Critique Twixt [2012]
Avis critique rédigé par Jonathan C. le mardi 3 avril 2012 à 01h18
la vampire est là
Avant d’aborder une curiosité comme Twixt, il convient de revenir sur la nouvelle orientation carriériste de Francis Ford Coppola, ou comment l’un des réalisateurs américains les plus légendaires se met à réaliser des « petits » films intimistes et expérimentaux comme à ses débuts (l'époque de Big Boy, Les gens de la pluie...), alors que ses camarades de l’époque, Steven Spielberg, Martin Scorsese ou même George Lucas, enchainent en parallèle les gros projets excitants et commerciaux, à l’exception de Brian De Palma, en stand-by depuis son pamphlet virtuose Redacted. Le mentor de cette génération fait désormais des films originaux et marginaux complètement en dehors du système, donc au sein de son propre système (sous Zoetrope), ce qui, finalement, convient parfaitement à ses éternels idéaux (contrôle total de son art, intégrité...).
Après plusieurs échecs successifs et l’annulation de son projet pharaonique (Megalopolis, ou la création d’un Eldorado moderne en plein Manhattan) suite aux attentats du 11 Septembre 2001, Coppola semblait découragé et blasé du cinéma, d’où 8 ans d’inactivité. C’est en découvrant en 2005 une nouvelle allégorique de Mircea Eliade titrée Jeunesse sans jeunesse qu’il retrouve la motivation, et la jeunesse. Dans cet ouvrage écrit par l'un des fondateurs de l'histoire moderne des religions, un professeur vieillissant retrouve la jeunesse après avoir été frappé par la foudre, sujet qui inspirait déjà L'Homme sans âge. La foudre de Coppola, c’est faire des films. Il s’impose alors un Dogme, trois règles qu’il doit respecter pour jouir d'un maximum de liberté : ses films doivent être à petit budget (autofinancé), ils doivent être personnels (voire thérapeutiques) et partir d’une histoire originale (qu’il écrit lui-même). Bref, ils doivent être à 100% de Coppola. De cette cure de jouvence en totale indépendance nait d’abord, en 2007, le mésestimé L'Homme sans âge, étrange et insaisissable exploration des origines linguistiques parfois proche de l'expressionnisme, puis le superbe Tetro en 2009, qui condense tout le cinéma de Coppola en partant d’une petite chronique de rue à la Rusty James pour finir en drame familial tragique baroque et opératique comme dans un Parrain. Et maintenant Twixt, Coppola sortant désormais un film tous les deux ans.
Pour Tetro, Francis Ford Coppola était parti d’une image énigmatique, celle qui ouvre le film (un homme observe une ampoule blafarde) et qu'il avait entrevue dans son subconscient. D'une manière similaire, l’histoire de Twixt lui est venue d’un rêve (« L’ambiance de mon rêve était inquiétante et éthérée. Alors même que je rêvais, je me suis rendu compte que j’étais dans une histoire de vampires ») qu’il fit alors qu’il était en repérages à Istanbul et dans lequel figuraient déjà Edgar Allan Poe (dont Coppola venait de lire l’œuvre complète) et cette adolescente « malicieuse avec des dents tordues et couvertes de bagues », ainsi que les fantômes d’enfants assassinés et enterrés sous un hôtel. En remettant tous ces éléments en place afin d’en faire un scénario, Francis Ford Coppola reprend aussi une histoire qu’il avait autrefois écrite et dans laquelle un écrivain se rendait dans une petite ville étrange (du genre Salem) et y rencontrait une vagabonde, qui se révélait être le spectre d’une femme condamnée au bucher pour sorcellerie. Il s’inspire aussi fortement d’une nouvelle de Nathaniel Hawthorne, Le Jeune Maitre Brown, et bien entendu de plusieurs nouvelles d’Edgar Allan Poe (Le Diable dans le Beffroi, Bérénice, Descente dans le Maelstrom…). Son mentor Roger Corman avait d’ailleurs lui-même adapté du Edgar Allan Poe pour des films (La Chute de la maison Usher, La Chambre des tortures, L'Empire de la terreur, Le Corbeau, etc.) qui, selon l’élève Coppola, ont une vraie connexion avec sa propre histoire personnelle.
