Critique Détective Dee II : La Légende du Dragon des Mers [2014]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le samedi 26 juillet 2014 à 14h57
Le nouveau délire de Tsui Hark
Gros succès au box-office (et carton en Chine), l’ambitieux Detective Dee et le mystère de la flamme fantôme condensait les qualités et les défauts du cinéma de Tsui Hark, d’une telle folie et d’une telle générosité que c’en devient souvent confus et trop foisonnant. Atteint d’une véritable frénésie créatrice qui a enfanté quelques chefs d’œuvres mais aussi des films complètement ratés (dans lesquels il y a pourtant toujours quelque chose à sauver), Tsui Hark a du mal à faire le tri dans toutes ses idées issues de son cerveau en ébullition destructrice, il balance donc tout d’un coup et pas forcément dans le bon ordre. Chez Tsui Hark, un plan magnifique peut suivre un plan totalement hasardeux. D’où un film sympathique et fun mais bordélique, trop long et pas toujours bien foutu (certains CGI étaient particulièrement ratés). Le premier Detective Dee de Tsui Hark n’était ni aussi charcuté que son maudit Seven Swords, ni aussi expérimental que son suicide artistique et commercial La Légende de Zu, d’ailleurs il s’agissait d’un de ses films les plus commerciaux et accessibles, d’où son succès.
Mais avec Détective Dee II : La Légende du Dragon des Mers (ou Young Detective Dee : Rise of the Sea Dragon), préquelle qui relate la première grande enquête du héros (d'ou le "young" du titre original), le maitre fou de Hong-Kong gomme les défauts du premier opus et trousse un film d’aventure euphorique d’une générosité débordante, sorte de Sherlock Holmes à la sauce Wu xia pian (genre qu’il a relancé et renouvelé à plusieurs reprises) mâtiné d’heroic-fantasy. La petite scène dans laquelle le héros explique comment il a deviné par déduction et observation l’identité de son geôlier (qui deviendra son assistant) semble d’ailleurs être un clin d’œil évident à Sherlock Holmes, notamment au Secret de la Pyramide de Barry Levinson.
En dépit de son avalanche de CGI, Young Détective Dee charme pour son coté serial (comme c’était le cas aussi de son désuet The Raid dans les années 90), son intrigue surnaturelle au savoureux parfum de mystère (avec multiples énigmes), son souffle romanesque permanent, son contexte historique prônant les traditions (Tsui Hark y est très attaché) et ses personnages qui courent et voltigent dans les airs à l’aide de filins, d’où des combats surréalistes aux chorégraphies enlevées défiant les lois de la gravité. On se retrouve ainsi devant un film d'aventure à l'ancienne, très traditionnel mais exploitant une technologie avancée. Avec Détective Dee, nouveau justicier intrépide et intègre, Tsui Hark semble vouloir relancer une franchise à la Il était une fois en Chine, mêlant magie, arts martiaux, humour, romantisme et Histoire.
Entre le premier Détective Dee et cette suite-prequel, il y a une marge en termes de technique, alors que seulement trois années les séparent. Et dans cette marge, il y a eu Dragon Gate - La légende des sabres volants, gros Wu xia pian qui permettait à Tsui Hark d’expérimenter une 3D qui le forçait à apaiser son style, à le faire respirer, à prendre une distance aérienne sur l'action qui, du coup, en devient beaucoup plus lisible (un peu comme Michael Bay sur ses deux derniers Transformers...allez-y, jetez-moi des pierres !). Young Détective Dee semble donc beaucoup plus maitrisé, mieux tenu, et affiche ainsi une superbe 3D qui joue sur tous les plans, ainsi que de nombreux CGI très réussis (même les doublures numériques) qui, à quelques exceptions et fautes de goût près (notamment au début), rivalisent presque avec ceux d’Hollywood. L’ensemble est d’une fluidité parfaite et l’action d’une lisibilité agréable malgré le bordel qu’il y a dans cette histoire abracadabrantesque des plus réjouissantes. Tsui Hark a affiné et clarifié sa mise en scène, qui n’en reste pas moins toujours aussi inventive et audacieuse. Et en 2.35, ça a décidément de la gueule.
