moira sera en italique et celle de Fen sera normal.
Au tout début, Fen et Moira vivent à Downbourne une petite ville de province où la vie s’écoule lentement. Fen est instituteur et s’occupe avec ferveur de son potager. Moira, elle s’ennuie et passe ses journées au lit, pas lavée et de mauvaise humeur. La communauté de Downbourne a pris pour habitude de faire des petites fêtes et les habitants s’en donnent à cœur joie. C’est leur manière d’oublier la dureté de la vie : pas de nourriture, pas d’électricité, pas d’eau et surtout le traumatisme des bombardements. Néanmoins, cette vie quotidienne si tranquille va vite déchanter puisque durant l’une de ces fêtes, les Bulldogs anglais déboulent de Londres et viennent prendre leur quota de femmes pour les ramener à Lewisham, leur quartier. Oui Londres est divisée en plusieurs quartiers gérés par des gangs : les Bulldogs anglais, les Frénétiks ou les Razorboys. James Lovegrove imagine ces gangs urbains de manière fidèle à ceux qui peuplent certaines villes : les Bulldogs anglais ressemblent à des hooligans et les Frénétiks à un gang de rappeurs américain. Ces gangs seront toujours prompts à se battre pour récupérer un bout d’un territoire ennemi. Ils seront donc belliqueux, violents et pour la plupart très stupides. Ils représenteront la folie dans laquelle nous pouvons tomber quand il n'y a plus règle sociale.
C’est à la suite de cet approvisionnement de chair fraîche que Moira sera enlevée et Fen choisira de faire le périlleux chemin de Downbourne à Londres pour récupérer sa belle. Il devra traverser la portion d'autoroute M25. Un endroit réputé très dangereux à cause de ses habitants ; vivants comme des rats dans les enchevêtrements de voitures qui se sont cartonnées durant l'exode vers les campagnes. L’évolution de ce périple sera étrangement curieuse et surprenante. James Lovegrove ne nous livrera pas une histoire d’amour classique, mais une histoire d’amour étroitement liée à l’évolution de ce Royaume Désuni. Ce couple, Fen et Moira, sera la représentation humaine de ce pays perdu et trahi par la Communauté Internationale ainsi que de son gouvernement. À travers leur quête initiatique, c’est tout un pays qui retrouvera sa dignité et sa soif de vivre. En revanche et avant de lire le roman, je m’attendais à plus de conscience politique de la part de l’auteur par rapport à la description de l’univers politique de Royaume Désuni. Un roman plus engagé, plus froid sur ces pensées sur l’Angleterre. Mais non le récit est réalisé de manière subtil et les piques de sarcasme que l’on aurait pu attendre dans ce genre de roman ne viennent pas. C’est un roman naturel on va dire, qui vient du cœur. Et non pas un conte satyrique d’une Angleterre mourante. Ce n'est pas plus mal, James Lovegrove délivre un roman plein de curiosité et même de douceur. Il nous livre son cœur et comment il envisage ses congénères. Royaume Désuni est tout compte fait un très beau roman.
La conclusion de Lucie M. à propos du Roman : Royaume-Désuni [2008]
Royaume Désuni est donc un très beau roman aux rencontres improbables dont la quête initiatique d’un couple sera liée intimement à un pays déclinant, mais toujours prompt à reconstruire par différents biais. James Lovegrove ne délivre pas un message politiquement fort dans son histoire, mais subtilement il met en garde à propos d’un futur pas si littéraire que ça. Royaume Désuni est donc une très belle histoire à découvrir et dont les miroitements délicats font de James Lovegrove un auteur au style littéraire subtil et harmonieux. L’histoire nous mène dans une suite d’événements surprenants qu’on n’aimerait retenir à jamais dans le creux de notre esprit.
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