Le titre est, d’emblée, énigmatique, mais il n’a aucun rapport avec le terme « twist ». Il s’agit en fait du diminutif de « betwixt », mot anglais ancien pour dire between (« Entre ») et utilisé dans le roman Le Jeune Maitre Brown évoqué ci-dessus, dans lequel l’on pouvait lire « Twixt Now and sunrise » (c’était d’ailleurs le premier titre choisi pour le film, avant d’être réduit à « Twixt » en cours de production). Le titre symbolise ainsi cet entre-deux qui caractérise ce film tout en ruptures de ton et en paradoxes : les twixt ici, c’est rêve/réveil, Bien/Mal, ombre/lumière, vie/mort, succès/échec, etc. Comme son personnage principal, et d’ailleurs comme la plupart des héros de ses films (de Fred Astaire emporté par La Vallée du bonheur à Martin Sheen découvrant l’empire caché du colonel Kurtz en passant par Kathleen Turner revenant aux années 60 dans Peggy Sue s'est mariée, Matt Damon broyé dans l’impitoyable réalité de la justice américaine dans L’idéaliste ou Jonathan Harker piégé dans l’univers de Dracula), Coppola passe d’un monde l’autre, du réel le plus triste à l’étrange le plus insolite, l’un ayant une influence et des répercussions sur l’autre.
Twixt est donc une histoire de fantômes et de vampires matinée d’un peu de serial-killer et de sorcellerie. Non sans malice, Francis Ford Coppola en reprend tous les archétypes, accompagnant son personnage d’écrivain has been (Val Kilmer est une idée de casting très pertinente), un « sous-Stephen King » qui débarque dans une bourgade sinistre pour faire la promotion de son nouveau roman de sorcellerie. Le shérif du coin (délirant Bruce Dern, comme toujours dans l'excès), fantasque et joueur, l’embarque dans une enquête sordide (des cadavres retrouvés avec un pieu planté dans le cœur) qui pourrait éventuellement l’inspirer pour son prochain roman. Curieux et n'ayant rien d'autre à faire si ce n'est écrire un nouveau roman sur lequel il bloque dés la première page, Val Kilmer se laisse ainsi prendre au jeu. Mais c’est au cours de ses rêves qu’il en apprend plus sur l’affaire. Il y rencontre une mystérieuse adolescente (envoutante Elle Fanning, que papa Coppola a été chercher dans le Somewhere de sa fille) semble-t-il damnée et converse avec le fantôme d’Edgar Allan Poe (le rare Ben Chaplin, vu récemment dans Le portrait de Dorian Gray d'Oliver Parker), qui lui sert de guide dans ces rêves.
Cette description, pleine d’humour et de pittoresque (la boutique spécialisée dans la vente d’abris pour animaux existe réellement), d’un de ces patelins anodins traversés par une unique route menant à la ville et dans lesquels il n’y a aucune raison de s’arrêter à moins d’y habiter peut faire penser aux vieilles productions de la Hammer (avec ses villages paumés, ses étranges habitants superstitieux, ses malédictions, ses mythes...) mais aussi à du Twin Peaks (le film comme la série), même si l’œuvre de David Lynch n’était pas une référence consciente de Coppola. Lui qui n’en est pas à sa première incursion dans le fantastique gothique (cf. Dracula et Dementia 13) et qui a déjà touché au film noir (Conversation secrète, Le Parrain, Outsiders, L’idéaliste), Francis Ford Coppola se love dans le second degré proche du pastiche, s’amuse avec les clichés, multiplie les motifs récurrents du film d’horreur gothique (le beffroi, la chouette, les habitants bizarres, le cimetière…), tourne en dérision le folklore carnavalesque (cf. les bohémiens gothiques ou la scène délirante du ouija) et l’esthétique kitsch du roman de gare au cours d’une intrigue tortueuse qui part un peu dans tous les sens, jusqu’à une fin aussi brutale qu’expédiée, presque comme un gag, comme si le cinéaste lâchait l’affaire en cours de route ou comme si tout cela n’avait aucune importance et n’était qu’une farce macabre, confirmant la désinvolture et le décalage d'un traitement qui n'est pour Coppola qu'un argument pour s'exprimer sur des sujets plus sérieux et intimistes. Le réalisateur de Dracula utilise ici le genre « gothico-romantique » à contre-pied et prend la liberté d’en briser les règles à sa guise parce qu’il les a déjà suivies à la lettre quand il était plus jeune.
