Critique Contes et Récits du Paris des Merveilles [2019]

« Bienvenue dans un Paris qui n’est ni tout à fait le nôtre ni tout à fait un autre »

Les messieurs ont de fières moustaches, des chapeaux melons ; les dames portent des corsets, des jupons, des bottines à boutons. Déjà, de rutilants tacots pétaradent parmi les fiacres le long des Grands Boulevards aux immeubles haussmanniens. Mais ce n’est pas le Paris de la Belle Époque tel que nous l’entendons : la tour Eiffel est en bois blanc enchanté, les sirènes ont investi la Seine, les farfadets, le bois de Vincennes, des chats-ailés discutent philosophie sur les terrasses des cafés et une ligne de métro permet de rejoindre le pays des fées. Bienvenue dans Le Paris des Merveilles si proche du nôtre et si différent, un univers crée par le talentueux Pierre Pevel (La trilogie de Wieldstadt, Les Lames du Cardinal).

Alors que les éditions Bragelonne ont sorti la trilogie du Paris des Merveilles (ancien dyptique les enchantements d’Ambremer) récemment dans une très belle édition, voici que la gamme s’étoffe avec ce recueil de nouvelles inspirées. Pierre Pevel est l’auteur de deux d’entre elles mais d’autres écrivains se sont prêtés au jeu. Ce sont de jeunes plumes qui se sont approprié l’univers d’Isabel de Saint-Gil, de Louis Denizart Hippolyte Griffont et d’Azincourt le chat-volant loquace et drôle, les héros de la trilogie. Vous pourrez apprécier ce recueil sans connaître Le Paris des Merveilles mais il prendra toute sa saveur si vous connaissez l’œuvre initiale.

La première nouvelle à ouvrir le bal est une aventure d’Isabel et Griffont : Veni, Vedi, V… est une histoire qui met en avant la relation entre Isabel et Griffont. On y retrouve l’humour de Pierre Pevel et la finesse de son style. La pétillante Isabel voit débouler dans son salon un soir d’orage un étrange chat volant mécanique. Cette créature semble dotée d’une vie réelle ce qui est un véritable miracle. Mais le prodige est en mauvais état. Isabel et ses compagnons vont tenter de trouver un moyen de le sauver et de retrouver son créateur qui s’avèrera être le plus grand génie de tous les temps. 

Catherine Loiseau (déjà autrice d'une trilogie steampunk et passionnée d'Egyptologie) nous plonge dans une ambiance différente teintée des mystères de l’Egypte ancienne avec la nouvelle L’Urne de Râ. La jeune Gabrielle Châtelet a trainé sa famille au musée du Louvre et s’éloigne du groupe ébahie par la beauté des objets présentés. Elle se retrouve alors seule et menacée par un inconnu étranger. Mais Suzanne sa gouvernante intervient et Gabrielle croit l’avoir vu utiliser de la magie. Lors de l’interrogatoire de la police, Suzanne dément et Gabrielle passe pour une jeune écervelée mais la jeune fille est têtue et bien décidée à comprendre. Les voilà bientôt à la recherche d’un artefact mystérieux et confrontée à des envoyés du monde féérique d’Ambremer. Une nouvelle à l’ambiance Egypte mystérieuse très réussie et l’occasion de voir des fées en action. La création de nouveaux personnages fonctionnent très bien et on en aimerait plus. 

Ambiance différente pour la nouvelle de Sylvie Poulain, Les Révoltés d’Argecimes. Nous sommes le 21 juin 1911 et la foule se presse pour observer une course d’avions. Mais soudain Elisabeth d’Arbois, magicienne du cercle de Cyan, voit son adversaire elfe Yannaël Valanis avec qui elle avait parié sur le résultat de la course, foncer avec son appareil sur la tribune principale. Le crash est terrible et Lizzie veut comprendre ce qui est arrivé… et ce qui relève de la politique en Outremonde.

^{Benjamin Lupu et Catherine Loiseau au salon du fantastique (Paris, novembre 2019)}

Les Portes de l’Outremonde est un récit de Benjamin Lupu, un auteur à suivre. Alors qu’il rentre tranquillement chez lui, le mage Griffont trouve une vieille dame l’attendant dans son salon. Le cas qu’elle lui soumet est particulier et concerne un certain Rodin. Griffont est intrigué. En parallèle le voici invité par l’ancien ambassadeur d’Ambremer à une soirée mondaine…L’art est dangereux parfois. Avec des dialogues croustillants et une intrigue surprenante, l'auteur nous offre une nouvelle palpitante dans cet univers. 

Etienne Tiflaux est un détective changelin et il enquête sous la plume de Bénédicte Vizier. Cette fois, il est chargé de retrouver la fille d’un magicien. La jeune femme s’intéresserait à la médecine draconique… Une intrigue où apparaissent des guest-stars comme Moriarty ou Tesla. On y découvre aussi l’avantage d’enquêter quand on est un changelin !

La dernière nouvelle est courte et dense. Sous les ponts de Paris est écrite par Pierre Pevel et clôt parfaitement ce recueil. Il y est question de troll vivant sous ces fameux ponts et prélevant au passage leur part de butin sur les mécréants.

Sous la direction de Pierre Pevel, de jeunes plumes se lancent dans cet univers passionnant et c’est une excellente initiative ! Les nouvelles sont riches, composées de plusieurs chapitres. Une belle occasion de découvrir Le Paris des Merveilles au travers de plusieurs voix.