Entretien avec... Christian Namèche
Créateur de éditeur du jeu Invocateurs
Une autoédition d’un jeune auteur belge, Christian Namèche. Il signe son premier jeu Invocateurs, un croisement entre le jeu de rôle et le jeu de plateau. Voilà de quoi réveiller notre curiosité de magicien du dimanche autour d’une table. L’homme très prolixe dans ses propos nous révèle tout sur son jeu. Très instructif pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’autoédition de leur jeu.
Amaury L. : Bonjour Christian, pouvez-vous vous présenter ?
Christian Namèche : Je suis un belge francophone, né en 1980 à Bruxelles et je vis en Wallonie depuis ma plus tendre enfance. Hé, oui ! Je viens d’atteindre la trentaine depuis peu de temps… je ne sais pas si c’est l’âge de la raison ou l’inverse ; mais là, on peut dire que je me suis lancé dans une aventure un peu folle en réalisant mon rêve : celui de transformer le projet, qui me colle à la peau depuis plus de quatre années, en un produit concret. Actuellement, je suis indépendant et je vends « Invocateurs » depuis 5 mois seulement… A la base j’ai une formation bien différente : neuropsychologue clinicien.
Bref, au lieu de soigner les humains, je leur procure des émotions avec mon jeu.
Christian Namèche, créateur et éditeur du jeu Invocateurs.
Amaury L. : Avez-vous des passions ?
Christian Namèche : Des passions, j’en ai beaucoup… à tel point qu’il m’est difficile de m’ennuyer ! La géographie, l’histoire, le cerveau, le sport (tennis, squash), la télé (films, sports & débats), l’Art Fantastique et bien entendu les jeux… des jeux vidéo-PC, aux jeux de plateau en passant par les jeux de carte, dès qu’il y a un soupçon de compétition avec des amis, des inconnus ou une « intelligence artificielle », j’apprécie me lancer dans la « bataille des neurones » et du hasard.
Amaury L. : Vous considérez vous comme un joueur ?<
Christian Namèche : Bien sûr, je suis un joueur passionné. Le jeu apporte tellement sur le plan intellectuel et social notamment avec les jeux de société. En tant que neuropsychologue, je peux vous affirmer que la plupart des jeux développent l’apprentissage et un grand nombre de compétences cognitives telles que l’attention, la mémoire, le calcul, la psychomotricité, le langage, la lecture, les prises de décisions et j’en passe… bref, le raisonnement est souvent mis à l’honneur dans un bon jeu.
A partir de mon adolescence, j’ai eu ma période jeux PC avec Diablo II, Baldur’s Gate II, Neverwinter Night II, Warcraft III, Age of Mythology, Morrowind. Les jeux vidéo (sport, baston, vitesse) ont pris le dessus sur les jeux de société et parallèlement les « livres dont vous êtes le Héros », où vous devez constamment faire un choix, m’ont littéralement transporté vers l’univers Fantastique. Ces livres pour adolescent m’ont très certainement aiguillé vers des jeux plus complexes comme Héroquest ou Magic the gathering que j’ai appréciés et pratiqués de 13 à 18 ans…
Ces jeux et la lecture d’ouvrages Fantastiques (dont le Seigneur des Anneaux) m’ont définitivement plongé dans l’atmosphère des jeux de rôle où le thème Médiéval Fantastique est omniprésent tel que Donjons & Dragons.
Mais dans mon subconscient, j’avais un rêve d’enfance à réaliser : créer mon jeu de plateau idéal.
Amaury L. :Invocateurs est disponible depuis 2010, est-ce votre premier jeu ?
Christian Namèche : J’ai reçu les 350 premières boîtes le 1er avril 2010, c’était mon premier jour en tant qu’indépendant ! Ensuite, il m’a fallu stocker et assembler ces premières boîtes pour satisfaire l’appétit de mes premiers clients Invocateurs. Oui, c’est mon premier jeu. Ensuite, Invocateurs a été édité en mille exemplaires en tout. C’était en quelque sorte le meilleur rapport « prix-quantité» avec une possibilité de les vendre par moi-même. Au-delà de ce chiffre, sans l’aide d’un distributeur ou d’un éditeur professionnel, je pense que la tâche devient homérique, sans oublier le stockage. De plus, une production inférieure à mille jeux, le prix unitaire devient beaucoup trop élevé.
