Critique Superman : Red Son #1 [2005]
Avis critique rédigé par Bastien L. le samedi 1 mars 2025 à 09h00
Staline
Parmi la pléthore stratosphérique de récits mettant en scène Superman, il en existe qui décident de transformer complètement cet univers que l'on connaît si bien. Un des plus célèbres est sans conteste Superman : Red Son.
Il s'agit d'une mini-série en trois longues parties sortie en 2003 et prenant part à la collection Elseworlds de DC Comics. Cette collection propose des récits mettant en scène les plus grands héros de l'écurie DC qui sont en dehors des continuités officielles. Surtout des mini-séries où les créateurs disposent de plus grandes libertés artistiques afin de mener à bien les idées qui s'apparentent souvent aux séries « What if... » de chez Marvel. C'est notamment le cas de Superman : Red Son qui imagine tout un récit se déroulant durant la Guerre Froide où Superman n'est pas américain mais soviétique. A cette époque, son scénariste écossais Mark Millar est connu pour ses participation à des licences telles que Judge Dredd ou Vampirella avant de travailler pour DC Comics sur des personnages comme Flash ou Batman mais aussi la série Superman Aventures (1996-2002) se déroulant dans le même univers que la série animée Supeman, l'Ange de Metropolis. Il a aussi créé sa première série The Authority en 2001 faisant de lui un scénariste ayant clairement le vent en poupe. Pour Superman : Red Son, il concrétise un projet qui a mûri dans sa tête depuis les années 1970 et dont il avait déjà réalisé un premier jet au début des années 1990. Il peut ainsi donner vie à ses visions une décennie plus tard étant accompagné aux dessins par Dave Johnson et Kilian Plunkett (Les Ombres de l'empire...). La mini-série fut à sa sortie aux Etats-Unis un succès autant critique que public et il faut attendre 2005 pour la voir éditer en France chez Panini. Depuis, Urban Comics en a repris les droits à travers plusieurs éditions dont celle à 4,90 euros sortie à l'été 2020 après le premier confinement. Une édition qui est celle ici critiquée et qui comprend deux histoires bonus qu'on vous présente plus bas.
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Le récit débute au début des années 1950 alors que les Etats-Unis se réveillent en pleine stupeur : le président Eisenhower révèle à sa nation l'existence d'un super-homme du côté de l'URSS de Staline. Son existence permet à l'URSS d'avoir une avance considérable dans la lutte face à l'ennemi yankee. Le président américain demande alors de l'aide au génial inventeur Lex Luthor, marié à la reporter Lois Lane, Ce Superman soviétique va vite devenir le sauveur de sa patrie mais aussi du monde luttant grandement contre les catastrophes et sauvant d'incalculables vies. Mais tout ne sera pas de repos pour le héros qui n'entend pas rentrer dans les intrigues politiques soviétiques mais dont l'existence rabat les cartes au pouvoir notamment parce que Staline ne sera pas éternel. De plus, les Etats-Unis n'auront de cesse de vouloir le battre ou l'égaler, à travers Lex Luthor, tandis que la contestation existe bel et bien en URSS. A l'image de Piotr Roslov, chef du NKVD et fils illégitime de Staline, pensant que son heure était venue. On va donc suivre la vie de ce Superman soviétique des années 1950 aux années 2000 où des figures historiques connues comme des personnages de l'écurie DC Comics seront de la partie.
Si Superman : Red Son est une lecture si plaisante c'est parce que l'histoire de Mark Millar est aussi ludique qu'intelligente. Ludique car en tant qu'uchronie qui se respecte, elle nous permet de nous amuser à comprendre les changements et trouver les références transformant l'Histoire d'un événement, la Guerre Froide, bien connu. Mais à cela s'ajoute aussi le plaisir à voir comment l'univers DC Comics s'adapte à un Superman soviétique tout en voyant apparaître des noms connus. L'exemple le plus parlant reste la manière dont Superman est traité comme une arme atomique représentant ainsi une étape de plus dans la confrontation et la surenchère militaire entre les Etats-Unis et l'URSS. Sauf qu'ici Superman semble être une étape infranchissable et inégalable dans la course à l'armement. Mark Millar mélange parfaitement les éléments propres à la Guerre Froide afin de magnifier son récit assez riche en thématiques sérieusse. Notamment en ce qui concerne la gouvernance avec la figure du despote éclairé représenté par Superman ou l'idée que les utopies peuvent rapidement se transformer en dystopies... Il reprend à fond l'idée que Superman forme une sorte d'idéal mais que tout idéal dispose néanmoins de ses parts d'ombres.
Tout cela se fait avec une volonté constante de transformer l'univers partagé des héros de DC Comics avec de nombreuses apparitions et autres clins d'oeil. Outre Lex Luthor déjà cité, on peut aussi voir de nouvelles versions de Wonder Woman ou de Batman ainsi que d'autres dont on vous laisse la surprise. Superman n'est donc pas le seul super-héros/super-vilain du récit et on a le droit à de nombreux affrontements. Mark Millar a aussi l'intelligence de ne jamais oublier qu'il écrit un comics de Superman nous apportant donc notre lot d'action comme de science-fiction avec un affrontement à distance entre l'homme d'acier et Lex Luthor. Le récit se lit de manière très fluide car l'histoire est bien rythmée et offre beaucoup de surprises comme de suspense la rendant très prenante. Tout n'est pas parfait néanmoins car il reste difficile de vouloir dérouler près de 60 ans d'histoire en 150 pages. Le début du livre 2 est par exemple assez confus. Les personnages sont attachants globalement et Superman s'avère très intéressant car assez complexe. Néanmoins certaines caractérisation manque clairement de subtilité comme de contextualisation à l'image de l'introduction de Lex Luthor pouvait presque apparaître comme ridicule.
