Critique Perdus sous la pluie #1 [2014]

Avis critique rédigé par Vincent L. le mercredi 30 novembre 2016 à 13h00

Stand by me...

Deux ans après la parution de son premier jeu, Les Errants d'Ukiyo, Vivien Féasson est revenu en 2014 avec le surprenant et inattendu Perdus sous la pluie. Jeu de rôle à narration partagée, il propose aux participants d'interpréter des enfants traqués par de mystérieuses créatures cherchant à les dévorer. Entre son concept particulier (on joue des enfants condamnés à mourir à court terme), son format original (un petit livre d'une soixantaine de pages conçus pour ressembler à un livre pour enfants) et son prix de vente plus que modique (une dizaine d'euros), Perdus sous la pluie avait immédiatement retenu notre attention.

Pourtant, à bien y regarder, le jeu ne propose a priori rien de révolutionnaire. Le background est en effet réduit à une simple dimension conceptuelle (on ne connait pas le pourquoi du comment de ce qui se passe, rien n'est précisément défini), les mécaniques proposées s'inscrivent dans la droite lignée des jeux à narration partagée (présence forte des règles pour cadrer la narration, format court en terme de temps de jeu, absence de préparation préalable à la partie) et son concept particulier, induisant la survie d'un unique personnage réduit son utilisation à une unique dimension de one-shot.

« C'est en fait dans son ambiance très particulière que Perdus sous la pluie trouve son identité. Il ne veut en effet jamais aller vers le glauque, le trash ou la violence gratuite mais bien vers le conte macabre qui cherche à se parer d'une véritable beauté. »


Si l'on prend un à un les ingrédients traditionnels du jeu de rôle, Perdus sous la pluie n'a donc rien de particulier (à moins de n'avoir jamais essayé de jeu à narration partagée, mais gageons que c'est de plus en plus rare aujourd'hui). C'est en fait dans son ambiance très particulière que Perdus sous la pluie trouve son identité : il ne veut en effet jamais aller vers le glauque, le trash ou la violence gratuite (un travers qui aurait pu être facile vu que le jeu s'articule quand même autour de la mort d'enfants) mais bien vers le conte macabre qui cherche à se parer d'une véritable beauté.

Perdus sous la pluie est donc un jeu qui se veut poétique. En effet, en faisant de l'adversité quelque chose d'intangible et d'indéfini (l'idée n'étant pas de raconter avec moult détails comment des enfants meurent dans d'atroces souffrances mais au contraire d'utiliser des ellipses ou des métaphores), Vivien Féasson est parvenu à créer une altérité modulable qui est un puits d'inspiration énorme pour enrichir la narration et l'amener vers quelque chose de beau et d'émouvant. Et il est là LE point fort de Perdus sous la pluie : dans le voyage initiatique qu'il propose de créer, le jeu sait faire naître des émotions chez ses participants.

Si les règles sont relativement classiques (en tout cas pour un jeu à narration partagée), on se rend rapidement compte qu'elles ont été concues pour cadrer les parties et les amener vers cette atmosphère de poésie macabre : entre petits trucs formels (découpage par chapitre, utilisation du "je/tu") et minimalisme recherché (la création de personnage qui donne quelques cartouches pour commencer tout en laissant suffisamment de zone d'ombres à développer), on se sent constamment guidé pour aboutir à un résultat bien précis.

Mais si le jeu est rapide à lire, si les mécaniques sont simples à assimiler et si les parties sont courtes, Perdus sous la pluie n'est cependant pas un jeu à destination de tout type de public. Bien au contraire, Perdus sous la pluie est un jeu exigeant qui suppose une véritable discipline des participants. Parce que bien interpréter des enfants est vraiment compliqué, le jeu nécessite un cadrage pour lui éviter de partir dans tous les sens et devenir une bouffenerie pure et simple, soit l'exact opposé de ce qu'il cherche à amener.

On notera enfin que Perdus sous la pluie se situe à mi-chemin entre du narrativisme et du ludisme. Bien que l'objectif soit tout de même de créer ensemble la meilleure histoire, la partie ne se termine que lorsqu'il n'y a plus qu'un seul survivant autour de la table. En terme de mécaniques, cela se traduit une idée concrète forte : chaque joueur dispose d'un pool de jetons qu'il faut physiquement faire disparaître de la surface de jeu. Perdus sous la pluie est à ce titre un vrai jeu de coopétition : il faut collaborer avec les autres pour aboutir à la meilleure partie (narrativement parlant), tout en les pourrissant pour gagner (ludiquement parlant). L'expérience ludique n'en est que plus passionnante.

La conclusion de à propos du Jeu de rôle : Perdus sous la pluie #1 [2014]

Auteur Vincent L.
85

Doté d'un pitch aussi simple que génial, Perdus sous la pluie est un petit bijou de poésie macabre qui pourra réserver aux joueurs des parties mémorables. "Pourra" car le jeu, exigeant, suppose que les participants se tiennent à une certaine discipline pour aboutir à un résultat de qualité, faute de quoi les parties pourront se transformer en grand n'importe quoi sans intérêt. Malgré son apparente facilité de prise en main, il s'adresse donc surtout à des joueurs avec de la bouteille n'ayant pas peur d'expérimenter des sensations de jeu nouvelles. Pour quinconque en fera l'effort, le jeu en vaut clairement la chandelle.

On a aimé

  • Un concept génial,
  • L'ambiance "poésie macabre",
  • Le système de jeu,
  • Les illustrations,
  • Le format et son prix.

On a moins bien aimé

  • Un jeu exigeant qui suppose une certaine discipline,
  • Limité a du one-shot.

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