Critique La créature des ténèbres [1991]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 23 décembre 2010 à 16h35
Possession démoniaque
Playboy noctambule, Brett Kingsford est aussi un invétéré curieux, passionné par tout ce qui touche, de près ou de loin, au domaine de l’occulte. Il s’est même construit une réputation de spécialiste du genre, qui fait que la police fait parfois appel à lui quand l’investigation classique patine de trop. C’est encore le cas ici avec cette série de meurtres signés d’une étrange façon par l’assassin qui laisse au près de la victime une antique statuette mésopotamienne.
Tourné dans un premier temps pour être le pilote d’une nouvelle série (The Black Coat), Dark Intruder se vit offrir une sortie en salles quand l’Universal abandonna le projet télévisuel. Ce film d’une heure, réalisé dans un très joli noir et blanc, exploite un thème qui évoque à la fois les récits horrifiques des périodes victoriennes et howardiennes (Belle-époque en France), comme les œuvre de Gaston Leroux, Sir Arthur Conan Doyle et Sax Rohmer, et le mythe lovecraftien. Ainsi, pour ce qui est de l’ambiance, on se retrouve avec un environnement brumeux, sombre et humide qui n’est pas sans rappeler le Londres de Jack l’éventreur, et notamment son quartier oppressant de Whitechapel.
Engagé dans une enquête qui va mettre en cause (et en péril) ses proches relations, le gentleman Brett Kingsford va nous inviter à pénétrer dans un San Francisco « occulte » avec notamment cette visite chez un sosie de Fu Manchu expert en folklore mésopotamien, qui lui explique que « les démons bannis qui dominaient le monde il y a des éons ne doivent pas être réveillés ». Une référence à la mythologie lovecraftienne qui se joint à d’autres, comme lorsque Kingsford cite les noms de Dagon et d’Azatoth. Plutôt sympa. Malheureusement, si l’intrigue se veut résolument emprunte d’un terrible mystère, celui-ci est assez vite éventé. La faute à un scénario un peu trop classique et surtout la présence d’une séquence trop révélatrice placée aux deux-tiers du métrage. Enfin, notons que Dark Intruder, œuvre modeste, ne se penche guère à donner plus de relief que nécessaire à ses personnages, qui apparaissent donc comme un peu (trop) lisses.
La réalisation en studio d’Harvey Hart – un vieux briscard de la télévision à qui l’on doit des épisodes de Star Trek, Colombo et des Mystères de l’ouest – lorgne avec modestie du coté des vieux classiques de l’Universal, cherchant son efficacité dans l’expression dramatique de ses acteurs, dans un agréable humour old-school (la plante Mandrake qui « participe » aux conversations) et dans la fougue de quelques séquences horrifiques qui ne sont pas sans rappeler le cinéma de James Whale et Michael Curtiz. Le résultat à l’écran, particulièrement agréable à visionner, peut rappeler ces gentils serials policiers sentant le souffre et la conspiration, comme les aventures de Charlie Chan. Au final, les personnages évoluent dans une sorte d’ambiance vintage qui se prête finalement bien à cette histoire mystique au déroulement très classique (la bande originale de Lalo Schifrin, spécialiste du genre pour l’Universal, accentue encore plus cette sensation)..
Venons-en maintenant à l’interprétation. Dans le rôle de Brett Kingsford, Leslie Nielsen met en évidence son important capital séduction et son élégance. Il se révèle absolument parfait dans la peau de ce sympathique personnage au profil optimiste, qui mêle avec habileté humour, nonchalance et distinction dandy. Un véritable régal de voir ce grand acteur, qui nous a quitté il y a peu, dans un rôle où il démontrait déjà toutes ces capacités à nous amuser (les passages où il apparait déguisé en vieux loup de mer sont vraiment très drôles). Mais il serait injuste de ne pas distinguer les autres membres de cette distribution. Ainsi, Judi Meredith est vraiment très convaincante dans le rôle d’Evelyn Lang, une jolie jeune femme pleine de fraicheur qui amène au métrage son quota de charme victorien. Quand à Peter Mark Richman, il dévoile ici tout son savoir-faire à travers un rôle emprunt de schizophrénie (n’hésitant pas à faire parfois dans la caricature). Enfin, les fans de la série comique Papa Schultz pourront essayer de distinguer, sous la capuche et le maquillage de l’inquiétant Malaki, le comédien Werner Klemperer, ici dans un rôle nettement plus inquiétant.
Les effets spéciaux ont été confiés à l’’indétronable – à l’époque – Bud Westmore. Si sa contribution sur ce film peu fourni en effets spéciaux reste bien modeste par rapport à l’ensemble de son œuvre, il nous offre tout de même la vision de mains monstrueuses et griffues très réussies. Le visage de la créature est un peu moins convaincant car manquant trop d’originalité.
NB : si vous êtes intéressé par ce film, oubliez la version française, datant de la diffusion de ce film sur FR3 en 1991, doté d’un doublage calamiteux (avec Francis Lax pour Leslie Nielsen), et rabattez-vous sur la version VOSTF diffusée parfois sur Ciné FX.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : La créature des ténèbres [1991]
Dark Intruder est un charmant petit film fantastique aux agréables fragrances old-school. Construit avec élégance, à la manière des classiques de l’Universal, le film d’Harvey Hart compense les faiblesses de l’intrigue par la justesse de sa réalisation et la qualité de son casting, mettant en vedette un Leslie Nielsen en grande forme.
On a aimé
- Une réalisation pleine de charme
- Un Leslie Nielsen génial
- Une atmosphère fantastique réussie
- Un bel hommage aux classiques de l’Universal
On a moins bien aimé
- Une intrigue un peu trop classique
- Des personnages un peu lisses
- Un mystère trop vite éventé
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