Critique Le Testament de Sinloss [2013]

Avis critique rédigé par Vincent L. le mardi 13 août 2013 à 08h44

Au croisement de plusieurs styles ludiques...

On connait Romaric Briand pour Sens Hexalogie, jeu de rôle de "philo-fiction" dont les partis-pris ont déjà fait couler beaucoup d'encre ici et là, et qui possède finalement autant de détracteurs que de fans. Aussi, lorsqu'est sorti Le Val - Le testament de Sinloss, sa dernière création ludique, on se doutait qu'il s'agirait une nouvelle fois d'un produit bien particulier. Et on ne s'est pas trompé ! Pour preuve, au premier contact, le jeu parvient déjà à destabiliser. Imaginez plutôt : vous commandez un jeu de cartes, et vous recevez... un livre... sans cartes... Et ce n'est que le début, car Le Val va par la suite constamment casser les routines, parvenant au final à échapper à toute tentative de catégorisation précise. Comme le moteur de Scifi-Universe oblige toute de même à le faire entrer dans une case, il est donc ici répertorié comme "jeu de cartes", mais en réalité, ce n'en est pas vraiment un. En tout cas, ce n'est pas juste un jeu de cartes.

Tout cela a rendu Le Val compliqué à tester, et ce parce qu'il est de prime abord compliqué de bien savoir à qui il s'adresse précisément. C'est en effet le revers de la médaille des jeux qui n'entrent pas dans des cases prédéfinies : on ne peut pas aisément leur associer de public(s) cible(s). Joueurs de jeux de société ? Joueurs de cartes à collectionner ? Joueurs de jeux de rôle ? Rolistes à tendance "narrativiste" ? Si vous vous trouvez au carrefour de ces quatres catégories, Le Val peut vous plaire ;  a contrario, si vous êtes allergique à n'en serait-ce qu'une seule, vous risquez probablement de ne pas l'apprécier outre mesure. La chose est d'autant plus compliquée que même la manière d'entrer dans le jeu peut totalement conditionner la réceptivité des joueurs, selon s'il est découvert grâce à une tierce personne qui va en expliquer les mécaniques, ou en lisant directement le copieux livre de règles.

De façon objective, froide et ludique, Le Val fonctionne très bien. L'influence de Magic, l'assemblée est présente (dans quel jeu de cartes ne l'est-elle pas ?), le jeu se trouvant doté de mécaniques simples, accessibles et efficaces. Si le hasard à ici sa place, il ne prend cependant pas le dessus sur l'aspect tactique. Il est en effet bien question de stratégie dans Le Val : dans les choix de placements de cartes (les configurations amènent des figures différentes, donc des façons de jouer bien distinctes), dans cette obligation de mémorisation (le jeu de l'adversaire est caché et ne se dévoile que temporairement), dans les diverses actions possibles (les interactions entre les joueurs ne se limitent pas à un simple "J'attaque") et dans les différentes manières de gagner une partie (il y a deux types de victoire possible). Cerise sur le gateau les parties sont courtes, et le jeu est doté d'un bon potentiel de rejouabilité (la vengeance est un plat qui, ici, se mange chaud).

Mais voilà, Le Val ne peut pas uniquement être envisagé de manière objective, froide et ludique. Ainsi, là où un éditeur se serait dirigé vers un format classique (une boite, des cartes, un livret de règles), Romaric Briand a quant à lui opté pour un autre traitement. Ici, point de cartes spécifiques (Le Val se joue avec un jeu traditionnel de cinquante-quatre cartes, qu'il vous faudra vous procurer) mais un livre format A5 de cent trente pages. Question accessibilité, on est donc loin du traditionnel fascicule, et de cette norme ludique qui veut qu'un jeu soit quasi-immédiatement jouable. Avant d'entamer la première partie, il faut donc... lire ! Rassurez-vous ceci dit, il ne s'agit heureusement pas que de règles. Le Val est en effet doté d'un background mettant en place tout un univers autour des mécaniques, et permettant de contrebalancer l'aspect austère du livre ainsi que l'absence d'illustrations dédiées. Ici, tout se passe dans l'imagination du lecteur.

Cet univers correctement détaillé aurait pu n'être qu'un gadget, mais il apparaît, petit à petit, que Le Val dispose d'un excellent potentiel pour amener les participants vers la narration (dès lors que l'on n'y est pas allergique, bien entendu). Dans cet aspect particulier, Le Val s'apparente ainsi beaucoup à un jeu narratif, les paroles des joueurs et l'imagination venant une nouvelle fois contrebalancer l'utilisation de cartes basiques (donc, a priori, peu propices à faire rêver). Ce faisant, le jeu acquière une dimension particulière, surprenante même étant donné qu'elle n'existe pas au premier abord, mais se dévoile progressivement au fur et à mesure que les mécaniques sont assimilées. Cela lui permet d'établir des passerelles entre des styles ludiques d'ordinaire bien distincts (si on peut en effet jouer à Magic, l'assemblée de façon "narrative", rares sont les joueurs à le faire réellement car le jeu, en se suffisant à lui-même, ne les y incite pas).

Au final, pour apprécier Le Val, il faut donc aimer : les cartes, jouer stratégiquement, faire fonctionner sa mémoire, lire, endosser un rôle, raconter des histoires et jouer à des jeux qui n'entrent pas dans les normes. Il faut également réussir à passer outre la mise en forme peu engageante, et vouloir s'investir pour surmonter une première difficulté liée à une prise en main peu aisée. Si vous réunissez l'ensemble de ses critères, n'hésitez pas une seconde, le jeu est fait pour vous, et vous promet des parties endiablées et de beaux moments ludiques. En revanche, si au moins l'un de ses aspects vous rebute, vous risquez de passer à côté de ce qui fait la force et l'originalité du jeu, ou de ne pas l'appréhender dans tout ce qui fait sa quintessence. Si chacun verra comment se positionner à l'aune de ses attentes et de ses réticences, il n'empêche malgré tout que Le Val est un jeu original, hors-normes, et qui ne possède finalement pas d'équivalent sur le marché.

La conclusion de à propos du Jeu de cartes : Le Testament de Sinloss [2013]

Auteur Vincent L.
85

Le Val se trouve au croisement de plusieurs styles ludiques d'ordinaire bien distincts. S'il bénéficie en effet de mécaniques efficaces (notamment en terme de stratégie), il ne peut au final pas être réduit à ce simple aspect technique. Le développement conséquent de son univers (longuement présenté dans le livre de règle) ainsi que son aspect narratif (le jeu incite les joueurs à développer une histoire relatant ce qui se passe sur la table) le font en effet sortir de toutes forme de catégorisation. Le bon côté, c'est que Le Val est clairement hors-norme et ne ressemble à aucun autre ; le mauvais, c'est qu'il s'adresse ouvertement à un public particulier, quitte à se couper de tous les autres par ses divers partis-pris. A voir, maintenant, ce que vous recherchez précisemment dans un jeu car en fonction de cela, vous pourrez adorer comme détester Le Val.

On a aimé

  • Des mécaniques simples,
  • Tout l'aspect stratégique,
  • Hasard correctement dosé,
  • Un concept peu onéreux,
  • Une bonne rejouabilité,
  • Un jeu hors-normes et surprenant.

On a moins bien aimé

  • Une prise en main peu aisée,
  • Une mise en forme austère.

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