Critique Tanto Cuore [2009]
Avis critique rédigé par Amaury L. le samedi 25 décembre 2010 à 16h12
Au coeur de la servitude...
Propriétaire d’une maison bourgeoise réputée, engager des servantes affriolantes afin de combler vos moindres envies devient un art reconnu chez les gentilshommes rentiers. Evidemment, manifester un attachement sentimental envers vos domestiques dénote une faiblesse dont profiteront vos « amis » bien nés. Lequel d’entre vous remportera le prix honorifique de la « maison la mieux tenue du comté » ?
Servies dans une boîte rectangulaire.
Tanto cuore se présente sous un format inédit intriguant, une boîte allongée d’une vingtaine de centimètres. L’illustration de la couverture replonge dans l’univers des dessins animés japonais avec un graphisme similaire à ceux de Candy, Nicky Larson… La curiosité de découvrir le contenu suscite bien des interrogations. 280 cartes impeccablement ajustées au thermoformage attendent sagement leur délivrance. Les cartes Domestique apparaissent en grand nombre avec 32 Gouvernantes dont la principale fonction est d’apporter des points de prestige au maître de maison, 156 « Bonnes » (seize différentes) avec des compétences diverses (texte en japonais) et 10 attachées exclusivement au service du maître (toutes distinctes). Tanto cuore affiche une touche sensuelle, presque érotique avec des poses lascives et suggestives de certaines soubrettes. On termine avec les cartes Love de valeur 1, 2 ou 3 langoureusement mises en valeur par l’attitude coquine de la demoiselle. Evidemment, le personnel tombe parfois malade ou des habitants (grenouilles) indésirables envahissent la maison. Ces deux indésirables situations sont symbolisées par 26 cartes Evènement.
Des servantes attachées au maître, de l'ange à la délurée...
Des règles servies en japonais.
Un stress visible envahit l’acheteur quand il remarque uniquement la présence d’une règle en japonais et que la plupart des cartes comporte un léger texte aussi dans cette langue remarquable malheureusement absconse pour la plupart des gens vivant sur cette planète. Heureusement, une traduction en anglais des règles et de la totalité des cartes existe sur le site de l’éditeur Arclight Games (lire règles en anglais).
Attention, servantes très bizarres, avec des ailes dans le dos...
A la fin du jeu, le maître de maison avec le plus de points de prestige remporte le défi. Le jeu s’apparente énormément à Dominion (lire la critique) dans ses principaux mécanismes. Parmi les seize servantes disponibles, les joueurs en choisissent dix en concertation ou aléatoirement. Toutes les autres cartes sont placées sur la table (les chefs, les soubrettes réservées au maître, les cartes Love, les évènements).
Les cartes Love sont la "monnaie" du jeu.
A son tour, le maître pioche cinq cartes de son deck de départ (7 love de valeur 1 et 3 Colette valant 1 point de victoire). D’abord, il fait appel à l’aide d’une servante qui lui octroie un avantage technique comme piocher des cartes, appeler une autre servante, recruter (acheter) du personnel, donner un bonus à l’achat. Le joueur profite, éventuellement, de cette action pour engager définitivement auprès de lui des servantes génératrices en points de prestige. Ces cartes sont posées face visible devant le joueur dans une zone nommée « la chambre du maître ». Les effets de ces cartes ne sont plus pris en considération, et par conséquent elles ne reviennent jamais dans le deck. La phase Service accomplie, le maître entame la phase Recrutement (achat). Il emploie une soubrette contre une dépense en point d’amour (je sais c’est romantique). Chaque carte possède un coût (dans le coin supérieur gauche). Le maître utilise ses cartes Love et l’aide éventuelle procurée par une servante afin d’agrandir son harem de serviteurs. La carte achetée rejoint la défausse personnelle du joueur. Toutes les cartes restantes en main sont défaussées pour en piocher cinq nouvelles. Quand son deck est épuisé, on mélange sa défausse et on tire jusqu’à cinq cartes.
La partie s’arrête quand deux « piles » de servantes sont épuisées.
Ah l’amour rend parfois aveugle…
Dominion ne cesse de faire des émules dans le monde entier. Ce jeu enfante continuellement des dérivés plus ou moins réussis, Thunderstone (lire la critique) pour le très bon, Heroes of Graxia (lire la critique) pour le dispensable. Copier un mécanisme qui fonctionne devient une pratique extrêmement courante dans le monde du jeu, mais encore faut-il le faire intelligemment. Tanto cuore reprend à quelques détails près tout le squelette mécanique de Dominion, tout en réussissant à trouver une légitimité ludique auprès de beaucoup de joueurs.
L’auteur Masayuki Kudoh réalise ce tour de force en thématisant érotiquement son jeu. Les illustrations délicieusement suggestives de ces soubrettes volontaires pour assouvir vos desideratas les plus saugrenues, embarquent vers des mondes issus de notre enfance comme de notre vie d’adultes. L’atypisme troublant du thème de Tanto cuore ne fait qu’accentuer la banalité de celui de Dominion. Ne serait-ce que pour le plaisir des yeux, on privilégie sans hésitation la boîte moins encombrante de Tanto cuore que celle imposante de Dominion. On se tourne vers la fraîcheur féminine plutôt que vers la lourdeur masculine.
