Critique Zombiaki 2 [2010]

La place rouge n’a jamais aussi bien porté son nom. Le balai des Traban percutant ces corps désarticulés est devenu le pain quotidien des moscovites. Les morts se jettent inlassablement contre les barricades de fortune élaborées par les derniers survivants et les hordes de Staline émergeant de leur cimetière collectiviste se repaissent des membres du Parti. C’est la Bérézina…

LE PACK DE VARSOVIE

Ce petit jeu de cartes polonais pour deux joueurs fut édité en 2010 par Portal Publishing House à qui l’on doit Neurohsima Hex, 51ème Etat et Stronghold. Autant dire que les compatriotes de Jean Paul II ne sont pas des novices en la matière. Zombiaki 2 n’est pas la suite de Zombiaki paru en 2003 chez le même éditeur, bien avant que celui-ci ne connaissent le succès grâce à la gamme Neuroshima. Il s’agit d’un produit totalement autonome de type « stand alone » reprenant les principaux mécanismes de son aîné.

Le jeu se présente sous forme de petit paquet rigide renfermant 87 cartes ainsi qu’une règle brève et concise. La langue anglaise est de rigueur sur la totalité du matériel. Les illustrations sont très stylées, alliant originalité et adéquation avec le thème. En premier lieu, on notera l’aspect décalé et 36ème degré de l’ensemble.

Les cartes sont réparties de la manière suivante : 40 cartes forment le paquet Zombie ; 40 également pour le joueur Humain ; 5 cartes Cross Street chargées de délimiter l’aire de jeu et enfin deux cartes (Barricade et Cimetière) symbolisant chacune les deux camps.

Les cartes Humain

L’ensemble est de très bonne qualité. Cependant, on notera l’absence de jetons permettant de marquer les blessures encaissées par les zombies. Cet ajout eut été bien pratique. Charge à vous de découpez des cartes postales exotiques ou tout simplement d’utiliser des pions d’un autre jeu. Néanmoins, et au regard du prix peu élevé du jeu, on peut dire que l’éditeur ne nous vole pas sur la marchandise, bien au contraire. D’autre part, ne vous étonnez pas de trouver dans votre paquet Zombie une carte comportant un texte en teuton ; il s’agit d’un petit « couac » éditorial dont vous pourrez résoudre le problème en cliquant ici.

SOVIET SYSTEM

Zombiaki 2 est un jeu asymétrique. On désigne, par ce terme quelque peu technique, deux camps s’opposant et ne possédant ni le même objectif ni les mêmes moyens de l’accomplir. Pour le joueur Zombie, il s’agira d’atteindre la barricade construite par les survivants. Pour les humains, il faudra tenir jusqu’à ce que le joueur Zombie pioche la dernière carte de son paquet. Cette carte, portant le nom de « Dawn », symbolise le lever du soleil, l’aube salvatrice porteuse d’espoir et la fin de l’assaut « zombiesque », jusqu’à la prochaine fois…

Avant d’entamer la partie, vous devrez constituer la surface de jeu. Cette phase de préparation particulièrement rapide permettra de délimiter l’ensemble sous forme de quadrillage digne d’un tableau Excel mais en plus joli. Les trois colonnes sont appelées « lane » (voies) et les cinq lignes « cross streets ». Après cela, votre ville sera prête à recevoir la déferlante morbide du communisme décadent.

Chaque participant se munit de son paquet. Puis, le joueur Zombie entame son tour en accomplissant les étapes suivantes avant de passer la main à son adversaire :

1. Nettoyer la surface de jeu des cartes Action obsolètes

2. Déplacer les cartes en jeu : les Zombies se meuvent d’une case vers la barricade sauf exception, tout comme les véhicules du joueur Humain.

3. Piocher dans son paquet jusqu’à avoir 4 cartes en main.

4. Défausser l’une de ces cartes.

5. Jouer les cartes restantes soit en les posant en jeu, en les gardant pour un tour ultérieur ou bien en les défaussant.

Côté combat, les zombies possèdent des points de résistance que devra entamer le joueur Humain afin de les éliminer. A contrario, les véhicules « lancés » par les survivants disparaîtront une fois qu’ils auront distribué la totalité de leurs dégâts ou atteint le cimetière.

La partie s’achève dès que l’un des deux camps parvient à remplir son objectif.

LENINE S’EN RETOURNERAIT DANS SA TOMBE

D’un point de vue thématique, on peut dire que le jeu a de quoi accrocher son public. A la fois ancré dans un thème cher à George A. Romero et truffé d’anecdotes politiquement incorrectes, Zombiaki 2 se permet de renvoyer modestement la balle à ceux qui furent autrefois les maîtres de la Pologne. Les zombies, tout de rouge vêtus, symbolisent à merveille la décadence soviétique de l’époque. Sans aller trop loin, le jeu de Portal Publishing House se permet de flirter du côté de la géopolitique, tout cela bien cacher derrière un thème et une ambiance digne des meilleurs films de morts-vivants. Les références au zombie Chechen et à la Traban, symbole de l’industrie automobile soviétique, en disent long sur la volonté de l’auteur d’exprimer son ressenti au travers de son œuvre.

Le salon de l'automobile de l'ère soviétique

Concernant les mécanismes de jeu, Zombiaki 2 se veut simple d’accès malgré l’omniprésence de textes sur les cartes. Un petit période d’adaptation sera nécessaire afin d’assimiler les effets de ces dernières. Après, deux ou trois parties, vous pourrez vous lancer à corps et à cris dans cette lutte politico-mortuaire. Que ce soit du côté Zombie ou Humain, les joueurs seront confrontés à une gestion pointilleuse de leur deck tout en évitant l’épuisement trop rapide de celui-ci. Finalement, l’utilisation de chaque carte devra être optimisée, beaucoup d’entre elles étant en nombre limité. Certains remarqueront que les principes de pioche puis de défausse sont semblables à ceux de Neuroshima Hex. On ne change pas un système qui fonctionne. Au final, Zombiaki 2 reprend les mécanismes de base du premier opus en les améliorant grandement et en proposant un thème abordé d'un point de vue original.

Une approche qui ne ménage pas le voisin russe

On notera également que l’équilibre des forces est respecté ; aucun des ceux camps ne prend l’ascendant sur l’autre au fur et à mesure de la pratique du jeu. Néanmoins, certaines cartes auraient mérité un traitement plus adéquat. Par exemple, la carte American Crap stoppe le tour du joueur Humain dès qu’elle est piochée. Un effet particulièrement violent arrivant sans prévenir et pouvant être source de frustration. Dans une moindre mesure, la carte Replacement Card ne servira qu’à être défaussée par le joueur Zombie ; on évalue mal l’impact de cet effet sur le déroulement de la partie.

D’autre part, la durée d’une partie se situera entre 20 et 30 minutes ; un format court soutenant l’accessibilité au jeu indépendamment de l’usage de la langue anglaise.