Critique Hybrid [2011]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 2 novembre 2011 à 19h31

Ma caisse est un mollusque... le film aussi

C’était, je crois, au cours de l’hiver 2003. Rendu, comme presque tous les ans depuis son existence, au Festival Fantastique de Gérardmer, j’avais fait la connaissance, au détour du comptoir du Grand Hotel, d’un passionné de cinéma de genre. Un homme extrêmement sympathique, formé à l’école Canal +, qui présentait là son premier film. Devant un verre, l’on avait échangé le bout de gras, sans tenir compte de nos positions (lui, jeune cinéaste plein; moi, jeune critique déjà blasé), exposant nos impressions sur l’état du cinéma de genre français, et sur nos aspirations. Cet homme, c’était Eric Valette. Son film, je le vis le soir même, lors de sa projection dans le cadre de la compétition officielle. Je me souviens qu’à l’époque, complètement enthousiasmé par Maléfique, je me suis dis «la vache, enfin un mec qui en a et qui peut aller sacrément loin!». Hélas, je me fourvoyais sacrément - à ma décharge, je tiens à préciser que je ne fus pas le seul.

Parce que, presque dix ans plus tard, on attend toujours de voir Eric Valette confirmer ses débuts prometteurs. Certes, le réalisateur n’a pas eu la partie facile. Maléfique ne lui ouvrit pas les portes espérées et, boudé par la France (on ne lui doit qu’un épisode de Sable noir, une série tombée rapidement dans l’oubli), il décide d’aller tenter sa chance aux Etats-Unis. Là encore, il rame. On le pense sorti d’affaire quand est annoncé la production de One missed call, en 2008 (soit six ans après Maléfique!), avec la présence au casting de Ray Wise et Shannyn Sossamon, deux comédiens d’excellente réputation. Mais, arrivé bien trop tard (le scénario surfe sur une mode en plein essoufflement), souffrant d’un manque de rythme et d’un montage pourri,  ce remake d’un  film japonais de Takashi Miike (déjà pas transcendant), basé sur un roman de Yasushi Akimoto, est une énorme déception.

Une affaire d’état, en 2009, marque - plutôt de bonne manière - le retour en France d’Eric Valette. Ce modeste thriller, porté par de bons comédiens (André Dussolier, Thierry Frémont, Rachida Brakni...), doté d’un script bien ficelé et bénéficiant d’une réalisation efficace nous laisse alors penser que certains propos sur les conditions de production de One missed call (Eric Valette n’aura jamais vraiment eu les coudées franches) n’étaient pas totalement infondés. Surtout, le film, et son succès d’estime, remet le cinéaste sur les bons rails, lui permet de se reconstruire une réputation, et lui ouvre, à nouveau, quelques intéressantes portes. Du coté des fans du cinéma de genre, l’on se prend même à souhaiter qu’il lui soit accorder un nouvel essai.

Cette nouvelle opportunité, elle va lui venir, de nouveau, de l’étranger. Ecrit par Benjamin Carr (un nom prédestiné?), Hybrid est une co-production germano-américaine d’environ 10 millions de dollars. Son script s’inspire d’un comic book méconnu et raconte l’histoire d’une équipe de nuit luttant contre une créature monstrueuse ayant la capacité d’adopter l’apparence... d’une voiture! On se retrouve donc avec un récit mettant en avant des composantes pulps totalement délirantes, ce qui, on pouvait l’espérer, aurait pu amener une série B bien bourrine et badass, riche en éléments horrifiques, voire gore. Malheureusement, en choisissant une autre voie, bien plus sérieuse, Eric Valette se plante complètement.

Huis-clos mettant en scène une poignée de pauvres gars aux prises avec un prédateur à quatre roues, l’histoire d’Hybrid est une sorte de mixage entre Christine, le film de John Carpenter, et Alien, le chef d’oeuvre de Ridley Scott. Il récupère donc la plupart des éléments propres à ces deux métrages, dont bon nombre font aujourd’hui figures de clichés. Il transforme les couloirs sombres du Nostromo en les allées d'un garage de la police et l’alien en un mollusque géant (sorti de nulle part) aussi accrocs aux bagnoles qu’un chicano a sa lowrider. Eric Valette va même jusqu’à introduire le thème de la femme forte, Shannon Beckner, en mécanicienne dure à cuire qui finit par prendre les choses en main, rendossant le rôle de Sigourney Weaver. On retrouve également l’archétype du sale type, du brave gars un peu crétin... Bref, une galerie de portraits mille fois visitée. Le problème majeur est que le cinéaste aborde le sujet de la même manière que ses illustres aînés, c’est à dire avec le plus grand sérieux, faisant de son oeuvre un nanar qui ne présente un intérêt que lu au dixième degré.

