Critique Pacific Rim [2013]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le vendredi 12 juillet 2013 à 13h07
Duels dans le Pacifique
S'il est toujours bon ton de taper sur les Transformers, il faut reconnaitre que sans les giga-succès de la saga de Michael Bay, qui a initié une petite vague de blockbusters à base de robots géants parfois extraterrestres (le cynique mais fun Battleship, le très chouette Real Steel, ou dans une moindre mesure le surprenant District 9 ou le pas-si-nul Skyline, en attendant le Robopocalypse de Steven Spielberg), ce rêve éveillé qu'est Pacific Rim n'aurait probablement jamais vu le jour.
Des robots géants dirigés par des hommes affrontant de gigantesques créatures sorties de l'océan : ce concept, véritable fantasme de geeks, suffit à mesurer l'ampleur titanesque du projet, une ampleur que le réalisateur du déjà viscéral et monstrueux Blade 2 (sa première « commande », également une bombe), cinéaste ambitieux et audacieux quel que soit le budget (qu'il s'agisse d'un Cronos à 2 millions de dollars ou d'un Pacific Rim à 180 millions, son cinéma reste le même), parvient à mettre en image dans un souffle d'une puissance exaltante. C'est autre chose que le fun Godzilla de Roland Emmerich, en attendant le nouveau remake réalisé par Gareth Edwards...
Ce qui gêne cependant n'est pas que l'histoire soit simple, ce qui est au contraire une bonne chose permettant de rendre accessible un univers très orienté geek à un public plus large (même si, évidemment, tout le monde n'adhèrera pas au délire), mais plutôt que le scénario soit si simpliste. On y reconnait des poncifs tout droit sortis d'un blockbuster des années 90 (du discours héroïque pour donner du courage aux troupes jusqu'à l'infiltration au cœur du repère de l'ennemi pour le faire sauter, le climax serait-il un remake caché de celui d'Independence Day ?), les dialogues ne sont pas toujours très fins, certains personnages sont très caricaturaux (le pilote rival agressif), le récit est assez prévisible (jusqu'au sacrifice final)...D'un autre côté, Pacific Rim est totalement dénué de cynisme et avance dans un premier degré exaltant, flamboyant et chevaleresque qui permet aussi d'amener de l'émotion, notamment dans la relation touchante entre Stacker/Idris Elba et Mako/Rinko Kikuchi. Même un spectateur non-initié à cet univers pourra se laisser emporter dans ce récit initiatique (doublé d'un récit d'anticipation) solidement maitrisé par ce fabuleux conteur qu'est Guillermo Del Toro, d'où 130 minutes captivantes qui se suivent sans ennui. L'introduction est d'une efficacité exemplaire, expliquant avec clarté l'univers et les enjeux tout en présentant le héros Raleigh et en incluant un premier affrontement aussi « démonstratif » que spectaculaire, et on en prend déjà plein les mirettes au bout de 5 minutes. Ce qui est rafraichissant, c'est que Pacific Rim ne soit pas une adaptation de quoique ce soit, ni un remake/reboot, mais une histoire originale, bien que la mythologie instaurée emprunte grandement à la subculture nippone (de Godzilla à Evangelion), aux jeux vidéo (ce n'est pas un hasard que Hideo Kojima soit un fan du film de Guillermo Del Toro), etc.
Formellement, c'est somptueux, mit en valeur par une 3D exceptionnelle sans cependant atteindre le niveau de celle d'un Transformers 3. Pacific Rim, c'est une prod design créative et dense, pas un plan à jeter dans la mise en scène, un travail d'orfèvre qui laisse éclater les couleurs (la photo de Guillermo Navarro est à tomber) et qui permet à ILM, martyrisé par WETA ces dernières années, de retrouver de sa superbe (même s'ils avaient également œuvré sur les Transformers), grâce à l'imagination débordante de Guillermo Del Toro, qui s'est largement impliqué dans la création des Kaiju et des Jaegers et qui a l'habitude de mettre en scène des combats homériques et bourrins (cf. Blade 2 ou les Hellboy). Le film est d'ailleurs dédié à Ray Harryhausen, grande source d'inspiration dans le cinéma de Guillermo Del Toro (qui intervenait d'ailleurs dans le documentaire Ray Harryhausen : Le Titan des effets spéciaux). Intelligemment mis en scène, notamment par rapport à leur taille, leur vitesse et leur force de frappe, les robots (sur lesquels James Cameron devrait s'extasier) et les monstres (aux airs de lézards et de crustacés) sont quasiment déifiés, voir par exemple l'apparition salvatrice et iconique du robot devant la fillette lors du flashback (qui pourrait, à une moindre échelle, sortir d'un Cronos ou d'un Labyrinthe de Pan). L'association Del Toro + ILM ne pouvait pas offrir autre chose qu'une merveille iconographique et éclate dans des séquences de combats à couper le souffle, des affrontements dantesques, épiques, jouissifs, virtuoses, d'une beauté à pleurer et d'une fluidité agréable (les plans sont longs et les « chorégraphies » parfaitement lisibles), des morceaux de bravoure à faire décrocher la mâchoire et qui vont crescendo (le summum est atteint avec les combats centraux en plein Hong Kong, ahurissants et même bouleversants). Du jamais vu à l'écran, tout simplement. Les terrains de jeux, pour la plupart abrités dans les mythiques studios Pinewood de Toronto, sont d'une étonnante diversité et d'une grande richesse visuelle (sur l'océan Pacifique, en plein Hong Kong, dans la roche, dans les airs...) ; chaque combat exploite les décors (souvent détruits) et les différentes spécificités des adversaires, qu'ils soient robots ou créatures, ce qui fait qu'aucun affrontement ne ressemble au précédent. Hormis ces duels Jaegers VS Kaiju, le récit offre quelques extras, comme une séquence d'entrainement martial entre Raleigh/Charlie Hunnam et Mako/Rinko Kikuchi, une poussée d'adrénaline révélant la back-story des personnages de Rinko Kikuchi et Idris Elba, ou une baston brutale entre Raleigh et son rival.
