Critique Ninja Turtles : Teenage Years #1 [2023]

Critique de la version française.

Il existe des licences dont on a l'impression qu'elles ne cessent de renaître sur nos écrans que cela soit au cinéma comme à la télévision. Parmi cette liste il y a Les Tortues Ninja qui reviennent une nouvelle fois nous raconter leurs débuts via le film d'animation Teenage Years.

Sans revenir sur la créations des Tortues Ninja en comics par Kevin Eastman et Peter Laird, il faut savoir que la licence appartient à Nickelodeon depuis l'an 2000. Cela permit de développer plusieurs séries animées (dont la dernières de 2018 eut même le droit à sa suite en film sur Netflix) et surtout plusieurs films. D'abord le sympathique film d'animation Les Tortues Ninja en 2007 puis les deux reboots live produits par Michael Bay en 2014 et 2016 aux qualités assez discutables malgré un premier opus tenant la route. A la faveur d'un changement de direction à la tête de Nickelodeon en 2018, il fut décidé d'un nouveau reboot en faisant appel au duo Seth Rogen & Evan Goldberg. Les deux américains sont connus pour leurs comédies faisant souvent la part belle aux adolescents tout en flirtant avec les limites du bon goût que cela soit avec SuperGrave, C'est la fin, L'Interview qui tue ou encore Sausage Party... Les deux compères souhaitent vraiment insister sur le côté adolescents des quatre héros s'entourant ainsi de plusieurs scénaristes pour donner vie à leurs idées dont le réalisateur choisi pour orchestrer l'ensemble : Jeff Rowe (qui sera finalement épaulé par Kyler Spears). Il vient par ailleurs de sortir du succès du très sympathique Les Mitchell contre les machines dont il va transposer la folie mais aussi la direction artistique dont on reparlera. Malgré un tâtonnement constant concernant l'histoire, le film fut produit assez rapidemment au sein des bureaux canadiens et parisiens de Mikros Animation (Astérix - Le Secret de la Potion Magique, La Pat'Patrouille : Le film...) aidés par les Canadiens de Cinesite (La Famille Addams, Samouraï Academy...). Avec un budget s'élevant au final autour de 70 millions de dollars, le film sort sur nos écrans en août 2023 et aurait déjà raflé le double de sa mise moins d'un mois plus tard validant de fait une suite déjà annoncée.

Le film se déroule à New-York mettant d'abord en scène les machinations d'un centre de recherche (le TCRI) disposant de sa propre armée et dirigé par Cynthia Utrom. Elle est à la poursuite des travaux du scientifique Baxter Stockman qui a créé un fluide faisant muter les animaux en êtres humanoïdes puissants. Lors de l'opération, Baxter est éliminé, ses travaux volés mais son prototype de mouche réussit toutefois à s'enfuir avec les autres cobayes. Durant l'opération, une fiole de fluide se déverse dans les égouts sur  quatre frères tortues et un rat qui passaientt par là. Les voilà transformés devenant une famille où un rat adulte nommé Splinter élevant quatre tortues (Leonardo, Raphael, Michelangelo et Donatello) bientôt fascinées par le monde des humains. Une nuit, Splinter tente une sortie avec ses garçons qui se termine rapidement devant une foule paniquée et violente. Ce qui pousse le père à entraîner ses fils aux arts martiaux comme au maniement des armes leur inculquant une méfiance extrême envers les humains. 15 ans ont passé depuis leur mutation et les tortues adolescentes sont encore plus attirées par l'extérieur. Lors d'une soirée, il font accidentellement la connaissance de la lycéenne apprentie journaliste April O'Neil avec qui ils sympathisent. Avec elle ils vont élaborer un plan pour se rendre sympathiques au yeux de la société afin de s'y intégrer : faire la lumière sur les étranges vols de technologie perpétrés par des syndicats du crime semblant obéir à un certain Superfly dont personne ne sait vraiment qui il est...

