Critique Aeon's End [2018]
Avis critique rédigé par Christophe H. le samedi 22 septembre 2018 à 09h00
La fin n'est que le commencement
Aeon's End est un jeu édité dans sa version française par Matagot. Il s’agit d’un deck-building coopératif dans lequel les joueurs doivent, ensemble, venir à bout d’une Némésis gérée de manière autonome. Pour ce faire, les alliés vont devoir monter en puissance au fur et à mesure de la partie et vaincre leur ennemi avant que celui-ci ne détruise la dernière cité du Monde-qui-fût : « Gravehold ».
Vous le sentez le côté "acculé et sans espoir" sur la boite ?
Avant de s’intéresser aux règles, je vais développer un brin le contexte d’Aeon’s End car il prend toute son importance dans les mécaniques et les sensations de jeu que l’on peut ressentir durant les parties. Dans un monde Post-Apocalypse/Fantastique, une dernière cité souterraine du nom de Gravehold lutte pour sa survie face aux Sans-Noms, des créatures maléfiques cherchant à la détruire. Pour cela, ces dernières utilisent des brèches leur permettant de se déplacer. Et c’est là que vous, joueurs, intervenez. Vous incarnerez les défenseurs, les derniers remparts de Gravehold. Ces brèches, vous allez vous en servir, puiser dans leur éther la possibilité de les utiliser pour lancer de puissants sorts qui affecteront la Némésis, ses menaces ou vous-même (notamment par le biais de soin ou de pioche). L’univers est très présent lors d’une partie. Les textes de présentation, le système de brèches, les illustrations et le contexte font d'Aeon’s End un jeu immersif.
En ouvrant la boite, la première chose que l’on voit est un panneau « stop » sur une feuille. Sur celle-ci sont indiqués les conseils de mise en place pour une première partie. Il ne s’agit pas des règles mais juste le matériel que vous devrez utiliser pour découvrir le jeu « en douceur » (vous noterez les guillemets). Même si optionnelle, je conseille de faire cette « partie d’initiation » avant toute autre, elle permet d’avoir un aperçu de ce que le jeu a à proposer sans trier l’ensemble des cartes avant de se lancer.
La mise en place se fait en suivant le guide, à savoir que chaque joueur choisi un plateau de personnage parmi les huit de la boite (quatre sont conseillés pour la première partie), construit sa main de départ et sa pioche uniques et installe les quatre brèches dans la position adéquate. Puis, chaque joueur prend un numéro de 1 à 4 qu’il conservera pour la partie et qui servira à déterminer l’initiative. Celle-ci sera déterminée aléatoirement à chaque tour, et sera générée sous la forme d’un paquet de cartes correspondant au numéro des joueurs et à la Némésis. Le côté aléatoire de l’ordre du tour donne un plus certain au jeu. On se surprend à espérer que le prochain à jouer ne soit pas la Némésis, c’est bien trouvé et ça fait monter doucement la tension dramatique.
Chaque personnage étant différent, les plateaux contiennent toutes les informations nécessaires pour une mise en place rapide et individuelle.
Il faudra ensuite choisir la Némésis à affronter parmi les quatre présentes dans la boite et créer son deck qui rendra sa gestion quasi autonome. Elle génèrera ainsi ses propres menaces (serviteurs, pouvoirs ou attaques) qui viendront donner du fil à retordre aux joueurs. La quantité dépendra du nombre de joueurs assis autour de la table, l’épuisement de son deck étant une possibilité de victoire. A noter qu’au fur et à mesure de l’avancée de la partie, la Némésis devient elle aussi de plus en plus puissante. Restera ensuite le « marché », à savoir neuf piles de cartes composées de quatre sorts, trois gemmes et deux reliques prises au hasard et posées au centre de la table. Ce sera dans ces cartes-ci que les joueurs achèteront celles qui viendront renforcer leurs decks. Premier sentiment à ce niveau-là, un grand choix proposé et la rejouabilité qui en découle. 27 cartes différentes pour le marché, 4 Némésis et 8 personnages. A cela s’ajoutent des variantes offrant une modification de la difficulté ou une possibilité de jeu solo (j’y reviendrai).