Amaury L. : Quelle est l’univers du jeu Invocateurs ?
Christian Namèche : Le jeu « Invocateurs » est une confrontation entre 4 Mages spécialisés dans l’invocation de 8 Personnages Fantastiques. C’est dans l’Invoke stadium, l’arène d’Invokia, que le gouvernement de l’Île Continentale va se décider. Dans « Invocateurs », les joueurs incarnent à tour de rôle l’un des 4 demi-finalistes du carré final du tournoi. Le but est d’éliminer l’Invocateur ou les Invocateurs adverses du plateau de jeu : en d’autres termes, se creuser les méninges pour obtenir le plus de chances de victoire. Invocateurs est un jeu de hasard qui est déterminé par des dés. Même les meilleurs stratèges peuvent perdre l’une ou l’autre partie, dû à la malchance. Mais ce hasard procure beaucoup de rebondissements auxquels tous les joueurs devront constamment s’adapter en cours de partie. Voilà pourquoi, c’est un hasard contrôlé à la fois par l’expérience du joueur et par la probabilité de réaliser une action particulière.
Amaury L. : Quand avez-vous débuté le processus de création ?
Christian Namèche : Juste après mon Master en neuropsychologie à Louvain-la-Neuve en 2006. La création des règles m’a pris une année et c’est l’étape la plus difficile. Vous partez de rien et vous devez parvenir à un ensemble cohérent et sans faille qui permettra de donner de nombreuses heures de plaisir aux joueurs. Partir du néant pour obtenir un ensemble coordonné, c’est très complexe.
A la base, je voulais créer le jeu idéal à mes yeux pour mes proches et mon amusement personnel… sans aucune prétention d’édition. Je n’y pensais même pas une seconde durant cette première année de formulation des règles.
Amaury L. : Pouvez vous expliquer le processus d’édition ?
Christian Namèche : L’édition comporte de nombreuses étapes, le test des règles (500 à 1000 parties au minimum), le développement graphique (infographie, illustrations,…), l’écriture du livret, le site Internet, la recherche de fabricants, l’assemblage, les démonstrations, la vente, la distribution. Tout cela est difficile car je ne suis pas un éditeur professionnel, le marketing me fait défaut par exemple. Chacune de ces étapes peut prendre entre 500 et 2000 heures de travail. De plus, il faut protéger votre produit sur le plan juridique.
Amaury L. : Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
Christian Namèche : Premièrement, il faut trouver un testeur acharné avec qui jouer sans relâche pour analyser la qualité et la cohérence des règles. Grâce à Fabrice Cochez le premier testeur du jeu et ami d’enfance, je me suis lancé dans l’aventure que représente le développement d’un jeu :
- trouver des artistes et avoir de l’imagination pour orienter un illustrateur (36 personnages) & un infographiste (plateau & logo) et ainsi développer graphiquement le jeu selon mes choix.
A titre d’exemple : pour la conception des 36 personnages du jeu, j’ai écrit 120 pages de détails pour décrire à l’illustrateur Thibaut Zwaenepoel mes souhaits (soit 3 pages en moyenne par personnage). Ce peintre d’origine flamande possède un talent formidable dans les mains et il adore l’Art Fantastique… cela se voit dans les 36 Personnages du jeu Invocateurs. J’ai eu beaucoup de chance de travailler avec lui.
- obtenir un minimum de publicité et de transparence en développant un site web. Il a fallu engager un Webmaster maîtrisant le codage informatique.
- analyser les coûts de production et donc trouver un fabricant et le financement. Vincent Sélenne, directeur d’Art of Games, est une personne ressource dans le monde francophone pour ceux qui souhaiteraient concrétiser leur projet d’autoédition dans ce domaine et sa production minimale est de mille exemplaire. Fort de ces quinze années d’expérience, il m’a fabriqué la partie principale du jeu à bon prix. Ensuite, j’ai dû trouver des fournisseurs de dés et de plastique en Europe et aux Etats-Unis… Et enfin, assembler quelques 222.000 pièces pour savoir ce que je vends aux clients (contrôle de qualité à mon niveau).
