Critique Antheas [2009]
Avis critique rédigé par Vincent L. le lundi 8 février 2010 à 14h27
Et si les Jeunes Royaumes étaient confrontés à The Mist ?...
Publié par les Editions Icare, Antheas - sous titré L'Archipel des Cimes - fut, à l'origine, un jeu de rôle amateur librement téléchargeable. Au croisement de plusieurs genre, il proposait un univers dans lequel l'humanité avait été contrainte de s'exiler sur les plus hauts sommets pour échapper à une mystérieuse brume mortelle qui montait de plus en plus haut. Un monde condamné, en somme, baigné dans une ambiance relativement sombre qui n'était pas sans rappeler les mondes mourants de Plagues ou de de Dying Earth. Il n'a donc pas été plus étonnant que ça de voir un éditeur professionnel récupérer le matériaux pour lui offrir la consécration d'une sortie papier ; toutefois, si les versions commerciales et amateurs possèdent le même titre et la même thématique, le travail de révision qui a été fait pour la sortie papier s'avère considérable, et, sans changer fondamentalement la donne, offre désormais au jeu une profondeur qu'il n'avait pas dans sa version précédente.
Antheas se présente donc sous un format "trésor", dimension A5, couverture rigide et papier glacé, qui donne au jeu une identité visuelle rappelant fortement les produits de John Doe ou des XII singes. Néanmoins, loin de s'apparenter à un jeu one-shot qui se suffirait à lui-même, Antheas est un univers particulièrement riche dont les clés ne sont pas toutes données au maître de jeu dans les cent quatre-vingt douze pages qui constituent ce livre de base. Prenant le pari risqué de présenter le monde sous la forme d'une nouvelle - en l'occurence l'écrit d'un docte-mestre, sorte de gardiens du savoir - Denis Pouchain nous décrit l'univers de L'archipel des Cimes via le regard d'un individu, ne donnant pas, de fait, une vision omnisciente du monde au lecteur. Ainsi, nombre de secrets sont présentés, quelques-uns vont trouver des réponses, mais la majorité va rester dans un flou plus ou moins bienvenu.
En effet, si la prose est agréable à lire - chose assez peu fréquente lorsque des auteurs de jeu de rôle se risquent à de la novellisation - il est résulte, en bout de lecture, une certaine frustration due au fait que l'on ait pas l'impression d'avoir sous les yeux un univers complet, mais un jeu qui appelerait nécessairement un ou plusieurs suppléments, qui donneraient notamment les clés de tous ces mystères que l'on suppose reliés par un fil rouge. Si l'on pourra admettre que cela donne à chaque maître de jeu le pouvoir de créer sa propre version de l'univers, ainsi que le dénouement qu'il souhaite, il en résulte qu'il existe, en fonction de l'imagination du MJ, un risque de voir Antheas affligé du terrible syndrôme Lost, où, au final, le mystère serait terriblement plus exitant que les révélations qui en découlent.
Sorti de la brume, le monde en lui-même fait au départ quelque peu penser aux Jeunes Royaumes de l'univers d'Elric, fait de désespoir et de luttes armées aussi stupides qu'inutile. Mais dans cet univers mourant - du moins du strict point de vue des hommes - sont mis en place nombre d'éléments originaux qui démarquent Antheas du commun des univers médiévaux-fantastiques. Ainsi, en poussant le raisonnement dans ses plus extrêmes limites, on pourrait même qualifier Antheas de premier jeu médiéval-fantastique de space-opéra. Les nefs, par exemple, donnent au jeu une identité forte, remplaçant les traditionnels moyens de locomotion par ce qui peut s'apparenter à des vaisseaux spaciaux, l'ordre des Ragnarim fait quant à lui furieusement penser à l'ordre des chevaliers Jedi, et les mineurs de brume utilisent, pour descendre dans les tréfonds de la terre, des scaphandres rappelent les combinaisons utilisée pour naviguer dans le vide spatial.
Le monde d'Antheas est d'ailleurs suffisament bien décrit pour permettre aux maîtres de jeu de le faire vivre sans avoir trop de travail en amont de sa partie. Si, restriction du format oblige, le texte est obligé de se cantonner au général et d'évacuer purement et simplement le particulier - les descriptions des villes ou des divers protagonistes sont particulièrement légères - il est assez aisé de se faire une idée correcte de ce à quoi peut ressembler cet univers et cette ambiance particulière. Le fait qu'il n'y existe pas de créatures non-humaines civilisées - elfes ou nain par exemple - permet de se focaliser sur d'autres détails important, notamment tout cet aspect "survie" qui est la clé de voute de L'archipel de Cimes. A noter, d'ailleurs, que ce livre de base propose un scénario d'introduction qualitatif qui pose correctement et efficacement les tenants et aboutissants de cet univers, ainsi que ses nombreuses possibilités de jeu.
Le système de jeu, dédié, a quant à lui visiblement été conçu dans un soucis de simplicité. Loin d'être simulationniste, il privilégie avant toute autre chose des résolutions rapides, même si cela doit aller au détriment d'un quelconque aspect stratégique. Le résultat final, bien que pas original pour un sou, est pourtant efficace, simple à assimiler - que ce soit pour les joueurs ou pour le maître de jeu - et aisément modulable en fonction de situations grâce au nombre important de combinaisons composantes/moyens. Celui-ci trouve en revanche plus ses limites dans sa manière de concevoir la magie, originale lorsqu'elle est décrite dans le background, mais au final très convenue lorsqu'elle est gérée par ce système de jeu. D'une manière générale, la partie règle reste peu développée, l'auteur ayant visiblement préféré - et c'est tant mieux ! - se concentrer sur son univers.
La conclusion de Vincent L. à propos du Jeu de rôle : Antheas [2009]
Sous son format de jeu court, Antheas cache un univers vaste et passionnant se situant au carrefour de plusieurs genres. Servi par un système de jeu simple, le jeu de Denis Pouchain ne souffre pour l'instant que du fait qu'aucune véritable réponse ne soit donnée quant à la pléthore de secrets qui sont livrés au lecteur. Une fois terminé le livre de base, les sentiments sont donc divisés entre de l'admiration vis à vis de cet univers dans lequel on ne demande qu'à entrer, et une extrème frustration de ne pas savoir le fin mot de nombre de ces dramatiques histoires.
On a aimé
- Un univers original et passionnant,
- Un système de jeu simple,
- Permet de nombreuses possibilités de scénarios,
- Formellement réussi.
On a moins bien aimé
- Un jeu de secrets sans véritables réponses,
- Un système de magie pas exceptionnel.
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