Critique Bioshock #1 [2007]
Avis critique rédigé par Bastien L. le mercredi 20 février 2019 à 09h00
Sous l'Océan !
Critique de la version PS3.
Véritable œuvre culte du média vidéoludique, Bioshock avait fait grand bruit à sa sortie en 2007 au point de rapidement devenir un FPS de référence, un de ces jeux cités dans les classements des meilleurs titres ou de ceux qu'on utilise pour défendre le côté artistique et la maturité du jeu vidéo. Plus de dix ans après, que reste-t-il de ce jeu atypique ?
Ce titre est l'œuvre du studio Irrational Games et surtout d'un de ses fondateurs, Ken Levine. Ouvert en 1997, avant de fermer en 2014, le studio comprenait une grande partie de membres, Levine compris, venant de Looking Glass Studios connu pour ses FPS cultes comme Deus Ex, la saga Thief ou encore System Shock. C'est sur ce dernier que Ken Levine fit parler sa maîtrise de la narration comme son envie de créer des jeux dont l'histoire et le gameplay s'avèrent très profonds. C'est ainsi que son équipe créa System Shock 2 en 1999. Comme son prédécesseur, le titre fut une réussite beaucoup plus critique que public et le studio se tourna vers des projets différents comme la série Freedom Force, Tribes : Vengeance ou encore le FPS tactique SWAT 4... Il fut ensuite décidé d'offrir une véritable suite spirituelle à System Shock à travers un projet mature n'hésitant pas à présenter un monde sombre et un gameplay à la croisé des genres. L'éditeur 2K Games répondit à l'appel et décida de soutenir un développement houleux et coûteux afin d'accoucher de Bioshock sur PC et Xbox 360 en 2007. C'est fin 2008 que les joueurs PS3 purent aussi plonger dans le monde de Rapture grâce à un portage réalisé par les divers studios de 2K à travers le monde (États-Unis, Autralie et Chine) mais surtout par les Canadiens de Digital Extremes surtout connus pour des titres Unreal ou Dark Sector.
L'histoire commence en 1960 alors que vous êtes Jack, un simple passager d'avion devant rejoindre un membre de sa famille afin de commencer la brillante vie d'adulte qui vous est promise. Alors que vous survolez l'océan, l'avion est pris de turbulences et s'écrase violemment dans la mer. Seul survivant, vous remarquez un étrange phare plantez au milieu des flots à l'intérieur duquel vous attend une bathysphère. Celle-ci vous conduit tout droit dans la ville sous-marine de Rapture et vous apprenez qu'elle est l'œuvre du businessman Andrew Rayan ayant voulu créer une cité objectiviste et libérale coupée de tout gouvernement sois-disant démocratique, de toute dictature idéologique façon communisme mais aussi de religion. Une cité où l'homme n'est entravé par aucune idéologique où l'éthique laisse tranquilles les savants, où les ingénieurs peuvent expérimenter à loisir et où les artistes ne connaissent pas la censure... Malheureusement cette douce utopie a pris un sacré coup dans l'aile après 20 ans d'existence : la découverte d'un gène appelé « ADAM » présent sur des limaces des mers a été utilisé afin de transformer les habitants de la ville qui peuvent acquérir des pouvoirs. Malheureusement, cette découverte crée aussi des personnes accrocs à l'ADAM et devenant de véritables fous furieux qui vont être utilisés dans une lutte au pouvoir entre Andrew Ryan et le dénommé Fontaine. Le premier voyant son utopie lui échapper a décidé de tout faire pour garder le contrôle d'une ville finalement plongée dans le chaos par cet affrontement. Au moment où vous arrivez, Fontaine est mort et la ville n'est plus que le spectre de ce qu'elle était. Andrew Ryan ne supporte pas votre présence mais vous allez être aidé par Atlas qui semble être le dernier rempart d'une rébellion afin de sauver ce qui peut l'être...
Bioshock est clairement un titre sous influences. Celles revendiquées et celles plus ou moins subtiles. Ken Levine, réalisateur et principal scénariste du jeu, avoue sans problème s'être inspiré des travaux de la philosophe/romancière russe Ayn Rand et particulièrement son œuvre La Grève (1957) qui inspire le jeu jusqu'au nom des personnages. George Orwell fait évidemment parti des influences avec le personnage d'Andrew Ryan étant une sorte de Big Brother au moment où l'on met le pied à Rapture. Levine s'inspire aussi de l'histoire des États-Unis et des grandes figures du capitalisme, Rockefeller en tête. La mythologie grecque est aussi très souvent citée dans le jeu entre les lieux, les personnages rencontrés ou les pouvoirs que l'on débloque. Mais c'est aussi toutes les années 1940 et 1950 qui transpirent dans le jeu que cela soit le mouvement Art Deco, le jazz d'époque comme les œuvres de science-fiction de ce temps... Parfois un trop plein d'influences empêche d'avoir un mélange digeste mais ici tout est cohérent afin de proposer un univers vraiment original et surtout très atypique pour les joueurs tout en oubliant jamais que le jeu vidéo est d'abord une affaire de gameplay. L'univers et le scénario du jeu sont ainsi sa plus grande force.
