Entretien avec Yann Lefebvre
Le créateur de Crimes nous parle de son jeu

Exil, Essentia, et maintenant Crimes, la gamme 2006 des jeux de rôle français de jeunes auteurs indépendants est d’une extraordinaire richesse. Après notre entrevue avec l’auteur comblé et ex-staffeur SFU Emmanuel Gharbi (Exil et Final Frontier) et avant une éventuelle rencontre avec Guillaume Gourvil (auteur de Essentia), c’est vers Yann Lefebvre que je me suis tourné, le très sympathique concepteur d’un jeu de rôle atypique : Crimes.


Bastable : Bonjour Yann, pourrais-tu te présenter aux internautes de SFU, quel est ton cursus scolaire et professionnel ?
Yann : Cela fait environ une quinzaine d’années que je pratique le jeu de rôle, mais Crimes est réellement le premier projet qui a l’honneur d’être édité. Crimes est un peu issu d’une déformation professionnelle car dans la vie « normale » je suis professeur d’Histoire. C’est en effet un jeu de rôle horrifique qui se déroule à la fin du 19ème siècle avec un gros background et aussi un certain nombre d’effets littéraires.
Bastable : comment s’est passée la genèse au niveau de l’édition et de la distribution ?
Yann : à l’origine c’est un jeu amateur qui a été présenté à bon nombre e conventions. Ensuite, on a proposé le jeu aux sélections de la BAP (ndb : Boîte à Polpette) puis, après un petit divorce assez mouvementé, on a frappé à la porte de Caravelle qui est un nouvel éditeur sur Saint-Etienne et qui s’est en fait monté parallèlement au jeu.
Bastable : D’accord… Mais alors Crimes, c’est quoi ?
Yann : Crimes c’est bon et il faut en manger beaucoup (rire)… C’est un jeu d’ambiance et d’horreur qui se situe à la fin du 19ième siècle. Il n’y a pas de tentacules comme dans Cthulhu, il ne sent pas le souffre comme Maléfices, il est très très axé sur la réalité historique et on y décrit autant de l’horreur sociale que du fantastique comme le ferait Maupassant.
Bastable : je vois, c’est vraiment un jeu axé sur l’ambiance.
Yann : oui, tout à fait, les jets de dés sont particulièrement rares, le jeu est principalement axé sur l’interprétation des personnages.
Bastable : C’est donc, à mon avis, un jeu qui s’adresse principalement à des joueurs expérimentés, loin de la clientèle de D&D. Cela réduit quand même considérablement la capacité du réservoir de joueurs.
Yann : Alors, en ce qui concerne le meneur, je pense qu’il est indispensable d’être expérimenté mais pour les joueurs, cela n’est pas essentiel. Nous avons effectués quelques parties avec des joueurs qui, à la base, ne sont pas des rôlistes. Elles se sont orientées vers une sorte de conte interactif et cela s’est très bien passé car la plupart des personnes possèdent quand même en général de nombreuses références sur cette époque.

