Critique Sucker Punch [2011]

Avis critique rédigé par Vincent L. le jeudi 31 mars 2011 à 16h06

C'est beau... mais c'est tout...

En l'espace de quatre films, Zack Snyder n'avait jamais tourné d'oeuvres originales. Devenu célèbre pour son remake efficace du Zombie de Romero (L'Armée des morts), celui-ci s'est par la suite illustré dans le domaine de l'adaptation excessivement fidèle, allant jusqu'à transposer sur grand écran la dynamique de vignettes de bande-dessinées (300 et Watchmen). Bref, au regard de films aussi réussis sur la forme que d'un intérêt discutable sur le fond (pourquoi faire une adaptation ciné si c'est pour faire strictement la même chose), on se demandait tout de même si Snyder, au delà d'un talent graphique indéniable, était un vrai réalisateur. Et pour avoir la réponse, on attendait patiemment que celui ci se frotte à un scénario original, non adapté, sur lequel il puisse démontrer d'une certaine personnalité. Sucker Punch marque donc son baptème du feu, puisqu'en plus de réaliser un scénario original, il cumule sur ce long-métrage les postes de scénariste et de producteur.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat final est loin d'être convaincant, et tend à placer Zack Snyder dans la catégorie du "technicien brillant". Ceci dit, on ressort quand même du film avec un léger doute quant à la réponse à apporter. En effet, si Sucker Punch est une oeuvre créée de toute pièce - en tout cas, le film est présenté comme tel - il s'avère qu'elle n'a absolument rien d'original. Le scénario est ainsi un patchwork d'une vingtaine d'autres oeuvres (au minimum), de la BD au jeu-vidéo en passant par la littérature et le cinéma, qui ont été jetées pèle-mêle au coeur d'un script dont l'unique justification est d'essayer de faire se tenir entre elles des séquences qui, a priori, n'ont rien à voir. Sucker Punch pourrait donc être résumé ainsi : l'adaptation de dizaines d'oeuvres complètement différentes au sein d'un même film, avec comme fil rouge une histoire justifiant de manière plus ou moins convaicante un melting-pot presque indigeste.

Dans les mains d'un tout autre metteur en scène, Sucker Punch aurait clairement été un calvaire de chaque minute. Seulement voilà, Zack Snyder possède un véritable talent formel doublé d'un sens de l'esthétique indéniable. Conséquence : son film est tout simplement magnifique, un bonheur de tout les instants qui ravit les yeux. Impeccablement maîtrisé lors des scènes d'actions, Sucker Punch ne souffre d'aucune véritable faute formelle, et ce d'autant plus qu'il s'appuie sur une BO bien pensée qui colle parfaitement aux thématiques du scénario (des remix de Sweet Dream, Where is my mind, Asleep, White Rabbit, ...). Lors des séquences de combat, Snyder fait preuve encore une fois d'une grande efficacité (certaines séquences souffrent tout de même d'une certaine illisibilité en 2D, mais passons...), et ce serait faire preuve de mauvaise fois que de revenir sur ces qualités formelles juste parce que tout ce qui les entoure est d'une médiocrité souvent affligeante, parfois au confin d'une apologie du ridicule.

On peut de plus voir Sucker Punch comme le premier film/jeu vidéo de l'histoire. Même si d'autres longs-métrages se sont déjà approchés très près (Doom ou Prince of Persia pour ne citer que les plus récents), tous avaient fait l'effort d'un semblant de scénario (même pourri). Ce n'est pas le cas ici, les séquences étant totalement déconnectées les unes des autres, on retrouve tous les poncifs liés au jeu vidéo grâce au personnage interprété par Scott Glenn : d'abord en mode didacticiel, celui-ci apparaît par la suite au début de chaque rêve pour expliquer le contexte, la mission, ainsi que "ce qu'il ne faut surtout pas faire" (et qui sera fait, bien entendu), avant de disparaître, au détour d'un plan, comme si de rien n'était. Si l'on nous épargne les points d'expérience en fin de séquence, il n'empêche que l'impression est constante d'être devant une cinématique grandeur-nature sur laquelle on n'aurait absolument aucune prise. L'effet, au final, retire toute forme de substance du film.

Parce qu'en effet, Sucker Punch est une belle coquille très vide. Fonctionnant sur un unique ressort scénaristique - trouver quatre objets au sein de quatre niveaux différents - le film tourne très rapidement en rond. Passé la relative surprise de la première séquence, lorsque l'on comprend comment fonctionne le film, et bien il ne reste plus qu'à s'auto-lobotomiser pour n'avoir juste qu'à regarder de belles images (ainsi qu'un quintette d'actrices plutôt mignonnes). Parce qu'en dehors des séquences d'action proprement dites, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent : l'histoire, éventée, n'a aucun intérêt, les personnages ne sont pas attachants du tout (le pauvre Scott Glenn est ridicule) et les dialogues sont fades (parfois groteques même). Le pire, finalement, c'est que Snyder n'assume pas totalement son propos, et tente de nous surprendre avec une sorte de twist final très maladroit, lequel, au lieu de masquer la vacuité du scénario, ne fait finalement que mettre en exergue tous ses points faibles.