Si le film est globalement une réussite, il souffre néanmoins de quelques défauts à commencer par son scénario qui sent quand même beaucoup le réchauffé. Certes ça ne sera pas vraiment un problème si vous découvrez complètement la licence mais pour des gens la suivant depuis plus de 35 ans on ne compte plus les fois où l'on s'est vu raconter les débuts des Tortues Ninja. Et même s'il y a quelques variantes, c'est globalement la même histoire. De même, certains passages comme thématiques abordées vous feront forcément penser aux versions précédentes à commencer par le film de 2014 pour ne citer que le reboot le plus proche. D'un côté cela permet de voir à quel point Rogen, Goldberg et Rowe ont été fidèlse à la licence qu'ils semblent vraiment respecter. On ne peut toutefois s'empêcher de voir qu'on est devant un film hollywoodien qui ne fait que répéter ce qui a déjà été fait. Notamment cette thématique de la famille qui est souvent utilisée dans les Tortues Ninja se voyant ici bien plus poussée. On retrouve ainsi les dynamiques parfois compliquées entre les 4 frères ayant du mal à accepter le statut de leader que se donne Leonardo ou ne comprenant pas ce curieux attrait pour la violence qu'éprouve Raphael. Splinter devient pour sa part un père aimant bien trop étouffant et protecteur plongeant parfaitement le film dans la catégorie des teen movies (ou coming-of-age films pour faire plus respectable). L'idée de famille est aussi au cœur du personnage de Superfly et des mutants autour de lui entraînant des situations intéressantes tant pour les tortues que pour Splinter. Le film insiste aussi sur cette envie que peuvent avoir les adolescents à vouloir s'intégrer au monde adulte notamment à travers le personnage de April O'Neil en décalage avec les autres lycéens. Des thématiques pas forcément novatrices mais bien traitées apportant un réel fond au métrage.

Malgré un scénario trop classique, le film reste quand même un divertissement aussi efficace qu'agréable toujours très bien rythmée réussissant bien à gérer ses moments calmes tout en étant rempli d'humour et d'action s'avérant plaisants. Les scénaristes et le réalisateur ont aussi réussi à bien imprimer leur patte sur la licence puisqu'on retrouve l'humour très poussé flirtant souvent avec le mauvais goût pour ce qui est du duo Seth Rogen/Evan Goldberg avec un côté crade assumé tout en restant dans les clous d'une production familiale (on est pas dans Sausage Party...). Et cela permet de se rapprocher un peu des comics originaux qui n'étaient clairement pas pour les plus jeunes. On peut ne pas apprécier ce genre d'humour mais force est de constater qu'il fonctionne. Ensuite, Jeff Rowe a beaucoup repris la direction artistique des Mitchell contre les machines à savoir ce mélange d'animation en images de synthèse sur laquelle a été appliqué une sorte de patine 2D. Et ici il est totalement assumé d'avoir un aspect plus brouillon comme si des concepts arts et des dessins préparatoires prenaient vie dans une DA aussi proche des comics. Cela donne notamment des mutants qui sont des bizarreries totalement improbables leur donnant de fait un certain cachet faisant d'eux la principale nouveauté de ce reboot car les films précédents n'ont jamais été aussi généreux à ce niveau. Néanmoins, il faut quand même avouer que ce côté brouillon est parfois un peu forcé avec des traits et ratures à outrance ou la volonté manifeste d'offrir des visages asymétriques pour les humains. Bref, on peut quand même penser que l'exercice de style atteint parfois ses limites. De plus, il se fait de moins en moins original car il est souvent repris depuis Spider-man : The New Generation notamment par le précédent film de Rowe mais aussi par des productions plus ambitieuses comme Le Chat Potté 2 récemment. Certes pas aussi poussé...

En tout cas Jeff Rowe poursuit ses obsessions de mélange entre animation 3D et aspect 2D se révélant une nouvelle fois un chef d'orchestre très capable notamment en ce qui concerne la comédie mettant en scène une famille dysfonctionnelle. Il réussit toujours à rendre justice à ses personnages tout en faisant preuve d'une maîtrise de la comédie comme de l'action ici largement inspirée des films de Jackie Chan (voix de Splinter en VO) qui reste un modèle en ce qui concerne l'action rigolote. Rowe maîtrise aussi mieux le rythme de son film réussissant à avoir plus confiance en ses moments calmes évitant la surenchère de son précédent film. Il dirige donc une production de qualité qui reste toujours bien digeste pour tous les spectateurs tout en rendant  attachants ses héros. Pour ce qui est de la version française, elle est globalement de qualité malgré la volonté d'un phrasé "jeune" assez forcé parfois où s'empile aussi les références de manière un peu arbitraire en voulant le plus possible parler au public français. Les doublages sont effectués par des professionnels en la matière (notamment les tortues) à côté desquels on retrouve des acteurs confirmés comme Gérard Darmon en Splinter mais aussi quelques star talents pour les mutants dont le rappeur Sofiane pour Superfly. Une version française qui pourra avoir ses détracteurs mais globalement, le casting est solide.

On vous le conseille si vous aimez Les Tortues Ninja (1987), Les Tortues Ninja (2014), Les Mitchell contre les machines...