Critique La sangsue [1977]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 2 juillet 2013 à 00h51
La nuit du Broute-minou
Après une représentation théâtrale remarquée, quatre jolies actrices reçoivent la visite en coulisses du comte Richard Marnack, un riche hobereau de la côte Irlandaise. Très aimable, l’homme leur propose un petit séjour de détente dans sa propriété insulaire. Fortement emballées par cette surprenante invitation, les jeunes femmes s’empressent d’accepter et, escortée par leur accessoiriste timoré (et un brin souffre-douleur), elles accompagnent l’élégant gentilhomme en son château. Là, Evelyn, l’une des comédiennes, va alors apprendre que la véritable raison de leur séjour en ces lieux est son étrange ressemblance avec l’épouse du châtelain, mystérieusement disparue, et dont il conserve jalousement la photo. Selon la légende, elle aurait été victime de la terrible malédiction qui frappe, depuis des générations, toutes les femmes résidant dans le château...
Réalisé par Alfredo Rizzo (un acteur de séries B reconverti à la réalisation), La sangsue peut être présenté comme un récit d’Agatha Christie revisité à la mode grivoise. On y trouve un lot de suspects et de faux coupables (mentions spéciales au majordome illuminé et à Gregory, l’intendant lubrique), une série de meurtres horribles et inexplicables, une intrigue «fantastique» aussi terrifiante qu’un épisode de Scoubidou, une atmosphère de film d’horreur gothique (des plans de coupe à base de stock shots de tempêtes tentent d’appuyer cet aspect mais, bon, comme la photographie et le grain ne sont absolument par le même que ceux du film...), une bande musicale cul-cul brusquement interrompue, à chaque plan choc, par des partitions de Bontempi et, surtout, un final sous forme de confrontation que n’aurait pas renié Hercule Poirot. Par contre, pour ce qui est des protagonistes, l’approche change radicalement puisqu’en place et lieu d’une gente distinguée dégustant, entre deux coups de revolver, thé et rôtis le petit doigt en l’air, on a affaire à une belle brochette de greluches délurées qui poussent la chansonnette et s’adonnent sans tabou aux plaisirs de la chair. Des séquences coquines qui, force est de l’avouer, nous aident à supporter une première heure où, hormis ces quelques effeuillages et autres charmantes démonstrations saphiques, il ne se passe pas grand chose. Merci Eurociné.
La série de meurtres débute dans la dernière demi-heure. Enfin. A ce moment, les jambes en l’air cèdent la place aux têtes coupées. Alfredo Rizzo, plus prude dans le registre du gore que dans celui du cul, traite toutes les décapitations hors cadre, ce qui est fort dommage. Devant tant de retenue, on a du mal à réaliser que ce métrage est tourné en pleine période giallo. De plus, on ne peut pas vraiment parler d’une hécatombe. Seules trois filles vont passer sous le fil du couteau de l’assassin, sans que, par ailleurs, on comprenne vraiment comment le tueur a pu s’y prendre (essayez de décapiter quelqu’un avec un couteau, on en reparle). Mystère. Y aurait-il vraiment un fantôme assassin qui hante le château? Un spectre misogyne, homophobe ou bigot? En fait, on y croit pas une seconde. On a plutôt tendance à soupçonner la gouvernante, secrètement amoureuse de son patron (en fait, il n’y a que lui qui l’ignore) ou même l’accessoiriste, qui subit au quotidien les quolibets de ces actrices écervelées. Un pétage de plomb? Pourquoi pas? Cela s’est déjà vu. L’explication arrive, bien entendu, à la fin. Cependant, alors que l’on aurait légitimement pu s’attendre à un dénouement sous forme de course-poursuite dans les couloirs sombres du château, les survivants tentant de coincer le meurtrier, ou un duel final entre le comte Marnack et celui (ou celle) qui lui pourrit la vie, Alfredo Rizzo nous déçoit en manquant une nouvelle fois d’audace. Au final, tout va nous être dévoilé en bloc au cours d’une longue et bavarde scène explicative aux allures d’interrogatoire de police.
Pour ce qui est de l’interprétation, les amateurs des productions Eurociné ne manqueront pas de remarquer quelques visages - et quelques postérieurs - familiers. A commencer par la magnifique Femi Benussi. L’actrice croate au visage d’ange se voit ici confier le personnage de Sybil, la gouvernante jalouse. Un rôle plus dur qu’à l’habitude, elle qui se voit en général reléguée aux rôles de potiches peu frileuses. Elle s’en sort finalement très bien, notamment durant un très long plan séquence où elle se confie à l’inspecteur de police et où elle démontre la solidité de son jeu. La pétillante Krista Nell incarne Caro, la délurée du groupe... et la première victime du tueur. Elle finit les fesses en l’air et la tête en bas... mais beaucoup plus loin. Préciser qu’elle joue son rôle de coquine à fond est superflu. On ne peut pas vraiment parler de rôle de composition. La sangsue sera hélas son dernier film, la jeune actrice étant décédée la même année, victime d’une leucémie. Elle était âgée de seulement vingt-huit ans. Marzia Darmon (Holocaust 2, Anges pervers) et Lidia Olizzi forment un charmant couple lesbien qui n’a aucune autre fonction que de contribuer à l’aspect grivois du métrage, avant de tomber sous les coups du meurtrier. Patrizia Webley (Salon Kitty, Les folles nuits de Caligula) s’est vu confier le rôle d’Evelyn, un personnage dont l’innocence évoque un peu les ingénues de la Hammer. Enfin, dans le rôle du comte, on trouve l’incontournable Giacomo Rossi-Stuart. Même si on peut lui préférer Howard Vernon, au port plus altier, force est de dire que le comédien s’en tire avec les honneurs dans un rôle où il interprète un personnage finalement assez niais (il ne parvient cependant pas à éviter le ridicule lors d’une balade romantique sur la plage).
A noter qu’il est sorti en France une version dotée d’inserts hardcore rebaptisée Insatiable Samantha. Des ajouts aussi peu utiles que maladroits. On voit ainsi que lors des ébats saphiques, Lidia Olizzi, une comédienne de couleur, est remplacée par une actrice blanche. Faute de goût ?
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : La sangsue [1977]
Thriller poussif mâtiné de passages coquins, La sangsue est le triste représentant d’une sexploitation mal inspirée. Alors que le titre original pouvait nous laisser penser à un film de vampires, on se retrouve devant une sorte d’intrigue à la sauce Agatha Christie menée sans passion, et très pauvre en effets horrifiques. Les spectateurs les plus pervers prendront également connaissance que ce film ne contient pas plus de Samantha que de sangsue.
On a aimé
- Un casting qui fait de son mieux
- De jolies actrices
On a moins bien aimé
- Un film mou… mais mou
- Pas de sangsue
- Pas de Samantha
- Une heure d’ennui total
- De l’horreur ? Ou ça ?
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