Entre une esthétique forte et un scénario moisi, on aurait finalement pu aboutir à un long-métrage moyen, dans le style d'un blockbuster de base. Seulement voilà, il y a un petit grain de sable dans la mécanique huilée du film : celui du rythme. C'est finalement un défaut récurrent dans les films de Zack Snyder que de ne pas savoir parfaitement maîtriser le timing (300 et Watchmen souffraient de grosses chutes de rythme), et la chose est mise en valeur dans Sucker Punch. Ainsi, entre des séquences d'actions totalement débridées (un peu too much d'ailleurs, de temps en temps) sont intercallées des scènes d'une molesse incroyable ; n'y allons pas par quatre chemins, on se fait vraiment chier entre ces diverses séquences de rêve. La chose est logique, finalement, Snyder ne s'intéressant pas vraiment à ce qui est raconté (Sucker Punch n'est qu'un exercice de style), le spectateur n'a finalement que faire de cette histoire. Dénué de tout intérêt dramatique, Sucker Punch ennuie plus qu'il n'amuse.

C'est finalement cette absence de ressort dramatique qui nuit véritablement à l'efficacité du film. En effet, on ne pourra pas accuser Sucker Punch de nous avoir menti sur la marchandise tant les divers trailers annonçaient clairement la tonalité du long-métrage. Pourtant, en plaçant son film sur des rails inamovibles, Snyder a réduit à néant tout l'aspect "incertitude" intimement lié à l'efficacité des scènes d'actions. Ainsi, si, d'une manière générale, le spectateur sait qu'à la fin le héros gagnera, ce sont tous les imprévus intermédiaires qui font la substance des films d'actions. Ici, tout est prévisible, on sait, dès le début de la séquence, que les héroïnes vont gagner, et, même si elles devaient perdre, cela n'aurait finalement aucune espèce d'importance étant donné que tout cela se situe dans un rêve (à titre de comparaison, Inception, qui fonctionnait sur un principe relativement similaire, introduisait un enjeu avec les limbes). Et lorsque l'on comprend que l'on a tord, il est trop tard, le film est terminé.

Enfin, on pourra trouver dans Sucker Punch une véritable redite dans le travail de Zack Snyder. Certains plans sont ainsi de purs copier-coller de ce qu'il avait déjà pu faire dans ses précédents long-métrages (la scène de l'enterrement, au tout début du film, pour ne citer que la plus évidente), plans qu'il avait déjà repris sur une autre oeuvre originale (Watchmen, pour cette séquence du cimetierre). Cela tend à démontrer de ses limites en tant que réalisateur, ainsi que le fait qu'il s'agisse plus d'un faiseur très efficace que d'un vrai réalisateur. Ceci dit, ne tombons pas dans le procès gratuit, Snyder n'est tout de même pas un boulet à la Brett Ratner, ou un légume à la Paul W. S. Anderson, et ses longs-métrages sont incommensurablement plus intéressants que ceux d'un vulgaire yes-man. Ceci dit, rendons à César ce qui est à César, et à Snyder ce qui est à Snyder : l'épreuve du feu s'est avéré être un échec, et les galons de réalisateurs sont, fort malheureusement, restés dans leur boite.

La conclusion de à propos du Film : Sucker Punch [2011]

Auteur Vincent L.
40

On se demandait jusqu'ici si Zack Snyder était un vrai réalisateur, ou simplement un bon technicien très efficace. Avec Sucker Punch, la réponse nous est enfin apportée : il est un technicien brillant, possédant un véritable sens de l'esthétique ainsi que des capacités formelles indéniables, mais il n'a rien d'un vrai réalisateur (dans le sens noble du terme). Aucun univers, aucune personnalité ne se dégage de son cinquième film, juste une quantité astronomique de références piquées à droite et à gauche, à peine prédigérées et mises en relation les unes avec les autres pour aboutir à une mixture à la limite de l'indigeste. Uber-geek ultime, Snyder livre ici une oeuvre maladroite, peu aboutie, sorte d'adaptation d'une vingtaine d'oeuvres différentes au sein d'un seul et unique long-métrage. Sucker Punch parvient donc à prouver que l'on peut faire cohabiter film de sabre, dragons, nazis, robots, orcs, film de guerre, gunfight, steampunk, ninjas et zombies ensemble... Comment ? En faisant n'importe quoi...

On a aimé

  • Une esthétique magnifique,
  • Réalisation appliquée, efficace dans l'action,
  • Une BO originale et bien pensée.

On a moins bien aimé

  • Fonctionne sur un unique ressort scénaristique,
  • Aucune tension dramatique,
  • Scénario médiocre,
  • De gros soucis de rythme,
  • De la redite dans le travail de Snyder,
  • S'apparente parfois à une apologie du ridicule.

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