Avec son auteur paumé en panne d’inspiration alors qu’il est (op)pressé par son épouse (Joanne Whalley ex Kilmer, proposée à Coppola par Val Kilmer lui-même) qui exige une avance et par son patron éditeur (David Paymer, qu'on n'avait pas revu au cinéma depuis Ocean's Thirteen il y a 5 ans de cela) qui exige une fin au plus vite, sans parler du shérif Bruce Dern qui insiste pour être le personnage principal du roman, Twixt fait partie de ces films, des adaptations de Stephen King (Misery, Fenêtre secrète ou La Part des ténèbres) à l’Adaptation de Spike Jonze avec Nicolas Cage, qui exploitent narrativement le processus de création de leur personnage écrivain. L’histoire avance en même temps qu’il écrit. Non sans humour (cf. Val Kilmer qui pète un câble à rédiger son intro sans un « sur un lac brumeux »), Francis Ford Coppola y évoque la complexité de l’écriture, la page blanche, l’inspiration des rêves (puisque c’est justement de ses rêves que Coppola a puisé son Twixt) et les motifs d’une histoire (cf. le beffroi et le temps). Coppola se retrouve évidemment dans ce personnage d’écrivain à la ramasse (comme l’a souvent été Coppola) qui décide de démarrer un roman original, neuf et personnel qui est tout ce qu’on n’attend pas de lui. Ce n’est pas un hasard si Coppola remets deux has been (Val Kilmer et Bruce Dern) sur le devant de la scène. Pas un hasard non plus si le déclin de l’écrivain campé par Val Kilmer (lui-même un acteur de prestige cachetonnant dans les productions DTV) fait écho à celui de Coppola en tant que cinéaste (il avoue même avoir « toujours eu la sensation d’être has been » après le succès du Parrain !), tandis que le nouveau départ que prend le personnage à la fin renvoie à celui qu’a prit Coppola avec L'Homme sans âge. La thématique du temps, notamment une forme de temporalité figée quasi-obsessive chez le réalisateur (on la retrouve dans Les Gens de la pluie, Jack, Apocalypse Now, L'Homme sans âge, Dracula, Peggy Sue s'est mariée ou La Vallée du bonheur qui évoquait le Brigadoon de Vincente Minneli), imprègne encore une fois son nouveau film, d’ailleurs traversé par le motif d’une pendule.
Francis Ford Coppola inclus dans ses derniers films des éléments très personnels (souvent familiaux) de sa vie, leur conférant une dimension testamentaire (Coppola se fait vieux et a des choses à régler). Twixt a beau baigner dans une certaine désinvolture, entre fantaisie débridée, traitement léger et second degré proche du pastiche, le maitre y évoque tardivement le thème de la perte, thème qui lui est cher puisqu’il a lui-même perdu son fils dans les années 80 suite à un accident de bateau. « Je me suis rendu compte à quel point je me sentais responsable de la mort mon fils », confie-t-il. « Il m’avait demandé de l’accompagner à un parc au bord de l’eau ou se trouvaient des bateaux, et je ne l’ai pas fait. Je pensais qu’il s’agissait de bateaux pour enfants, pas de hors-bord. Ce que j’ai appris avec cette histoire, c’est combien j’avais au fond de moi le sentiment que j’aurais pu empêcher cet accident, si seulement j’avais été présent ». Ce que dit là Francis Ford Coppola, il le fait dire au mot près au personnage de Val Kilmer lors d’une séquence de confession-rédemption bouleversante auprès du guide spirituel Edgar Allan Poe (« Quand j’ai lu Poe, j’ai senti son âme torturée s’immiscer en moi. Il a transformé la mort de sa femme en d’innombrables récits et poèmes »). En plus de s’incarner en Val Kilmer, Coppola va jusqu’à revisualiser l’accident de son fils (une fille dans le film) en un superbe flashback expressionniste sur l’eau (on dirait du Murnau). Pour Coppola, chacun de ses films doit désormais répondre à une question intime qu’il se pose. Grâce à Twixt, avec l’aide d’un Edgar Allan Poe lui-même hanté par un fantôme (celui de sa femme), il s’agissait pour le cinéaste de trouver quel était son fantôme à lui. Des films comme L'Homme sans âge, Tetro ou Twixt sont pour Coppola autant de moyens de s’éclater que de se comprendre lui-même, comme des récréations (littéralement, une « re-création ») à portée thérapeutique.
