Critique Interstella 5555 [2003]
Avis critique rédigé par Vincent L. le vendredi 18 février 2011 à 08h45
L'un des plus beau clip de l'histoire...
Avant Interstella 5555, il y eut Discovery, second album du groupe français Daft Punk mélangeant sonorités électro-pop et influences diverses (house, disco et rock, entre autres), dont les premiers clips furent réalisé par Leiji Matsumoto, notamment connu pour sa série des Albator. Il n'était alors pas question d'en tirer un quelconque film (la commande ne concernait d'ailleurs que les quatre premiers morceaux) ; mais l'expérience fut si concluante que l'équipe décida de la prolonger pour les transformer en moyen métrage illustrant l'ensemble de l'album. Au final, Interstella 5555 s'apparente ainsi à un clip géant, enchainant dans l'ordre l'ensemble des morceaux de Discovery (à une toute petit exception prêt, entre les morceaux Harder, Better, Faster, Stronger et Crescedolls où la mélodie du premier titre, One More Time, revient un bref instant) sur une histoire écrite par les Daft Punk eux-même. De là à dire que cela était pensé dès la création de l'album, il n'y a qu'un pas à franchir...
En effet la vision du film donne à Discovery une cohérence qu'il ne possédait pas forcément à sa seule écoute. Les morceaux s'enchainent ainsi selon une logique totalement liée aux évènements montrés à l'écran (rythmes musclés pour les séquences d'actions, mélodies tristes pour les passages les plus émouvants, ...) ; mais que cela ait été prévu ou non dès le départ, le résultat n'en est pas moins impressionnant, car la musique des Daft Punk se découvre ainsi une logique, et se trouve illustrée par une histoire solide qui ne s'apparente jamais à une succession de saynètes déconnectées les unes des autres. En ce sens, Interstella 5555 peut être perçu au delà de sa fonction "clip" pour être vu comme une oeuvre à part entière, un moyen-métrage d'animation aux qualités intrinsèques indéniables, même si, bien entendu, les deux médias (disque et film) ne peuvent être envisagés indépendamment (aucune chance que vous adoriez Interstella 5555 si vous détestez Discovery),
A la base, Interstella 5555 peut donc s'apparenter à un tour de force technique : celui d'avoir réussi à créer un scénario construit qui puisse suivre dans l'ordre tous les morceaux d'un album, tout en donnant à chaque séquence une identité visuelle et sonore bien distincte (le tout sans dialogues !). Pour ce faire, chaque titre est associé à une séquence précise du script (Aerodynamics pour l'enlèvement, Crescendolls pour la starification du groupe, Veridis Quo pour l'affrontement final, ...) et constitue l'un des pans permettant l'avancée de la storyline. Les musiques ressortant d'influences différentes, elles donnent au film des scènes s'inscrivant dans des ambiances bien particulières (space Opéra pour Digital Love, action pour Superheroes, onirique pour Something about love, ...), mais tout en réussissant à donner au tout une cohérence globale, qui peut, certes, être vue comme quelque peu poussive, mais qui demeure pourtant belle et bien existante.
Dans l'histoire racontée, Interstella 5555 fait également preuve de nombreuses qualités. Sous-titré The 5ecret 5tory of 5tar 5ystem - ce qui résume parfaitement ce qui est raconté - le film se dote de plusieurs niveaux de lecture, un film d'aventure, avant tout autre chose, mais saupoudré d'une critique, pas forcément appuyée mais belle et bien présente, du monde de la musique (et qui saute aux yeux dans la typologie du logo Crescendolls), ainsi que d'une couche de rêve qui donne au tout un aspect particulièrement attachant. En fait, Interstella 5555 peut se voir comme un délire de gosse complètement assumé, dans lequel les Daft Punk et Leiji Matsumoto ont mis beaucoup d'eux et de ce qui a pu les inspirer au cinéma lorsqu'ils étaient plus jeunes ; il souffle ainsi sur le film ce parfum aventureux, dénué d'engrenages dramatiques convenus, et appuyé par une volonté globale de mettre au premier plan l'aspect spectacle, ainsi que le plaisir des spectateurs.
Cet état de fait se trouve en parti confirmé par le fait que le film grouille de références diverses et variées, mais qui se rapportent toutes à des oeuvres datant, au maximum, des années quatre-vingt. Par successions de petits clins d'oeil, on pourra penser au cinéma (Terminator, 2001, l'odyssée de l'espace), aux dessins-animés (Goldorak, Albator, Robotech), aux jeux vidéo (Castlevania version NES) voire à la BD (le sauvetage du groupe, très marqué "Super-héros"). Cet aspect référenciel, important, réjouira à coup sur les cinéphiles, et ce notamment parce qu'il n'est pas complètement gratuit, et se trouve véritablement justifié et légitimé par l'histoire racontée. Par extension, notons que cet aspect chronologiquement décalé est amplifié par certains détails visuels, et notamment le fait que dans cette galaxie très très lointaine, les extra-terrestres écoutent des vinyles (faites bien attention au passage sur Digital Love).
La même analyse pourrait être appliquée à la réalisation et à l'animation d'Interstella 5555. C'est bien simple, le film aurait été fait dans les années quatre-vingt, le résultat n'aurait pas été différent. Leiji Matsumoto reprend ainsi toutes les ficelles qui sont caractéristiques de ses créations, du design des personnages (très typés Albator) à l'animation minimaliste (le tout ne bouge pas énormément, à l'instar de la séquence d'ouverture sur One More Time), mais tout en appliquant une grammaire cinémtographique impeccablement maîtrisée. Ainsi, bien que totalement dénué de dialogues, Interstella 5555 se comprend par les seules actions et réactions des divers protagonistes. Sans appuyer plus que cela sur les effets faciles, Matsumoto parvient à insuffler à son film une réelle émotion, pas forcément liée à la tristesse, mais plus à cet aspect nostalique qui souffle sur son film, et qui se trouve exarcerbé par la formidable séquence finale.
La conclusion de Vincent L. à propos du Film d'animation : Interstella 5555 [2003]
Clip grandeur nature destiné à illustrer l'album Discovery des Daft Punk, Interstella 5555 s'impose au final comme une oeuvre à part entière, doté d'un scénario techniquement bien construit mettant parfaitement en valeur une histoire somme toute très attachante. De plus, le tout ne manquera pas de réjouir les cinéphiles, d'une part par son côté ouvertement nostalgique (appuyé par la réalisation et les graphismes old-school de Leiji Matsumoto), de l'autre par son aspect ouvertement référenciel (qui ne ramènera à des dizaines d'autres oeuvres par successions de petits clins d'oeil). On pourra trouver vain d'avoir fait autant d'effort pour ne réaliser qu'un rêve de gosse, mais qu'importe, le résultat et là, et il est de qualité...
On a aimé
- Pas de dialogues, mais une grammaire cinématographique impeccablement maîtrisée,
- Histoire attachante,
- Scénario impeccablement conçu,
- Aspect référenciel amusant,
- Animation de qualité.
On a moins bien aimé
- Il faut aimer l'album "Discovery" pour vraiment apprécier.
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