Critique Tschaï - Retour sur la planète de l'aventure [2017]

On ne le dira jamais assez (donc on le répète à chaque fois) : la collection Ourobores des Éditions Mnemos est une petite pépite éditoriale. Les ouvrages qui la constituent s'articulent tous autour d'une thématique commune (la description de lieux imaginaires), d'une méthodologie bien définie (l'utilisation de documents fictifs tels que des échanges de correspondances, des comptes-rendus scientifiques, des témoignages,...) et de l'importance accordée à la charte visuelle (via des illustrations d'ambiance, des cartes,...), autant d'éléments qui font de chaque publications des livres aussi passionnants que magnifiques. On va ainsi retrouver dans cette collection des ouvrages traitant de lieux fictifs issus de la littérature (Abyme, le guide de la cité des ombres d'après l'oeuvre de Mathieu Gaborit, Kadath, le guide de la Cité Inconnue d'après l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft,...) comme des créations originales (Jadis, L'étrange cabaret des fées désenchantées, Le Nordique,...)

Dernier opus paru dans le cadre de cette collection, Tschaï - Retour sur la planète de l'aventure propose un développement de l'univers créé dans Le cycle de Tschaï. Rappelons que le cycle de Tschaï est une tétralogie (composé de Le Chasch, Le Wankh, Le Dirdir et Le Pnume) écrite par Jack Vance (Le cycle de Lyonesse, Le cycle de la Vieille Terre) dans les années 60. Inspirés des planet opera des années 40 (eux-mêmes inspirés de du Le Cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs), les quatre romans racontent les aventures d'Adam Reith, un naufragé de l’espace échoué sur une planète couverte d’une mosaïque de peuples aux mœurs étranges et aux niveaux technologiques mélangeant rusticité médiévale, extravagance baroque et modernité avant-gardiste. Le cycle de Tschaï est aujourd'hui considéré (à juste titre) comme l'une des oeuvres majeures de Jack Vance, ainsi que comme un classique de la littérature.

Tschaï - Retour sur la planète de l'aventure est un beau livre de 180 pages écrit à huit mains (par Raphael Albert, Etienne Barillier, Jeanne-A Debats et Adrien Tomas), intégralement illustré par Dogan Oztel et cartographie par Maxime Plasse. Il propose un panorama de la planète Tschaï chronologiquement situé après les romans de Jack Vance. L'arrivée et les agissements d'Adam Reith, le héros des romans, ayant influencé les rapports entre les humains et les autres races de la planète, l'amirauté a décidé de commander un rapport faisant état de la nouvelle situation. On va retrouver dans le livre des témoignages ainsi que des rapports divers (sur la faune, l'armement, le mode de vie,...) présentant un panorama complet de Tschaï. Tous ces éléments sont impeccablement mis en valeur par les illustrations, à fois magnifiques et totalement cohérentes avec ce que nous laissaient imaginer les romans.

Tout cela n'aurait pu être qu'un condensé d'informations froides et impersonnelles si ce n'était le parti-pris artistique du livre. Les quatre auteurs qui ont oeuvré sur Tschaï - Retour sur la planète de l'aventure ont chacun amené leur patte et leur personnalité à l'ensemble de l'ouvrage. A l'instar de ce qui avait notamment été fait dans l'excellent Jadis, chacun d'eux s'est mis dans la peau d'un personnage natif de Tschaï, ce qui donne à l'ensemble une identité appréciable. La direction éditoriale, impeccable, permet d'harmoniser ces différences de style pour que le lecture ne soit jamais génée. On est captivé par le texte, émerveillé par les illustrations, et, cerise sur le gâteau, le travail effectué ne trahit jamais l'oeuvre de Jack Vance en dépit des quelques libertés prises (rappelons que le postulat de base est que le Tschaï post-Adam Reith est sensiblement différent de celui des romans).

Si Tschaï - Retour sur la planète de l'aventure réjouira sans aucun doute les fans de l'oeuvre de Jack Vance, il s'avère également être une excellente introduction à cet univers bien particulier. Certes, il est préférable de lire les romans avant de se lancer dans cette lecture (ne serait-ce que pour ne pas se gâcher la surprise), mais il n'est pas nécessaire de bien connaître le cycle de Tschaï pour apprécier le travail ici effectué. Pour les lecteurs les plus frileux, cela peut même susciter l'envie d'aller plus loin et de se lancer dans la lecture des écrits de Vance. On notera, en plus, que ce livre sera utilisé comme base pour développer un jeu de rôle (qui va paraître dans le courant de l'année chez 500 Nuances de Geek). On a donc hâte de pouvoir fouler du pied Tschaï pour aller se plonger dans cette ambiance extraordinaire.