Mais le plus étrange dans Twixt reste son esthétique, à la fois pertinente et très inégale dans son principe de « l’entre-deux ». Depuis L'Homme sans âge, Francis Ford Coppola s’est donné comme règle dogmatique de limiter un maximum les mouvements de caméras. C’était déjà le cas dans L'Homme sans âge et Tetro, ça l’est encore plus dans Twixt et sa mise en scène quasi-statique qui renforce la dimension littéraire et théâtrale du film, ainsi que cette sensation d’être enfermé dans un rêve. Dans une scène dialoguée entre plusieurs acteurs, il n’y a ainsi aucun mouvement de caméra même quand les acteurs se déplacent et sortent du cadre (le montage embraye alors avec un autre angle statique). Coppola justifie cette construction en plans fixes en affirmant que c’est moins compliqué et moins couteux pour les effets spéciaux. Il y a bien quelques travellings (notamment le plan d’ouverture, ou celui de la rencontre entre Val Kilmer et l'adolescente), « cinq panoramiques » selon lui, mais Coppola privilégie le mouvement dans l’image et non le mouvement de l’image, ce qui ne veut pas dire que la mise en scène est pauvre. Coppola s’explique : « J’utilise une technique visuelle ou la scène s’élabore à partir d’unités de construction filmique en partant du principe que les spectateurs ne s’intéressent pas particulièrement à la mise en scène. » On peut remettre en cause ces justifications (considérer que le spectateur ne s’intéresse pas à la mise en scène n’est jamais une bonne solution), d’autant plus que cette méthode donne des résultats très inégaux. Ces propos (faire moins compliqué et moins cher, considérer les spectateurs comme des néophytes...) trahissent, derrière l'image de cette nouvelle jeunesse, un réalisateur blasé qui n'a plus envie de se prendre la tête. Les scènes de dialogues dans cette réalité fictionnelle sont totalement figées et plan-plan, avec un rendu quasi-amateur dans le cadre (plusieurs caméras posées) et l’image (très DV), des images mornes que Coppola trouve semblables à des natures mortes. Avec ses conversations virtuelles en split-screen entre Val Kilmer et son épouse ou son patron, Twixt respecte son principe du « betwix » mais n’évite pas le bavardage cloisonné et se rapproche d’un autre "film-Skype", le perché 4:44 Last Day on Earth d'Abel Ferrara. Le réalisateur mythique des Parrain et d'Apocalypse Now a atteint un tel niveau d’expérience qu’il semble se contrefoutre des règles les plus élémentaires de la mise en scène (contrechamps, raccords dans l’axe…). Mais il utilise aussi beaucoup les plongées et contre-plongées en grand angle, comme dans Tetro, Rusty James ou ses Parrain, « le genre de plans généralement attribués à Orson Welles et Greg Toland, même si le style visuel de Twixt est beaucoup plus sobre ». Coppola ajoute : « Nous avons opté pour un travail de caméra très classique, afin de contraster avec les rêves ».