Le scénario est ainsi une grande réussite et a fait école dans l'industrie du jeu vidéo. On sent vraiment que l'équipe de développement a bossé sur des titres tels que Deus Ex. Le titre propose d'abord un univers riche avec un postulat de base forcément accrocheur. Tout le jeu va être une dissertation sur ce qu'est une utopie qui se transforme en dystopie. Sujet on ne peut plus classique dans la science-fiction mais qui est parfaitement adapté au média sur lequel il est exploité. Le fait d'arriver alors que cette cité en totale perdition donne déjà un petit aspect post-apocalyptique fort agérable. Cela permet de se rendre compte du décalage entre la folie des grandeurs d'Andrew Ryan et un gâchis incommensurable. Refusant de céder aux sirènes des cinématiques et des longs dialogues, les développeur ont décidé que le joueur allait recevoir des informations au compte-goutte grâce aux personnages qui s'adressent à nous par radio et surtout grâce aux nombreux magnétophones que l'on va trouver ici et là. L'histoire se développe ainsi par bribes avec une accumulation d'informations données par forcément dans le sens chronologique des événements. On apprécie donc grandement de comprendre ce qu'il s'est passé à travers une galerie de personnages très travaillés et souvent troublant. Le scénario lié à nos actions tout au long du jeu tient vraiment bien la route avec un recours généreux aux twists qui sont ici assez intelligents et divertissants pour qu'on suive avec plaisir ce qu'il nous est raconté.
Si le scénario est si puissant c'est aussi qu'il prend place dans un univers d'une cohérence exceptionnelle. En plus d'être original avec une direction artistique très forte. Rapture est un véritable personnage de l'histoire tant la ville semble avoir sombré dans la folie en même temps que ses habitants. Elle devient instantanément un des lieux cultes du jeu vidéo. Evidemment l'idée génial est d'avoir créé ce duo improbable des Protecteurs et des Petites Soeurs (Big Daddy et Little Sister en VO) qui sont chargés de récolter l'ADAM sur les cadavres des habitants. Leur présence s'insère parfaitement dans toute la mythologie du titre de manière parfaite. Si l'univers fort ici proposé fonctionne aussi bien c'est aussi grâce aux graphismes du jeu. D'une grande beauté à l'époque de la sortie, il n'ont pas trop vieillis dix ans plus tard notamment en ce qui concerne la modélisation de l'eau et la gestion des effets. Mais c'est surtout ce style Art Deco, ces inspirations de l'art des régimes totalitaires européens des années 1930 et ce sens du détail qui donnent une vraie personnalité au jeu. Se balader dans Rapture est un véritables plaisir notamment en découvrir les nombreux décors dont un jardin intéressant ou encore le théâtre très spécial de Sanders Cohen sans oublier ses usines immenses... Le travail sonore est d'aussi bonne qualité tout comme les musiques avec un mélange de jazz d'époque et de morceaux plus symphoniques efficaces. Le tout pour un dépaysement inoubliable où l'on découvre des lieux immenses marqués par ce vide d'une communauté ayant sombré dans la folie au fond de l'océan qu'on peut admirer avec de grandes vitres... Tout en se débarrassant de fous nous pourchassant avant de croiser un protecteur et sa petite sœur au détour d'un couloir histoire de nous imposer un choix moral ou tout simplement de l'ignorer...
Pour parler du gameplay, il est une nouvelle fois nécessaire de rappeler l'importance de Deus Ex et de System Shock quand on parle de Bioshock. Ces trois œuvres ont décidé de proposer des FPS hybrides s'inspirant d'autres genres notamment le RPG. Comme pour ses influences, Bioshock propose un mélange très bien dosé entre FPS, aventure (version exploration), RPG et survival-horor car on retrouve des mécaniques propres à tous ces genres. La vue FPS et l'action bien présente font évidemment que le jeu se rattache d'abord à ce genre. Mais les niveaux sont loin d'être linéaires et beaucoup d'endroits ne sont pas vraiment utiles pour terminer le jeu laissant le joueur libre de pouvoir explorer pour le plaisir de la découverte, pour en savoir plus sur Rapture donc l'histoire ou encore collecter des ressources. En effet, le jeu se veut quand même inquiétant voire souvent glauque avec quelques effets de mises en scènes efficaces où le fait qu'il y a toujours des ennemis qui traînent. Cela renvoi au survival-horror d'autant plus qu'il faudra correctement gérer ses ressources notamment les munitions. Enfin le héros acquiert de plus en plus de pouvoirs et il faudra souvent faire un choix offrant un léger aspect RPG dans le sens « héros paramétrable ».
