Critique The Visitation [2009]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 12 avril 2010 à 18h53
Un messie chez les rednecks
La petite ville américaine d'Antioch, où se côtoient de nombreuses congrégations religieuses, est en effervescence depuis qu'elle a l'honneur d'accueillir en ses murs Brendan Nichols, un faiseur de miracles. Simple ouvrier agricole, Brendan Nichols - dont la venue fut annoncée par une série d'évènements mystiques - possède notamment le don de guérison par apposition des mains. Cependant, alors que la plupart des ses concitoyens voient en ce personnage et ses accompagnateurs une nouvelle incarnation du Messie, Travis Jordan, un ancien pasteur qui a perdu la foi depuis que son épouse est morte assassinée, est loin de céder à l'enthousiasme général. Avec l'aide d'une vétérinaire récemment arrivée de la grande ville, il va essayer de démasquer celui qu'il considère comme étant un imposteur...
Mise en forme par Robby Henson, The Visitation est un film assez difficile à apprécier en raison d'une réalisation et d'un scénario qui jouent sur deux tableaux: celui du thriller fantastique sérieux et celui de la comédie satirique. Un choix narratif et structurel qui conduit le spectateur sur le cahoteux chemin de la critique sociale - portant un très sévère regard sur la religion - non complètement assumée. Robby Henson devrait pourtant savoir qu'à trop souffler le chaud et le froid, on finit par obtenir un produit sans force, sans ressort, et surtout sans impact critique crédible.
Thématiquement, le film de Henson (au script tiré d'un roman de Frank Peretti) pointe un doigt à la fois moqueur et très critique sur la dévotion. On y voit des ouailles fanatisées, complètement dévouées à ce nouveau messie qui les a séduit, non pas par des actes de générosité touchant la communauté mais par des "miracles" ayant amélioré leur confort personnel. L'un se voit retrouver l'usage de ses jambes, l'autre voit disparaitre une cicatrice disgracieuse ou se voit soulager de ses migraines. Ce "gourou", plongé dans l'univers républicain de l'Amérique rurale, trouve son succès en satisfaisant uniquement des besoins égoïstes, en frottant dans le sens du poil l'ego de ses fidèles... Afin de mieux les manipuler et se les lier. Tout le monde - surtout les fondamentalistes, en fait - en prend pour son grade.
Pour cette diatribe, on pourrait féliciter le culot et la prise de position du cinéaste. Seulement, voilà, il n'a pas eu le cran d'aller jusqu'au bout de sa démarche. Henson dédramatise en effet le débat via l'introduction d'éléments narratifs mettant sérieusement en danger le sérieux et la crédibilité de l'ensemble. Il commence par nous présenter une population de rednecks absolument crétins, vivant une existence inintéressante sous le regard bienveillant de congrégationnistes évangéliques chamailleurs mais complices. Puis il met en scène des séances de prêche menées par Brendan Nicholas où les fidèles, via des comportements grotesques et excessifs (à la limite de l’explosion orgasmique), se ridiculisent et apparaissent comme les derniers des débiles.
Le personnage de Brendan Nichols est également construit d'une manière aberrante. S'il semble psychologiquement proche de personnages "kinguiens" comme Andre Linoge (La tempête du siècle), Randall Flagg (Le Fléau) ou Leland Gaut (Le Bazaar de l'épouvante), là s'arrête la comparaison. Improbable rejeton issu d'une véritable partouse ésotérique, ce gourou qui parvient à tromper les naïfs citoyens d'Antioch (le spectateur, lui, n'est pas dupe, tant l'homme est antipathique et ses complices peu avenants) cultive tout à la fois la magie runique, l'art mystique égyptien, la kabbale juive ou les dits de l'Eglise de l'Unification. Il ne manque plus qu'une touche de bouddhisme et le tour de manège ésotérique est complet... ah, tiens, en voilà! Bref, Brendan Nichols est à la religion ce que Rémi Bricka est à la musique populaire, les colombes en moins. Avouez que tout cela n'est pas très raisonnable...
De toute manière, l'on comprend vite, tant la perche nous est tendue avec insistance, que Brendan Nichols sent plus le souffre que l'eau de bénitier et que ce nom de scène dissimule quelque honteuse ou redoutable identité. Reste à savoir pourquoi il a choisi cette petite ville sans importance et ce qui le lie à la mort de l'épouse du héros. Cela, on le saura via l'aspect enquête du scénario, quelques séquences assez banales (recoupement de coupures de journaux, etc.) où Travis et sa nouvelle amie fouillent dans le passé de cet étrange faiseur de miracles amateur de jolies filles.
Enfin, pour finir, si la réalisation ne brille pas par son niveau de maitrise technique (et encore moins par ses innovations!), si le film est pauvre en effets spéciaux et en moments forts, le cinéphile pourra trouver une petite compensation dans l'interprétation, qui se situe à un niveau général plus que convenable. Evidemment, l'acteur le plus en vue est Edward Furlong, puisqu'il interprète - d'une manière assez convaincante - le rôle de Brendan Nichols, mais on retient aussi les performances assez intéressantes de Martin Donovan (le gentil et désabusé Travis Jordan) et surtout Richard Tyson, qui incarne un shérif dépressif et malade. Le principal rôle féminin échoie à Kelly Lynch, qui parvient à éviter le piège de la jolie cruche de service.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Film : The Visitation [2009]
The Visitation part d'une initiative intéressante et assez osée mais, par manque de courage et de suite dans les idées, il finit par aboutir a un pamphlet inoffensif et presque ridicule. Ainsi, plombé par la présence d'un humour (involontaire? On n'ose le croire) malvenu et des situations ridicules, ce thriller fantastique imposant un message critique assez pertinent se métamorphose en un grotesque n'importe-quoi à peine sauvé par un niveau d'interprétation correct.
On a aimé
- Une idée de départ intéressante
- Le niveau d'interprétation général
On a moins bien aimé
- Un diatribe qui ne s'assume pas
- Quelques séquences ridicules
- Brendan Nichols, patchwork ésotérique improbable
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