En effet, les scènes oniriques, qui représentent heureusement 50% du film, sont esthétiquement formidables, travaillées en nuit américaine puis fortement (mais brillamment) étalonnées afin de coller au plus près des rêveries du cinéaste. Le traitement de l’image renvoie à Tetro et à Rusty James, notamment dans les touches de couleur (ici le rouge vif et la lumière dorée de la lanterne ; encore les motifs de la lampe et de la rose) qui ressortent symboliquement d’un lune bleu acier et d'un monochrome proche du noir et blanc, créant ainsi une inquiétante beauté ambiante et hypnotique, un visuel doux, vénéneux et ensorcelant. La luminescence quasi-divine du personnage de V (Elle Fanning) dans l’obscurité est magnifique, incarnant ce symbole de la lumière et de la perdition qui semble préoccuper le cinéaste depuis L'Homme sans âge. Mais plus qu’à Sin City, c’est à la séquence shakespearienne de Last Action Hero à laquelle on pense ici (même si ce n’était sans doute pas dans l’idée de Coppola) devant cette esthétique onirico-iconographique qui n’est pas sans évoquer le noir et blanc des grandes productions fantastiques de la Universal (Frankenstein, Dracula, Le Fantôme de l'Opéra & Cie n’ont probablement pas échappé à Coppola, lui qui a autrefois adapté le roman de Bram Stoker et produit une nouvelle version du roman de Mary Shelley). Dans Twixt comme dans certains de ses autres films, l’idée du rêve est très forte, c’est aussi pour cette raison que Coppola marque une telle différence esthétique (pauvre et banale d’un coté, graphique et sophistiquée de l’autre) entre les deux mondes. Tourné avec une Sony N-900 à focale 16mm, le style à la fois minimaliste et graphique du nouveau Coppola est totalement opposé à celui, en 35 ou 70mm, du Coppola baroque de Dracula ou d’Apocalypse Now, se rapprochant plutôt du style de ses Parrain ou de Conversation secrète. Depuis L'Homme sans âge, Francis Ford Coppola travaille d’ailleurs avec un jeune chef opérateur (celui du The Master de Paul Thomas Anderson), alors qu’il pourrait avoir les plus grands vétérans à sa disposition. Enfin, la musique (de l’argentin Osvaldo Golijov, déjà à l’œuvre sur les deux précédents films de Coppola mais aussi sur The Man Who Cried avec Johnny Depp) vient renforcer cette esthétique gothique et cette cure de jouvence.
On peut cependant questionner l’utilité de la 3D (qui plus est imparfaite) sur seulement deux séquences (annoncées par des lunettes en 3D s’incrustant dans l’écran pour prévenir le moment où il faut mettre ses lunettes, comme dans une attraction, ce qui fait assez ringard mais instaure un coté ludique à la William Castle), là ou Spielberg et Scorsese se sont mis à la 3D avec beaucoup plus de succès. Francis Ford Coppola s’en explique : « J’ai beau avoir apprécié Avatar, j’ai trouvé l’utilisation des lunettes un peu fastidieuse. J’ai fini par les enlever et ne les ait remises qu’en anticipations des bonnes scènes en 3D. Je trouve que quand tout le film est en 3D, on s’y habitude vite et ça perd son coté excitant. J’ai donc décidé de tourner Twixt de manière classique sauf pour quelques séquences ou les spectateurs devront chausser des lunettes 3D ». Mais payer des lunettes 3D pour seulement 2 ou 3 séquences n’est pas forcément un solide argument commercial.
En revenant au film d’horreur après Dementia 13 et Dracula (ne pas oublier qu’il fut producteur sur le Frankenstein de Kenneth Branagh et producteur exécutif sur les Jeepers Creepers de Victor Salva et sur le Sleepy Hollow de Tim Burton), Francis Ford Coppola renoue avec les débordements graphiques, se laissant aller à quelques éclats gore, qui explosent dans une ultime séquence aussi fulgurante que grotesque, avec sang giclant en 3D sur l’objectif de la caméra. Twixt est décidément l’un des films les plus bizarres de l’année, s’apparentant comme un mélange minimaliste entre du Tim Burton (dont l’écrivain préféré est justement Edgar Allan Poe) et du David Lynch, mais en plus schizophrène. Le traitement et le sujet peuvent également faire penser au tout aussi atypique The Addiction d'Abel Ferrara, autre histoire de vampire en noir et blanc et en mode mineur. Tant dans la forme que dans le fond (et même dans la durée : l’un fait 2h10, l’autre à peine 1h30), Twixt s’apparente à une sorte d’anti-Dracula (20 ans pile séparent les deux films), comme si Coppola voulait prouver qu’il pouvait aborder un même genre d’une toute autre manière. Ici, le mythe du vampire y est plus anecdotique (que V soit un vampire n’a pas de réel impact sur l’histoire), à l’extrême opposé de l’iconographie absolue de son Dracula de 1992, qu’il considère pourtant comme un « film de commande » (avec des « effets à la Méliès ») alors qu’il était un « réalisateur à Hollywood ». Bien que tournant en digital, Coppola renoue avec ce qu’il faisait quand il était jeune et retrouve un fantastique à l’ancienne, à la fois très littéraire et très "pellicule", conviant les fantômes d’Edgar Allan Poe (qui revient décidément à la mode, puisqu'il est aussi le personnage principal de L'Ombre du mal, sous les traits de John Cusack), de la Hammer, de la Universal ou même du Roger Corman d’autrefois.
