Critique L'enfant monstre [2011]
Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 7 décembre 2011 à 17h19
Retour réussi en Occitania
Il n’avait jusqu’alors jamais eu l’occasion d’observer, mis à part sur lui-même, l’oeuvre infernale de la Grande Brèche et de sa lueur maudite... Son père, depuis son enfance, avait, disait-on, occis trois malebestes, mais il était trop jeune pour l’accompagner. Quand aux dépouilles des monstres, on évitait de les faire entrer dans les villages. On les brûlait généralement où la bête était tombée, ou on les déplaçait le plus loin possible des habitations, de crainte que le pouvoir qui avait corrompu leur chair ne contamine tout ce qui l’entourait.
Pour la première fois de sa jeune vie, il contemplait, sur une autre créature, les ravages de la Brèche et de son souffle d’enfer...
L’enfant monstre est le premier tome d’un nouveau cycle de romans jeunesse écrits par Jean-Luc Marcastel. L’histoire a pour théâtre une Europe médiévale alternative et fantastique déjà exploitée par l’auteur dans l’excellente série Louis le Galoup. Touchée par un phénomène inexpliquée par les érudits de l’époque - et donc forcément mis sur le compte du Malin -, la Franc(i)e est désormais coupée en deux par un immense gouffre baptisé la Brèche du Diable. Située au sud-ouest de cette Brèche, l’Occitania, séparée du pouvoir central, a trouvé son indépendance, en même temps qu’une certaine autarcie. Au moment où débute ce récit, la population des villages situés près de ce gouffre connaît une existence difficile. En effet, bien que le ciel se soit désormais éclairci (après des années d’obscurité), améliorant sensiblement les conditions de vie, les habitants ont toujours à composer avec un climat rude, une terre ingrate et une faune qui, exposée aux rayonnements de la Brèche, a subi d’horribles mutations.
Si, dans Louis le Galoup, Jean-Luc Marcastel nous présentait un récit épique et romanesque dans lequel les mutations subies par les hommes et les animaux renvoyaient aux folklores européens (vouivre, loup-garou...), on le voit ici changer quelque peu son fusil d’épaule. En effet, dans le cycle précédent, l’origine maléfique de la Brèche apparaît presque comme une évidence. La notion de Bien et de Mal est fortement ancrée dans la trame du récit, et les protagonistes mauvais sont présentés comme des engeances maléfiques, oeuvrant pour le compte d’une force supérieure démoniaque. Dans La geste d’Alban, le postulat est tout autre, et renouvelle de fait l’univers. Comme Louis, Alban est un individu hors norme mais cette différence, il l’affiche également sur son visage, et en permanence. Et si la mise en place de l’intrigue est assez similaire à celle du cycle précédent, on ne peut en dire autant du développement, qui cause plus de mutation que de perversion.
Par sa difficulté d’intégration et son apparence physique, Alban évoque Hellboy, le célèbre personnage de comic book. La couleur rouge en moins. Un monstre au grand coeur, doté d’un bras démesuré (Alban se voit de plus doté des caractéristiques de Wolverine puisque ce bras est équipé de griffes rétractiles) qui tente tout pour se faire accepter par le monde qui l’entoure. Cependant, confronté à une populace superstitieuse, Alban peine même à affirmer son statut de noble. Bien qu’il soit le fils aîné de Garmon, seigneur de Tournemire, le jeune homme reste pour son entourage, au pire un monstre, au mieux un indésirable. Et ce privilège de noblesse, il ne le doit qu’à l’autorité de son père. Qu’en sera-t-il quand il ne sera plus là? C’est en s’appuyant sur ce questionnement que Jean-Luc Marcastel lance son intrigue, pour nous entraîner dans une aventure où se côtoient des éléments fantastiques et, fait nouveau, SF (Les chroniques de Maljours, la petite nouvelle située en fin d’ouvrage, nous conforte d’ailleurs en ce sens).
Dans L’enfant monstre, la monstruosité, il faut plutôt la chercher dans l’âme humaine. Gauderic l’homme d’arme, Bernard le geôlier, dame Jacint la marâtre... Autant de personnages ordinaires qui adoptent des comportements cruels et perfides. A ceux-ci il faut également leur adjoindre ceux qui se font remarquer par leur lâcheté ou leur étroitesse d’esprit. Cependant, même si l’on peut considérer que certains protagonistes affichent des profils un brin «clichés», le romancier évite de sombrer dans l’excès de manichéisme. Certains personnages «méchants" se voient en effet bénéficier de circonstances atténuantes. A contrario, Jean-Luc Marcastel se penche à traiter les «brècheux" comme des victimes du destin (les faïna, sorte de fouines géantes et mutantes ne sont finalement que des bêtes sauvages) et fait des marginaux (une bande de saltimbanque de passage au village) les seuls véritables bonnes personnes de l’histoire. Enfin, histoire d’entretenir l’aspect romance, l’auteur introduit dans le récit le thème de la Belle et la Bête, à ceci près que la Belle, question particularismes, ne doit rien à la Bête. On retrouve également le thème du mentor, cher à l’auteur, avec l’introduction d’un vieux chasseur, encore peu exploité, mais que l’on devine destiné à jouer un grand rôle.
Déjà bien accrocheur de par son intrigue simple mais bien ficelée, L’enfant monstre se voit subjugué par la prose fleurie de Jean-Luc Marcastel, le ton choisi (celui du conte des veillées médiévales) et par son amour pour la région occitane. Renouvelant l’expérience de Louis Le Galoup, l’auteur nous invite une nouvelle fois à redécouvrir le patrimoine de son pays, son histoire, son folklore et sa langue. En compagnie d’un si bon guide, force est d’avouer que la visite est des plus agréables, et cela quelque soit l’age du voyageur. Enfin, signalons également que l’ouvrage bénéficie de l’habile crayonné de Jean-Mathias Xavier qui, en fin d’ouvrage, nous présente sa vision des principaux personnages du cycle. Au final, c’est donc avec grand plaisir que l’on se replonge dans cette nouvelle aventure, avec un premier tome riche en promesses.
La conclusion de Nicolas L. à propos du Roman : L'enfant monstre [2011]
Ce n’est pas sans un grand plaisir que j’ai retrouvé l’univers d’Occitania. Avec son style très éloigné des habituels standards de la littérature jeunesse, l’auteur Jean-Luc Marcastel nous embarque pour une nouvelle épopée fantastique, certes assez classique par le fond, mais extrêmement séduisante par la forme. Difficile de dire pour le moment si ce nouveau cycle égalera en qualité l’excellent Louis Le Galoup, mais cela semble bien parti pour.
On a aimé
- La plume de l’auteur
- De la littérature jeunesse de qualité
- Un récit bien rythmé
- Le monde d’Occitania
On a moins bien aimé
- Un canevas assez classique
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