Pendant plus d’une heure, le spectateur va assister à un spectacle improbable, bourré d’incohérences. Le monstre ayant piégé les humains dans ce garage, on se demande pourquoi il prend la peine de continuer à se dissimuler en prenant l’apparence de diverses voitures. On se demande aussi pourquoi il choisit à chaque fois des voitures dont la taille et la forme sont inadaptées à la situation du moment. Enfin, puisqu’il a la faculté de se fondre dans son environnement, il est étrange qu’il se contente de cette transformation, guère pratique pour monter des escaliers, par exemple (même si le scénario s’évertue à essayer de nous convaincre, argument scientifique à l’appui, que la créature a choisi cette forme car elle lui assure mobilité et discrétion). En fait, cette enchaînement de séquences d’une absolue stupidité aurait pu être digeste, voire jouissif, si Eric Valette avait accepté d’appréhender son travail sous un aspect plus potache, ou bis. On en compte plus le nombre de séries B ayant adopté, avec succès, l’un de ces choix. On a même eu droit à quelques perles aujourd’hui considérées comme des œuvres cultes (M.A.L - Mutant aquatique en liberté, Alien, la créature des abysses…).

Au lieu de ça, Eric Valette promet beaucoup au cinéphage et ne lui donne rien. Coté salace, il entame son métrage en éveillant notre attention avec un plan sur une paire de jambes glissées dans des bas résilles… avant de complètement laisser tomber cet aspect grivois. Coté horrifique,  il nous propose un monstre dévorant ses victimes à la manière du Blob (cela aurait donc pu être bien dégueu) sans y introduire un seul effet gore digne de ce nom. Enfin, pour ce qui est de l’aspect spectaculaire, il nous impose la vue d’une créature numérique à la réalisation plus que perfectible (certains FX des productions Syfy rivalisent en qualité) jouant a cache-cache avec une poignée de mécanos un brin demeurés. Bref, au final, l’on se retrouve devant un spectacle fade, à la sagesse télévisuelle, qui n’est sauvé du désastre que par la belle photographie de l’expérimenté John R. Leonetti (qui aime décidemment bien les réalisateurs français).

On dit souvent que la machine américaine de production détruit la créativité, c’est probablement vrai. Il est cependant aussi probable que certains réalisateurs européens sont moins prêts que d’autres à affronter cette réalité. Après tout, on a vu un mec comme Alexandre Aja sortir grandi de La colline a des yeux, et Wes Craven n’est pas réputé pour être un producteur accordant aveuglement sa confiance. Savoir se rendre indispensable, condition sine qua non pour arriver à imposer sa vision des choses, n’est certainement pas donné à tout le monde. De toute manière, peu importe le processus de sa mise en forme, le public ne retient d’un film qu’une seule chose : le résultat final, et le plaisir qu’il en tire. Et, avec Hybrid, force est d’avouer que le seul plaisir éprouvé est celui qui marque l’apparition du générique de fin.

La conclusion de à propos du Film : Hybrid [2011]

Auteur Nicolas L.
25

Film au scénario stupide mettant en scène une version biologique de Christine, Hybrid n’est même pas sauvé par son traitement, à la fois trop sérieux et trop sage. Dans le genre voiture tueuse, Eric Valette fait pire que Stephen King et Chris Thomson dans leurs adaptations foireuses, mais au moins drôles, de Trucks. C’est dire le désastre. Dommage pour le réalisateur français, qui plombe un peu sa filmographie fantastique, après un One Missed Call déjà bien peu réjouissant.

On a aimé

  • Une bonne photographie

On a moins bien aimé

  • Un scénario débile
  • Une réalisation sans génie
  • Un choix de traitement inintéressant
  • Des FX médiocres

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