Francis Ford Coppola préfère donc maintenant tourner avec des petits budgets et son propre argent, adoptant la méthode bricolée et économe héritée de son mentor Roger Corman, sur un sujet tirée de l’imagerie fantastique et horrifique. Comme les deux précédents films du cinéaste, Twixt pousse assez loin ce principe de liberté créatrice et de renouvellement total, au point de risquer de décevoir les fans puisque Coppola fait comme si ses précédents films n’existaient pas (ce qui n’empêche pas Twixt de s’imbriquer logiquement dans sa filmographie). Coppola dit avoir voulu étouffer cet aspect « grand réalisateur » de lui-même pour voir les choses autrement, faire tout ce que le grand Coppola ne ferait pas. Désormais, c’est le jeune Coppola, expérimental, curieux, imprévisible et marginal (ce qu'il a pourtant toujours été), qui repart de zéro pour se réinventer, qui veut faire un film tout neuf à chaque fois sans jamais se répéter, qui retrouve une envie et une énergie toutes juvéniles. La seule différence notable par rapport à un vrai jeune cinéaste qui réalise ses premiers films, c’est qu’un réalisateur aussi expérimenté que Francis Ford Coppola n’en a plus rien à cirer des mauvaises critiques (qu’il a subit toute sa carrière, même sur ses meilleurs films), de son image (son statut de grand réalisateur n’est plus à contester : il n’a plus grand-chose à prouver et peut donc prendre des libertés) ou de son avenir (bien qu’il veuille enchainer les films jusqu’à sa mort), et qu’il peut intégrer beaucoup d’éléments personnels dans ses films, puisqu'il a bien plus de vécu qu'un cinéaste de 25 ans. Bref, il fait les films qu’il veut dans son coin, sans être dépendant de son public, des résultats au box-office, des producteurs, etc. Coppola fait en quelque sorte ce que George Lucas promet de faire depuis plus de 10 ans.
La conclusion de Jonathan C. à propos du Film : Twixt [2012]
Quel étrange objet gothico-romantique, aussi ésotérique que fantaisiste, envoutant et pourtant pas agréable, réalisé avec légèreté et décalage, du moins jusqu’à un certain point, jusqu’au moment ou Coppola se confie et cesse de s’amuser pour dire la vérité. Twixt apparait alors comme une farce (une histoire abracadabrantesque de vampire, d’écrivain has been et de serial-killer dans un patelin de rednecks, piochant autant chez Edgar Allan Poe que dans les rêves du cinéaste) dans laquelle Francis Ford Coppola cherche la rédemption (« Je n’étais pas là »). Comme L'Homme sans âge ou Tetro, Twixt est pour Coppola un espace de liberté, une liberté salvatrice par laquelle le cinéaste s’exprime pleinement, se découvre, se réinvente et s’éclate. Totalement tenu sur le principe d’entre-deux de son titre, Twixt est fou, fougueux, jeune et maladroit comme un premier film, alors qu’il s’agit du dernier film en date d’un monstre du cinéma, qui a décidé de plaquer l’industrie hollywoodienne et son formatage pour faire ses petits films personnels, expérimentaux et fauchés dans son coin. Son Twixt est imparfait, mais très intéressant, atypique, traversé de stupéfiantes fulgurances. Coppola y assume sa démarche jusqu'au bout, d'ou cette expérience fascinante qui divisera radicalement et plus que jamais son public.
On a aimé
- Une atmosphère inquiétante et ensorcelante
- De l'horreur gothique à l'ancienne
- Un humour décalé et un second degré pastiche
- Un Coppola qui s'amuse autant qu'il se confie
On a moins bien aimé
- Une 3D sans intérêt utilisée sur seulement 2-3 séquences
- L'aspect figé et plan-plan des scènes non oniriques
- Une désinvolture presque je-m'en-foutisme dans le traitement fantastique
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