Bastable : quels sont les produits disponibles à la vente à l’heure actuelle ?
Yann : On a créé un livre de base, mais comme on est passé par la souscription pour le faire, on a aussi construit un petit supplément qui s’intitule les Notes de Carter qui est en fait l’envers du décor du livre de base puisque celui-ci est en fait un roman-jeu. Il y a donc toute une aventure pour poser les bases de l’univers et les Notes de Carter insistent sur ce qui se passe par rapport au personnage principal.
Bastable : comment se présente un personnage de Crimes ?
Yann : Le but est de créer un personnage issu de cette époque précise. Il y a donc quelques valeurs chiffrées mais c’est surtout la définition de ses convictions politiques, religieuses et de ses passions. Et comme on est très intéressé par tout ce qui dépend du poly état psychologique, le personnage a également des scores de névrose et de psychose qui fait qu’il peut ‘’basculer’’ facilement.
Bastable : un système de folie ? A la manière de l’Appel de Cthulhu ?
Yann : en fait, chaque acte qu’il peut faire – qu’il soit accompagné d’un jet de dés ou pas – peut faire ‘’basculer’’ le personnage. C'est-à-dire que même si le personnage réussit une action, s’il ne l’exécute pas avec une passion, une conviction, suffisante, il va être un peu névrosé et sa jauge va augmenter. Donc, n’importe quel acte a des répercutions dans le jeu. Le but est de trouver l’équilibre.
Bastable : un jeu dangereux ? Un jeu couperet ?
Yann : c’est quand même un jeu couperet pour tous ceux qui penserait que leur personnage est héroïque et ne va pas succomber aux balles qu’il peut prendre. On a vraiment tenté de coller au réalisme et il faut par conséquent essayer d’éviter les affrontements avec des armes à feu.
Bastable : Donc, le monde qui entoure les personnages est un monde historique et réaliste. Comment avez-vous introduit les éléments fantastiques ?
Yann : on prend tous les thèmes historiques et on essaie d’y trouver un travers. Par exemple, les monstres sont des incarnations de ces thèmes là. On essaye aussi de recourir à toutes les légendes urbaines, comme pour le cadre de la ville de Paris. On peut donc avoir une partie de Crimes qui se déroule dans un environnement complètement réaliste mais les personnages ne le sauront pas forcément. Ils pourront penser qu’il s’agit d’un songe, d’un cauchemar, une possession hypnotique, et il seront toujours sur cette ‘’inquiétante étrangeté’’ qui fait qu’il ne sauront pas à quel saint se vouer.

Bastable : cet aspect alambiqué confirme ton avis déclarant que le meneur doit être un rôliste expérimenté.
Yann : oui, tout a fait. C’est un peu la rançon à payer, mais les scénarios sont en général accompagnés de pas mal de conseils qui permettent de mieux appréhender cet univers.
Bastable : il y a un scénario dans le livre de base ? Tu déclares que le livre de base est un roman-jeu. Peux-tu nous éclairer sur le concept ?
Yann : pour expliquer l’univers, plutôt que faire un cour d’Histoire - une chose que je fais tout les jours et que je finis par trouver ennuyeuse -, nous avons décidé de romancer cela. Tous les archétypiques décris dans la règle vivent dans cette histoire. On a toujours un va et vient permanent entre la partie roman et la partie règle. On pose le cadre de l’univers et lorsque c’est nécessaire on explique les règles pour créer le personnage et pour mener l’aventure.
Bastable : alors, il y a un scénario ?
Yann : pas un seul (rire). Nous avons été généreux, il y en a trois qui composent une campagne complète.
Bastable : une très bonne initiative…
Yann : le but de cette campagne est par exemple d’éviter de choper la tourista en Egypte et accessoirement de traquer une momie.
Bastable : oula, je devine là une touche d’humour noir…
Yann : oui. Je pense qu’il est important pour tous les jeux d’horreur qu’il y ait ces petites poses humoristiques et on essaye également de donner aux joueurs des difficultés basiques comme, par exemple, payer son billet, organiser son voyage, bref tous les détails historiques de la vie de tous les jours au 19ème siècle. L’horreur n’est pas uniquement vécue que par les monstres.
Bastable : des suppléments à venir ?
Yann : oui, un écran, puis des suppléments cartographiés sur la ville de Paris, et on espère construire une nouvelle campagne qui expliquerait les causes de la première guerre mondiale.
Bastable : merci Yann, et bonne chance à Crimes et à Caravelle..

Auteur : Nicolas L.
Publié le lundi 15 janvier 2007 à 03h50

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Commentaires sur l'article

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    salut moi aussi je m'appelle yann lefebvre je suis née a noyon en 1992 ^^ voila juste un bonjour (en plus j'aime bien l'histoire et suis fan de jeu de role sur Pc ^^)
    yann, le 22 octobre 2008 21h52
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    Cher homonyme, enchanté !
    comme quoi, il n'y a pas que le nom que nous partageons !
    Yann Lefebvre, le 24 janvier 2009 18h01

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