Pour mener à bien toutes ces étapes, un autoéditeur doit posséder un peu des quatre « T », Tune, Temps, Ténacité, Talent.
Amaury L. : Pourquoi avoir choisi l’autoédition ?
Christian Namèche : A partir du moment où vous décidez de développer le graphisme, les illustrations, l’écriture des règles, le design de la boîte… par vous-même, vous devez prendre conscience que vous vous dirigez vers l’autoédition. Sans oublier que se faire éditer relève plus du privilège que de la simple volonté dans ce domaine artistique ! La plupart des jeux qui ont cette chance ont remporté un concours réputé ainsi l’éditeur va minimiser le plus possible ses risques. De plus, la fabrication de prototypes et leur envoi à des concours ou à des éditeurs professionnels sont relativement coûteux ! Et mon envie d’aller jusqu’au bout du projet par mes propres moyens était tellement grande que j’ai continué ma route jusqu’à l’autoédition. Désormais, lorsque je regarde la boîte du jeu et son contenu : j’en suis fier… Mais, sans le talent des deux artistes et du soutien de mes proches je n’aurais pas pu atteindre ce but.
Amaury L. : Avez-vous présenté votre jeu à des éditeurs professionnels ?
Christian Namèche : Je l’ai présenté à deux grands éditeurs en France avant de me lancer dans le développement complet du jeu et finalement de l’autoéditer en 2010.
Amaury L. : Faites vous des salons spécifiques au jeu ?
Christian Namèche : En 2009, j’ai présenté avec un certain succès le prototype d’Invocateurs à la 4ième Fantastique Convention des jeux du Festival Trolls & Légendes organisé à Mons Expo en Belgique. Plus de 45 joueurs en un week-end ont pu apprécier les arcanes de ce jeu de plateau. Cette année, je suis allé animer le stand Invocateurs au Festival Celtique des Anthinoises en province de Liège et lors de la Convention Day organisée à Lille dans le Nord-Pas-de-Calais.
Amaury L. : Où pourrons-nous vous voir ?
Christian Namèche : Je peux déjà vous conseiller deux événements ludiques incontournables pour les amateurs de jeux qui auront lieu dans les mois à venir en Belgique.
Le Festival en jeux se tiendra à Court Saint-Etienne les 27 et 28 novembre 2010, au PamEXPO à 4 kms de Louvain-la-Neuve. Ce lieu idéal sera le siège de la 5ième Fantastique Convention des jeux organisée depuis 5 ans par Olivier Joiris.
Je serai présent les 22, 23 et 24 avril 2011 à Mons Expo pour la fameuse Trolls et Légendes qui ouvre à nouveau ses portes aux visiteurs férus de l’Art Fantastique : dessins, concerts, jeux, combats, GN, bières Trolls...
Par ailleurs, je participe à des foires artisanales - médiévales, je vais dans les magasins spécialisés ou dans les communautés de joueurs… les rendez-vous publics sont notés sur mon site Internet dans l’onglet News.
Invocateurs au festival Trolls et Légendes 2010.
Amaury L. : D’autres projets en cours ?
Christian Namèche : J’ai des idées mais actuellement je ne souhaite pas m’aventurer dans un tout nouveau projet. En fait, la création de A à Z d’un jeu de société implique tellement de temps et d’effort que je ne peux pas me permettre de me lancer dans cette aventure parallèlement à l’autoédition d’Invocateurs, excepté si un distributeur important se charge de promouvoir et de vendre Invocateurs dans les différents magasins en France et en Belgique francophone. Il est évident que si le jeu Invocateurs fonctionne bien sur le plan financier, j’ai une extension déjà prête dans mon esprit avec 36 nouveaux Personnages et de nouvelles statistiques moins abruptes qui raviront de nombreux joueurs…
Amaury L : Merci Christian pour cette interview très enrichissante et bonne invocation à vous et aux futurs invocateurs.
Vous pouvez trouver des informations supplémentaires sur Invocateurs en cliquant sur les liens ci-dessous :
La fiche du jeu sur Scifi-Universe
La critique du jeu sur Scifi-Universe
Le site Internet de Invocateurs
Publié le lundi 1 novembre 2010 à 09h00
Fiches de l'encyclopédie de la SF en rapport avec l'article
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Invocateurs
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