Critique Les rivages brulants [2010]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 26 août 2010 à 14h59
Conquistadores nains et cannibales à sang froid
Les formes reptiliennes fusèrent dans l'eau, surgissant autour des deux captifs dans un ragoût de museaux grouillant aux crocs tranchants, de queues et d'yeux jaunes ne cillant jamais. ils émergèrent si soudainement et silencieusement que, le temps d'une seconde, Florin les prit pour de simples fruits de son imagination. ce n'est que lorsque l'un d'eux râpa ses talons dans sa précipitation pour sortir de l'eau qu'il réalisa que ces apparitions étaient bien trop réelles...
Premier roman de Robert Earl pour le compte de la Black Library, Les rivages brûlants nous conte une histoire sortant un peu de l'ordinaire Warhammer. En effet, le romancier nous invite à accompagner une équipe d'aventuriers lancés dans une expédition en Lustrie, ce continent méconnu situé de l'autre coté du Grand Océan.
Pour construire son histoire, Robert Earl s'est grandement inspiré des récits d'aventure racontant les explorations menées par les conquistadores. On y trouve notamment nombre de similitudes avec la fameuse quête de l'Eldorado. Ainsi, Les rivages brûlants, histoire épique et dramatique dans laquelle des explorateurs occidentaux, avides d'or et de richesses, tombent les uns après les autres sous le joug d'une nature vierge et sauvage, évoque grandement Aguirre, la colère de dieu, le magnifique film de Werner Herzog.
Le héros du livre est Florin d'Artaud, de Bretonnie. Un jeune homme de bonne famille qui, poussé par des dettes de jeu dont il ne peut s'acquitter, se retrouve à la tête d'une compagnie de mercenaires embarquée pour le Nouveau Monde. Là, assisté de son domestique Lorenzo, Florin va découvrir les joies et les peines du métier d'aventurier, rencontrer des gens exceptionnels (mais aussi des sales types) et faire d'incroyables et périlleuses rencontres. Il va même être à deux doigts d'être dévoré tout cru!
Il est intéressant de noter que par son aspect atypique Les rivages brûlants peut intéresser aussi bien les fans de Warhammer que les profanes. Nul n'a en effet besoin de connaître en détail les particularismes de l'univers créé par Games Workshop pour apprécier les pérégrinations d'une équipe de chiens de guerre s'enfonçant dans une forêt vierge à la recherche d'une cité d'or oubliée. La ville de colons dans laquelle débarque Florin et ses compagnons ressemble à n'importe quel comptoir colonial africain ou américain du XVIème siècle avec sa boue, ses moustiques, ses tavernes, sa diphterie, ses putes et ses coupe-jarrets. Puis, quand, traînant leur canon, portant hallebardes et arquebuses, ils s'enfoncent au plus profond de cette foret tropicale inviolée, on pense à ces entreprises espagnoles menées dans le Yucatan et en Amazonie par de Hernandez de Cordoda, Cortés, les Pizarro, Orellana et, bien entendu, Lope de Aguirre.
Dans Les rivages brûlants, il y a des donc des cités perdues aux temples majestueux, des cours d'eau infestés de piranhas, les méfaits d'un climat humide et étouffant, des aventuriers indisciplinés et chamailleurs, une végétation luxuriante et quasi impénétrable... et des autochtones! Mais, ici, dans ce monde imaginaire peuplé de créatures fantastiques où les canons sont maniés par le peuple nain, les indigènes cannibales ne peuvent être de simples sauvages armés de sarbacanes et de javelots. Non, la Lustrie n'est pas la contrée des mayas, des aztèques, des jivaros ou des tupi-guarani mais des hommes lézards, un peuple aux moeurs tout autant sauvages, inhumains et anthropophages que leurs équivalents historiques. A cela, quelques manifestations magiques et quelques jurons faisant appel à des faux dieux se chargent de nous rappeler que nous lisons là un roman de la Black Library.
La plume de Robert Earl, traduite par Olivier Fanton, est de pure tradition anglo-saxonne, avec une très classique narration directe sans focalisation. Une écriture très simple et accessible, donc, qui, si elle a pour défaut de manquer de style, rend la lecture du texte accessible à tous. Le temps employé (passé simple et imparfait) appuie d'autant plus l'impression de récit légendaire, celui que l'on raconte au coin du feu. Une facilité qui permet à l'auteur de tourner autour de plusieurs personnages sans risquer d'égarer le lecteur. Ainsi, si le personnage central reste Florin durant la plus grande partie du roman, Robert Earl n'hésite pas à nous exposer les points de vue d'autre protagonistes hauts en couleur, comme le chef nain Thorgrimm, le brave colonel van Delt, l'excentrique mage Kereveld, le pieux sergent Orbrant et même Xinthua Tzeqal, un noble Saurus.
Fort de 390 pages, le roman ne manque pas de rythme, les situations périlleuses s'enchaînant à la manière d'un agréable récit d'aventures exotiques. Robert Earl essaie de poser une ambiance oppressante et paranoïaque, faite de longs moments de tension brusquement rompus par des explosions de violence. Il n'y parvient pas toujours, son histoire lorgnant plus du coté de la série B fauchée que du cinémascope mais le récit ne sombre jamais dans la redite et le rébarbatif. On peut toutefois regretter que l'histoire mette un peu de temps à réellement décoller. Le premier tiers du texte, consacré à nous décrire la traversée du Grand Océan et la visite du comptoir de Bourbeville, manque un peu de moments forts et de véritables surprises (une tempête, l'attaque d'un calamar géant, un duel à l'arme blanche, la routine quoi...).
La conclusion de Nicolas L. à propos du Roman : Les rivages brulants [2010]
Les rivages brûlants est l'oeuvre d'un nouveau venu au sein de la Black Library. Robert Earl, pour son premier roman, nous propose ici une histoire assez originale puisqu'elle nous amène en Lustrie afin de nous y conter une version fantasy de la quête d'Eldorado. Une histoire simple, exotique et divertissante qui, après une entame un peu trop quelconque, nous entraîne dans un univers de série B aventureuse assez sympathique faite d'attaque d'indigènes, de cités perdues et de piranhas...
On a aimé
- Un divertissant récit d'aventures exotiques
- Une plume très accessible
- Un changement de décor bienvenu
On a moins bien aimé
- Une entame un peu trop quelconque
- Un style peu remarquable
- Une histoire peu marquante
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