L'une des plus grandes richesses du gameplay est l'utilisation des pouvoirs, appelés plasmides, qui permettent à notre héros de se défaire de ses ennemis de différentes façons. Pouvoirs liés à l'lectricité, au feu, à la glace ou d'autres permettant de retourner les systèmes de sécurité ou les protecteurs contre les chrosômes, ennemis de base du jeu. On peut aussi utiliser un arsenal vraiment diversifié avec différents types de munitions et la possibilité d'améliorer ses armes. On doit aussi tirer parti de l'environnement comme électrifié et l'eau... On se retrouve ainsi avec une équation opposant les ennemis à nos pouvoirs, armes et environnement offrant donc de nombreuses possibilités et combinaisons rendant les combats aussi intéressants que profonds. La liberté offerte par le jeu permet donc d'explorer à sa guise en pouvant revenir sur ses pas et en créant tellement de plasmides actifs ou passifs que chaque partie peut être unique et qu'on peut décider de construire un héros complètement différent puisque beaucoup de bornes de réaffectation des pouvoirs sont disponibles. D'autres possibilités apparaissent rapidement dans le jeu comme la possibilité de pirater tout ce qui est électronique ou des portes dans une sorte de mini-jeu difficile à appréhender au début. De même, de nombreuses ressources peuvent être collectées afin d'utiliser des bornes de manufactures et créer des munitions voire des plasmides... Enfin on peut aussi amasser de l'argent afin de le dépenser dans des magasins pour acheter munitions, trousses de soin ou seringues restaurant la « mana » permettant d'utiliser nos pouvoirs. Il existe même des magasins à plasmides où l'on dépense notre ADAM récolté auprès des petites sœurs que l'on peut soit sauver ou tuer (ce qui change votre récolte) à condition de se frotter à son Protecteur...
Même si le jeu n'est pas spécialement difficile, il faut avouer que les combats contre les Protecteurs sont assez intenses et font souvent le sel du jeu tant ils en sont, avec leurs protégées, les icônes de Bioshock. Quand on meurt, le jeu nous téléporte dans la vita-chambre la plus proche et on peut reprendre la partie exactement là où on en était avec les objectifs déjà accomplis et des ennemis éliminés ou gardant leurs dégâts. Une proposition intéressante qui pourra néanmoins décevoir les puristes... Néanmoins on reste admiratif devant la profondeur du gameplay et surtout sa richesse où l'exploration est vraiment dirigée par la narration et l'envie de ramasser le plus de ressources. La durée de vie est assez importante allant entre 10 et 15h de jeu selon votre envie d'explorer justement. Le titre offre tellement de choix aux joueurs que chacun pourra y revenir histoire de paramétrer sa partie selon ses envies ou des challenges qu'on veut se lancer. Peu de jeux ont cette force. Pour ma part, j'ai quand même trouvé que le jeu avait du mal à correctement tenir la longueur se révélant finalement assez répétitif sur la fin dans le schéma de progression des niveaux... Les décors aussi ont tendance à se répéter. De même, le système de plusieurs fins a été implanté de manière assez maladroite ce qui est un peu dommage. Enfin, dernier petit défaut, les combats manquent quand même de nervosité avec des ennemis trop rentre-dedans manquant au final de variété...
La conclusion de Bastien L. à propos du Jeu Vidéo : Bioshock #1 [2007]
Bioshock reste un très grand jeu, même plus de dix ans après. Un FPS incontournable car intelligent, généreux et profond. L'équipe d'Irrational Games a mélangé énormément d'influences pour accoucher d'un titre vraiment unique qui a marqué beaucoup de joueurs. Si vous n'avez pas encore découvert Rapture, préparez-vous à un jeu de science-fiction mature et profond qui sait amuser le joueur tout en abordant des thèmes passionnants.
On a aimé
- L'univers et l'histoire
- Rapture, cité sous-marine sans pareil
- Un gameplay profond et diversifié
On a moins bien aimé
- Un peu répétitif sur la fin (action, décors...)
- Le système de fins multiples perfectible
- Un manque de variété d'ennemis
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