La mise en place peut sembler fastidieuse de prime abord, notamment à la lecture des règles, mais ce n’est qu’une impression. La première partie se fait en suivant les indications écrites sur la feuille à part et pour les suivantes, les séparateurs de cartes fournis permettent de ranger l’ensemble de façon structurée et de facilement s’y retrouver. On notera au passage le thermoformage de qualité attendant probablement de futures extensions.
On espère inclure des extensions...
Vient ensuite la partie à proprement parler. Chacun jouera lorsqu’une carte de la pile d’ordre du tour révèlera son numéro, Némésis comprise. Le joueur va voir son tour divisé en trois phases. La première phase (dite d’incantation) va permettre de lancer les sorts préalablement préparés le tour d’avant. La seconde sera la phase d’actions, lors de laquelle le joueur va avoir plusieurs possibilités lui permettant d’agrémenter son deck, placer ses sorts pour son prochain tour, stabiliser ou ouvrir une brèche, charger son pouvoir, appliquer des effets… C’est la phase au cœur du jeu, celle qui va permettre aux joueurs de progresser vers la victoire. Cela fait, le joueur pioche jusqu’à avoir cinq cartes en main. Attention toutefois, celles qui n’ont pas été utilisées ne sont pas défaussées. Autre particularité de ce deckbuilding, cette fois-ci, c’est l’ordre de défausse. Lorsque vous jouerez vos cartes, vous les défausserez dans l’ordre de votre choix et ceci aura une incidence tout au long de la partie. En effet, dans Aeon’s End, vous ne mélangerez pas votre défausse lorsque vous recréerez votre pioche. Les cartes reviendront donc dans l’ordre choisi. C’est important pour d’éventuels combos ou pour revoir plus vite une carte en particulier. Cette simple et petite variation d’une mécanique classique apporte un avantage indéniable et limite fortement toute partie « chance » de la pioche.
Vous remportez la partie, au choix, si la Némésis tombe à zéro point de vie ou si sa pioche et sa zone se retrouvent vides. Bonne chance ! Vous perdez si vous descendez tous à zéro point de vie ou si Gravehold est détruite. Information importante, si un personnage est épuisé (zéro point de vie), il ne meurt pas, il subit quelques effets néfastes ainsi que ses compagnons qui prendront des dommages collatéraux. Vous terminez la partie ensemble, sans élimination.
Pour les amateurs de jeu solo, c’est seulement ici que le bât blesse. En effet, vous jouerez avec deux personnages, trois fois par tour contre deux fois pour la Némésis. La mise en place est semblable mais adaptée (comme pour toutes les configurations) mais jouer deux personnages peut être moyennement appréciable sur un jeu assez exigeant qui demande une réelle optimisation. Certains apprécieront, d'autres trouveront ça peut-être pénible et moins immersif de jongler entre deux. Car dans Aeon’s End, même la partie d’initiation est un beau défi. La difficulté est bien présente et chaque Némésis propose une lutte épique différente de par ses effets et ses pouvoirs propres. A noter également que la difficulté est modulable tant vers le haut que vers le bas pour s’adapter à tous, débutants ou experts. Peut-être qu’un personnage jouable et équilibré uniquement pour le mode solo aurait suscité un plus grand intérêt de ma part pour cette variante mais elle a le mérite d’exister et de vous proposer des défis même sans personne avec qui jouer.
La conclusion de Christophe H. à propos du Jeu de société : Aeon's End [2018]
N’y allons pas par quatre chemins, Aeon’s End a énormément de qualités. Ses mécaniques, à la fois classiques (deckbuilding) et originales (ordre du tour, pioche anticipée par la défausse…) se marient parfaitement avec un thème très présent que l’on ressent tout au long de la partie. Les textes, l'utilisation des brèches et les superbes illustrations participent également à le rendre immersif. Quant aux nombres de personnages, Némésis et cartes « de base », il permet une importante rejouabilité. Et, vue la taille de la boite, on peut espérer que Matagot communiquera prochainement sur de futures extensions.
On a aimé
- Thème bien rendu, immersif
- Classique et novateur
- Mécaniques bien huilées
- Première partie "calibrée"
- Boite en attente d'extensions
On a moins bien aimé
- Le mode solo mériterait une attention particulière
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