Au rayon des petits défauts, la musique du décrié Ramin Djawadi (un élève de Hans Zimmer auquel on doit les scores de Le Choc des Titans, Game of Thrones, Prison Break, L’Aube Rouge, Iron Man, Blade : Trinity, les derniers Medal of Honor…) est aussi pompeuse que souvent malvenue, voire même pas du tout synchro avec les images, mais l'emballant thème principal reste en mémoire et ajoute une dimension héroïque aux combats. Trônant en haut d'un casting très séries télé, Charlie Hunnam (qui, détail amusant, ne croise pas une seule fois l'autre "SONS" du casting, Ron Perlman) n'est pas très convaincant et son personnage manque de nuances, mais heureusement les excellents Idris Elba (toujours aussi charismatique, dans un rôle assez proche de celui qu'il tenait dans Prometheus, jusqu'au destin du personnage) et Rinko Kikuchi (joli brin de japonaise vue dans Une Arnaque presque parfaite de Rian Johnson et bientôt dans 47 Ronins) rattrapent le coup avec des personnages beaucoup plus intéressants et archi-iconisés (cf. le magnifique flashback). Comique de stand-up vue dans Trop loin pour toi et Comment tuer son boss?, Charlie Day est plutôt stressant en scientifique doux-dingue mais son personnage fonctionne, comme son tandem de sidekicks avec le déglingué Burn Gorman (Layer Cake, Crimes à Oxford, The Dark Knight Rises et Game of Thrones).
Quand bien même il s'agit de son premier vrai blockbuster (encore que Blade 2 avait couté assez cher à l'époque), une production colossale de 180 millions de dollars, Guillermo Del Toro a conservé son style, son esthétique, ses thématiques et ses obsessions (la Warner laisse généralement une grande liberté à ses "auteurs", ce qui s'avère souvent payant), le sujet étant parfaitement adapté à son univers de monstres, de mythes et de légendes. Coscénariste sur cette histoire imaginée par Travis Beacham (scénariste sur Le Choc des Titans), Del Toro y case de nouveau ses décors rouillés typés souterrains et coursives, y évoque phobies et traumas, y témoigne encore une fois d'un amour inconsidéré pour les monstres, pour les marginaux illuminés (les deux scientifiques) et pour son acteur fétiche Ron Perlman (qui tient ici un petit rôle savoureux), tandis que le cadre rappelle fortement celui des Hellboy (le gouvernement américain finance une unité spéciale pour lutter contre des menaces surnaturelles ou extraterrestres, mais cette unité devra se débrouiller seule). Entre l'action et l'émotion, le cinéaste rajoute quelques touches d'humour, dans l'esprit cartoon de ses Hellboy, qui restent d'ailleurs peut-être plus attachants que Pacific Rim même si moins aboutis. Sorte de trip japonais réalisé par un mexicain et produit par des américains, Pacific Rim est pourtant bel et bien une commande, exécutée avec brio et avec passion, qui permettrait peut-être au cinéaste de réaliser ses fameuses Montagnes hallucinées...si du moins Pacific Rim convainc au box-office, ce qu'on espère de tout cœur (et si tel est le cas, une suite serait également envisageable). Véritable exception dans le Hollywood d'aujourd'hui, à quelques Peter Jackson et Sam Raimi près, Pacific Rim est un blockbuster frais, à la fois sombre et coloré, excitant et hautement jubilatoire.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Pacific Rim [2013]
Avec cette commande, blockbuster colossal atypique et miraculeux dans le paysage hollywoodien actuel (d'autant plus qu'il ne compte aucune star dans sa distribution), Guillermo Del Toro met en image un fantasme de geek et/ou un rêve de gosse. Le cinéaste reste fidèle à son cinéma, insufflant sa sensibilité dans ces 180 millions de dollars tout en assurant un spectacle ultra-généreux et saisissant qui rivalise avec les Transformers de Michael Bay, dont il s'éloigne pourtant énormément par un premier dégré chevaleresque et un traitement plus sérieux qui n'empêche pas l'humour. Les combats entre les robots (les Jaegers) et les monstres (les Kaiju) relèvent du jamais vu à l'écran, et probablement ce qu'on a vu de plus impressionnant cette année au cinéma en termes de spectacle et d'effets spéciaux (encore un tour de force des studios ILM). En dépit d'un scénario manichéen et prévisible qui n'échappe pas aux clichés, le cinéaste raconte son histoire avec force et passion, dans une esthétique flamboyante aux couleurs éclatantes. Pacific Rim est une expérience exaltante et jouissive.
On a aimé
- Des combats époustouflants d'une beauté à pleurer
- Une prod design superbe
- Un concept jouissif pleinement exploité
- Idris Elba et Rinko Kikuchi
On a moins bien aimé
- Un acteur principal limité
- Une musique pas à la hauteur des images
- Un scénario assez manichéen
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