Détective Dee II : La Légende du Dragon des Mers scotche ainsi par sa générosité et son sens du spectacle : ça se fighte toutes les 5 minutes pendant deux heures, ça virevolte dans tous les sens, il y a des pouvoirs magiques et des affrontements cartoonesques à foison dans des lieux divers et variés (on se croirait revenu dans Zu, les guerriers de la montagne magique), un monstre marin géant, des navires détruits, une créature romantique, une intrigue de complot, des chorégraphies inventives (mais plus réglées par Sammo Hung comme sur le premier opus)…Les 130 minutes de métrage passent ainsi tranquillement, même si certains (notamment les non-initiés au cinéma de Tsui Hark) se fatigueront à la longue. C’est palpitant, jubilatoire, épique et truffé de séquences mémorables, de l’affrontement tendu sur la falaise (le cinéaste est un dieu pour confectionner ce genre de combat conceptuel acrobatique, cf. le célèbre combat sur les échelles à la fin de Il était une fois en Chine) au climax avec le (superbe) monstre marin qui vient marcher sur les plates-bandes de celui de Pirates des Caraïbes : Le Secret du Coffre Maudit avec son Kraken. Les scènes d’action sont nombreuses, bien agencées, spectaculaires et vraiment agréables à suivre. Même le versant romantique du film parvient à toucher (n'oublions pas que Tsui Hark, c'est aussi Shanghai Blues et The Lovers, des sommets de romantisme), avec l’histoire très référentielle entre la courtisane et son amant transformé en sorte de Créature du Marais (le clin d’œil semble évident).
Le style de Tsui Hark, très graphique, bondissant, à la fois aérien et rentre-dedans, fait toujours fureur et gomme ici certains défauts qui parasitaient le premier opus (faux raccords, effets spéciaux moyens, fautes de goût typiques du cinéaste ; souvenez-vous de la « transfiguration » ou des bad guys cheap de Détective Dee). Cela dit Tsui Hark reste un des meilleurs dans l’iconographie de ses personnages, dans la fabrication des héros et légendes, dans la création d’une mythologie sur les bases d’autres mythologies, dans une esthétique toujours très comics-book (on a souvent l’impression de voir des artworks prendre vie devant nos yeux).
Ça part un peu dans tous les sens, tout s’enchaine avec panache même si c’est peut-être encore trop long (un défaut récurrent chez Tsui Hark), c’est joyeusement too much et chevaleresque jusqu'au délire (cf. la chevauchée sous-marine !), et il y a des élans de folie et des idées trash typiques de Tsui Hark (le coup de l’antidote à l'urine, dans une production d’une telle envergure fallait oser !). On y dégote même quelques gags scabreux. La musique (du rare Kenji Kawai, qui fait ici un bien meilleur boulot que sur Seven Swords et le premier Détective Dee), la photo et la prod design sont superbes (quel soin apporté aux décors !), c'est rempli de couleurs, de saveurs, de surprises et de détails. Grâce notamment à une direction artistique assurée par Kenneth Mak (les Yip Man, Le Maitre d'armes, Bodyguards & Assassins, Flashpoint, SPL), Young Détective Dee est probablement l’un des films les plus aboutis de son auteur en termes techniques.
Le peu connu Mark Chao fait un jeune Detective Dee sympathique, même s’il n’a pas le charisme d’Andy Lau. Les personnages secondaires sont eux aussi bien esquissés, attachants et charismatiques, tous très typés bande-dessinée et tous chargés d’un background bien vu et d’une personnalité forte, tandis que la bien nommée Angelababy (Tai Chi Hero et Tai Chi Zero) assure le quota sexy de l’aventure. Cette superproduction chinoise est, avec Dragon Gate, le film le plus ambitieux de Tsui Hark, une aventure flamboyante, fun et magique qui assure le spectacle jusqu’au bout sans jamais se foutre de la gueule de son public. Tout le monde n’accrochera pas pour autant à cette overdose d’action, d’effets spéciaux et d’idées folles.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Détective Dee II : La Légende du Dragon des Mers [2014]
Avec cette suite spectaculaire en forme de préquelle, Tsui Hark corrige les défauts d’un premier opus plaisant mais maladroit, concoctant avec sa folie créatrice habituelle un Wu Xia Pian magique, épique, chevaleresque, drôle et romantique, ou se mélangent monstres, chorégraphies virevoltantes et scènes d’action délirantes mais parfaitement maitrisées. Les nombreux CGI, par ailleurs bien plus réussis que dans le premier film, n’enlèvent en rien le charme serial et à l’ancienne de cette aventure rocambolesque, sorte de Sherlock Holmes martial. Truffé de morceaux de bravoure, ce flamboyant Young Détective Dee est un divertissement complet, fun et carburant au panache.
On a aimé
- Une mise en scène inventive et énergique
- Une production design superbe et des CGI réussis
- Un parfum d'aventure et de mystère enivrant et captivant
- Nombreuses péripéties et beaucoup d'idées folles
On a moins bien aimé
- Parfois too much
- Un récit un peu bordélique malgré la narration fluide
- Un poil trop long et surchargé
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