Critique Rapture [2016]
Avis critique rédigé par Bastien L. le jeudi 16 mars 2017 à 10h39
Naissance et mort d'une utopie
« Lorsque Sullivan, le chef de la sécurité, entra dans le bureau du Grand Homme au siège social de son empire, ce fut pour le trouver debout devant son immense baie vitrée, la silhouette auréolée par les lumières de la ville au-dehors. L'endroit n'était éclairé qu'à l'autre bout de la pièce par une lampe aux reflets verts posée sur la vaste table de travail en verre, si bien que le Grand Homme disparaissait presque entièrement dans la pénombre : les mains dans les poches d'un veston de costume sur mesure impeccable, il scrutait d'un regard maussade la ligne des toits new-yorkais. »
Paru en 2007, le jeu vidéo Bioshock avait été une petite claque pour beaucoup de gamers grâce à son univers riche et profond doté de personnages forts. Cela appelait logiquement à des suites, mais également à un approfondissement de cet univers. C'est ce que fait ce roman, qui nous raconte la genèse, la naissance et la décadence de la cité sous-marine de Rapture.
La licence Bioshock fait partie de ces sagas vidéoludiques qui nous démontrent admirablement la profondeur que peut apporter ce média et son utilisation intelligente de la science-fiction. L'un des plus gros point fort du titre de 2007 (et de sa suite de 2010) est la ville de Rapture, création sous-marine assez impressionnante. Celle-ci s'appuie sur l'idée qu'une métropole américaine des années 1950 impose sa majesté au fond de l'océan atlantique. Le jeu mélange ainsi agréablement les idées d'utopie, d'uchronie avec une once de steampunk via un certain retro-futurisme. L'ensemble offre une aventure aussi originale qu'efficace, qui permettait au joueur de déambuler dans une cité ayant connu une guerre civile alors qu'elle était censée être le chantre du libéralisme et de la liberté, loin des systèmes communistes et occidentaux de la guerre froide. C'est cette utopie sur fond d'inégalités sociales, de concurrence à la tête de la cité mais aussi de modifications biologiques, que le roman va tenter d'éclaircir. L'ouvrage fut confié à l'expérimenté John Shirley pour être publié aux États-Unis en 2011, avant que le roman ne sorte chez nous en grand format (dans une édition magnifique avec un cachet livre ancien) en 2016, puis en poche début 2017 chez Milady.
Cette préquelle raconte l'histoire d'Andrew Ryan, riche et génial entrepreneur multi-millionnaire qui contemple les affres de la Seconde Guerre mondiale du sommet de sa tour à New-York. La fin de la guerre, marquée par les bombes nucléaires au Japon et le début de la guerre froide, le pousse à concrétiser une utopie : créer une cité sous-marine qui sera l'écrin d'une société dispensée de toute barrière politique, rejetant le communisme de l'URSS et l'Etat-providence des USA (avec leur censure religieuse ou bioéthique) afin de laisser la science prospérer. Le livre suit ainsi le projet de sa création jusqu'à ses premières années s'attachant à plusieurs personnages. D'abord Ryan évidemment, mais aussi l'ingénieur-structure Bill McDonagh et le profiteur Frank Fontaine (qui se verrait bien calife à la place du calife). On peut également citer la scientifique formée dans les camps nazis, Brigid Tennenbaum, le responsable de la sécurité Wallace ou la psychiatre Sophia Lamb. Sans oublier d'autres protagonistes que les joueurs connaissent bien : l'artiste dérangé Sander Cohen, le chirurgien esthétique trop perfectionniste Steinman et d'autres dont on vous laisse la surprise de la découverte.
Le roman de John Shirley est une réussit à plus d'un titre. Il est d'une part une adaptation intelligente d'un univers bien connu (qu'on prend une nouvelle fois plaisir à découvrir), et il sait d'autre part faire plaisir aux fans de Bioshock et de Bioshock 2 (en faisant admirablement la synthèse entre les deux, alors même que le second épisode n'était absolument pas prévu sous cette forme à la base). On apprécie vraiment de découvrir tous les protagonistes importants du jeu alors qu'ils ne sont, à la surface, que de simples citoyens rêvant d'un monde meilleur. On assiste à la construction et à l'inauguration de la cité, mais aussi au début de la fin... Les pièces du puzzle que l'on découvre dans le jeu se mettent en place devant nos yeux avec délice. John Shirley nous décrit de plus la construction et la chute de cette utopie avec ce regard pessimiste qu'avaient déjà les jeux sur les systèmes politiques et sur l'être humain en général...
Cela fait la force du roman, mais également sa faiblesse car les lecteurs ne connaissant pas les jeux seront peut-être perdus par la profusion des personnages et l'absence de personnage central permettant vraiment de s'impliquer dans l'histoire. D'autant plus qu'à force de révélations, le roman zappe une grande partie de l'intérêt des jeux... Le roman souffre aussi d'un manque de rythme en son milieu, avant de se reprendre efficacement avec une fin tellement halletante qu'elle nous empêche de fermer le livre. Heureusement, le style de l'auteur est intéressant (dans le sens où il rend facilement compréhensible des termes politiques, techniques et scientifiques assez ardues de prime abord tout en apportant un côté polar), et le traducteur s'est visiblement fait plaisir avec des dialogues que n'aurait pas renié Michel Audiard, l'effet volontairement comique en moins.
La conclusion de Bastien L. à propos du Roman : Rapture [2016]
Rapture est un roman aussi sombre que captivant en tant qu'adaptation en roman de jeux vidéo. L'ensemble est réussi grâce au talent de John Shirley pour utiliser à bon escient un univers si riche. Les fans des jeux sont ainsi aux anges, tout comme des Petites Soeurs ayant retrouvé leur Protecteur... Si l'ensemble n'est pas parfait (milieu un peu mou et trop grande profusion des personnages) on conseille chaudement la lecture aux amateurs de Bioshock et Bioshock 2. Les autres, jouez aux jeux et lisez le livre !
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