Evidemment, si Tanto cuore ne fonctionnait pas mécaniquement, le thème ne pallierait pas à masquer cette insuffisance. Malgré des annotations textuelles en japonais, une fluidité améliorée (par rapport à Dominion) se dégage des parties. L’auteur symbolise la plupart des actions entreprises par des icônes très parlantes visuellement. Excepté pour les cartes Servantes privées, on se réfère modérément à la traduction anglaise des cartes. Sur la sélection recommandée lors de sa première partie, deux cartes uniquement font appel à un pouvoir non symbolisé. La mémorisation des effets se trouve accrue et le plaisir s’installe dès les premiers tours. On savoure la sensation subjective de maîtriser une langue inaccessible. Tanto cuore apporte des subtilités qui renforcent sa suprématie par rapport à son aîné avec la possibilité d’écarter des cartes Point de prestige inutiles. Celles-ci coûtent des services et leur mise à l’écart requiert une analyse sensée et optimisée de son tour de jeu. De plus, certaines combinaisons lucratives en points ne prennent effet uniquement lorsque les cartes Servantes concernées sont placées dans la chambre du maître. Tanto cuore enrichit les façons de marquer des points, et gomme le syndrome aléatoire de Dominion, tirer une main pourrie par les cartes Domaine. On apprécie la possibilité de rendre son deck encore plus performant en éliminant (mais en conservant les points) des cartes inopportunes.
Les cartes violettes sont des maladies ou des nuisibles envahissant votre demeure.
Tanto cuore introduit des cartes spéciales (Private maids) qui activent un pouvoir automatiquement au début de son tour ou sous certaines conditions. Cet ajout facilite la construction d’un deck efficace, car on connaît exactement quand elles vont servir leur maître. On peut baser ses achats uniquement en fonction de cette carte. Il en existe dix distinctes, toutes avec des pouvoirs intéressants. Le recrutement d’une nouvelle Servante privée condamne son maître à un douloureux dilemme. L’ancienne perd toutes ses capacités et il faut choisir entre la récupération d’un effet permanent et la contrepartie risquée d’amenuiser la pertinence de son deck. Cette astuce évite la surenchère des effets et un déséquilibre inconvenant entre les joueurs.
Les triplettes, qui font marquer des points...
Tanto cuore comporte deux cartes Evènement agressives qui ne dépendent d’aucune autre carte pour en faire « profiter » son voisin. Contrairement à Dominion, où les malédictions dépendent de la présence de la Sorcière par exemple, Tanto cuore autorise l’agression directe de ses concurrents. En dépensant le coût demandé, on acquiert des cartes Maladie (annule toutes les capacités d’une servante se situant dans la chambre du maître) ou des habitants indésirables (ils vous font perdre du crédit, retrait de point de victoire en fin de partie). Celles-ci sont immédiatement placées dans la chambre du maître ciblé. Sans la contrainte d’une dépendance à une tierce carte, Tanto cuore facilite les échanges inamicaux entre les joueurs et instaure des tractations diplomatiques amusantes. Sans être aussi belliqueux que Thunderstorm ou Heroes of Graxia, Tanto cuore conserve une réserve d’entourloupes tactiques qui supplantent Dominion sur ce paramètre.
Une servante avec un bon bazooka, c'est toujours utile, n'est-ce-pas ?
La conclusion de Amaury L. à propos du Jeu de cartes : Tanto Cuore [2009]
Avec l’apparition de Dominion, les clones commencent à pulluler et on appréhende de tomber sur un plagiat de qualité médiocre et d’un intérêt minime. Heureusement, Tanto cuore ne se contente pas de reprendre la colonne vertébrale mécanique de Dominion, l’auteur Masayuki Kudoh améliore tout simplement le jeu. Intrinsèquement, Tanto cuore s’avère plus plaisant, plus équilibré, plus riche stratégiquement que Dominion la boîte de base. Il développe une nouvelle zone de jeu (la chambre du maître) qui accumule les trouvailles intéressantes (bonus en points de prestige, les servantes privées, écarter des servantes inutiles, attaquer son adversaire…). Malgré des cartes en japonais, les icônes employées facilitent la prise en main et on remarque une fluidité étonnante dans le tour de jeu. Tanto cuore semble aller « plus vite » que Dominion. Et, au moins pour la gente masculine, se faire servir par des servantes légèrement vêtues demeure plus stimulant à regarder que la Chambre du Conseil à Dominion.
On a aimé
- Un Dominion-like amélioré.
- Le thème un peu osé.
- La chambre du maître.
On a moins bien aimé
- Mécanismes très proches de Dominion.
- Texte en japonais sur les cartes (gênant uniquement lors des premières parties)
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