Pour ce qui est des dessins, il faut savoir que le récit se divise entre trois parties (appelées « livres ») avec Dave Johnson s'occupant de la première tandis que Kilian Plunkett œuvre sur la troisième. La passation se fait pendant la second partie mélangeant leur travail. Les deux artistes ont des styles assez compatibles et la jonction se fait aussi grâce au travail du coloriste Paul Mounts. Ce dernier a bien sûr utilisé comme il se doit la couleur rouge tout en sachant très bien travaillé les ambiances notamment lors des scènes clés. Johnson et Plunkett se sont aussi fait plaisir en transformant les personnages DC Comics à la sauce Guerre Froide selon le camps dans lequel ils se trouvent. Ils s'amusent aussi avec les personnages historiques dont un John F. Kennedy ayant eu le droit de vieillir. Ils proposent aussi de belles pleines-pages dont certaines transformant des couvertures iconiques des aventures de l'homme d'acier en les intégrant parfaitement à l'histoire ici racontée. On apprécie aussi le mélange entre les poses super-héroïques typiques des comics américain mélangées à la manière dont l'art soviétique représentait les figures populaires via des statues ou autres. Sans oublier d'intégrer Superman à la propagande soviétique offrant de beaux passages. L'évolution des personnages comme des lieux tels que Moscou ou Metropolis sur 60 ans fonctionnent bien aussi. Tout n'est pas malheureusement parfait notamment en ce qui concerne Dave Johnson pas toujours très à l'aise avec les visages qui sont souvent trop changeant et dont les planches manquent un peu de détails. Le travail de Kilian Plunkett est plus satisfaisant notamment lors d'un final très bien mis en scène. Mais d'un point de vue purement personnel, je ne suis pas totalement fan du style de ces deux artistes.
Comme il a été dit, cette édition de Superman : Red Son comprend deux courts récits bonus. Le premier, Qu'est ce que la vérité, la justice et l'idéal humain ont de si drôle ? est l’œuvre du scénariste Joe Kelly accompagné aux dessins par Doug Mahnke et Lee Bermejo. Datant de 2001, le récit est une issue de Action Comics mettant Superman face à un nouveau groupe d'antihéros The Elite, dont leur leader Manchester Black, créés pour l'occasion. Ce récit représente une sorte de débat de la communauté comics de l'époque entre partisans de héros à l'ancienne (Superman) et partisans de comics plus matures dans la violence et le sexe comme The Authority (dont The Elite est une sorte de parodie) justement créée par Mark Millar. Et il faut s'y connaître un peu en comics pour pleinement apprécié un récit qui semble aux premiers abords très confus et un peu court pour faire exister autant de personnages en si peu de pages. Néanmoins l'ensemble s'avère intéressant confrontant les méthodes de boy-scout de Superman face à un groupe qui se prend autant pour des policiers que des juges mais aussi des bourreaux... Bref ça fonctionne notamment grâce à des dessins très efficaces par deux artistes talentueux qui auront fait parler d'eux dans de nombreuses autres œuvres.
Le second récit bonus, La Valse des pantins, date de 2015 et est l’œuvre du scénariste de films Max Landis (Chronicle...) et du dessinateur Jock. Il s'agit à la base d'une courte histoire distribuée numériquement et qui est censée nous montrer la première rencontre/confrontation entre le Joker et Superman. C'est surtout un dialogue assez cocasse entre un super-vilain et un super-héros pas vraiment compatibles alors que le Joker a piégé Metropolis avec de nombreuses bombes. Le dialogue s'avère très intéressant dans une sorte de rendez-vous raté entre deux personnages iconiques de la pop culture. Aux dessins, Jock s'amuse clairement pour rendre divertissant une histoire surtout située au même endroit. La mise en page est parfaitement dynamique et il joue avec la figure du Joker le représentant avec des visages différents comme des hommages à ses différentes versions de papier mais aussi animées ou en films. Le travail sur les ombres est aussi intéressant même si on pourra lui reprocher un Superman à la tête un peu trop changeante. Bref, un bon bonus.
On vous le conseille si vous aimez, Superman, Man of Steel, X-Men : Le commencement...
La conclusion de Bastien L. à propos de la Bande Dessinée : Superman : Red Son #1 [2005]
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Avec Superman : Red Son, Mark Millar réussit pleinement à proposer une bonne histoire autour d'un concept aguicheur : et si Superman était soviétique ? L'uchronie déroulée sur nos yeux s'avère aussi ludique qu'intelligente offrant un plaisir constant où chaque péripétie permet de réelles gourmandises. L'histoire, un peu confuse parfois, se suit avec grand intérêt car toujours bien rythmée et riche en rebondissements dignes des bons comics. Les dessins, certes perfectibles, sont au diapason dans cette transformation des héros à la sauce Guerre Froide avec de belles trouvailles comme des scènes d'action bien dynamiques.
On a aimé
- L'univers DC comics sauce Guerre Froide avec un Superman soviétique
- Une histoire très bien emmenée
- Deux artistes talentueux à la barre
On a moins bien aimé
- Parfois confus
- Dave Johnson inférieur à Kilian Plunkett
- Cela aurait mérité un récit plus long
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