Critique Les Souvenirs de la Glace #3 [2019]

Le livre des Martyrs est une saga de fantasy épique spectaculaire de Steven Erikson, inspirée du monde et des campagnes de jeu de rôle jouées par ses amis et lui. Les éditions Leha ont décidé depuis l’an dernier de proposer la traduction de cette œuvre colossale en 10 tomes et voici aujourd’hui la chronique du troisième tome : Les Souvenirs de la Glace. La couverture de Marc Simonetti est superbe. Les cartes de Genabackis et de la ville de Capustan en début d’ouvrage, ainsi que la liste des personnages par faction et un glossaire en fin de roman seront utiles, n’hésitez pas à vous y référez.

Qu’est-ce que le Le livre des Martyrs ?

Cette décalogie relève de la high fantasy épique, sombre et violente où la magie est dérangeante, dangereuse et les combats nombreux et immersifs. L’univers est en guerre dans plusieurs régions suite aux velléités expansionnistes de l’Empire malazéen. Mais d’autres forces œuvrent dans l’ombre, dont des dieux eux-mêmes. La magie de cet univers utilise des voies appelées garennes qui offrent entre autres la possibilité de voyager très vite d’un point à un autre. Le début de la saga nous présente moult personnages mais pas un héros seul, tous les personnages sont importants et impactent l’histoire mais aucun n’est le principal, pas même les méchants qui se cumulent. Parmi ces personnages, des soldats téméraires, des mages ambitieux, des assassins extrêmement doués membres de la Griffe mais aussi des races surprenantes, originales, un véritable monde crée de toutes pièces, dense, riche et complexe. Le tome 1 racontait entre autre le combat entre l’impératrice Laseen et le seigneur des jardins de la Lune Anomander Rake sur le continent de Genabackis. Le second nous transportait sur le continent des sept cités où la révolte grondait… Et où le désert était le lieu de rencontres étranges.

Un troisième tome en parallèle du second

Après un deuxième tome qui nous avait emmenés loin de Genabackis, nous revenons sur ce continent ravagé. Il est tout à fait possible de lire ce tome 3 avant le deux, les événements se déroulent sur la même ligne temporaire. 

L’Empire Malazéen est au plus mal et de colère, Laseen purge sa noblesse. Une nouvelle menace émerge, le Domin de l’oracle de Pannion. Telle une marée de sang corrompu, il dévore ceux qui refusent de se soumettre à la sainte parole de son tyran fanatique et cruel. Ces fanatiques s’avèrent plus dangereux que prévu. Mais les Brûleurs de Ponts, 38 vétérans râleurs et gouailleurs (enfin ils sont de retour !) menés par Ganoes Paran ne vont pas rester sans rien faire et s’unissent à l’ost du haut poing renégat Dujek Unbra dont Mésangeai est devenu le bras droit. Malheureusement il est plus que nécessaire de trouver de nouveau alliés face à cette menace. C’est ainsi que se forge une alliance inattendue et improbable avec les forces du seigneur de guerre Caladan Rumin mais également avec les Tistes Andii d’Anomander Rake, le mélancolique seigneur des jardins de la Lune, les Barghasts du nord et les Rhivis des plaines. Autant de factions qui souhaitent un futur différent et qui offrent des points de vue variés sur la situation chaotique de Genebackis. Les pourparlers sont d’ailleurs un passage passionnant du roman, des discussions politiques, aux théories sur le Domin de Pannion, la présence de Renarde Argentée ou les questions de stratégie militaire : doit-on aider à défendre Capustan en Genabackis oriental ou la laisser tomber aux mains des fanatiques.

Dans ce chaos, les clans t'lan imass se sont également réveillés. Ils répondent à l’appel de l’antique rassemblement lancé par la première Jeteuse d’Os à avoir vu le jour depuis des milliers d’années, Renarde Argentée. Les garennes magiques sont aussi en émoi : une infection se propage et corrompt les garennes… le Dieu Estropié serait de retour. La magie est toujours aussi dérangeante, dangereuse et inquiétante dans ce volume.

Dans ce tome aussi riche et épique que les précédents si ce n’est plus, la guerre continue d’embraser le monde, des démons anciens ennemis des t’lan imass déferlent sur Genabackis. Intense, brutal, cruel, le récit est déchirant. Des milliers de gens massacrés, un rythme haletant et nous suivons avec émotion les personnages que nous avions adorés dans le premier tome : Paran et Mésangeai en particulier, mais aussi Ben le Vif, Toc le Jeune et sous une autre forme Loquevoile. Ganoës Paran est brisé et un mal magique semble l’avoir atteint lors de son voyage à Darujhistan. Les histoires personnelles alternent avec le destin d’un continent entier. La psychologie des personnages est enrichie, affinée. De nouveaux personnages sont introduits, humains comme Grognard un capitaine d’escorte de caravaniers qui se retrouvent à travailler pour deux personnages étranges. Et enfin, nous en découvrons plus sur l'origine des t’lan imass !

Steven Erikson passe la troisième dans ce tome, plus violent et sombre que les deux autres réunis. L'intrigue alterne avec brio les différentes perspectives, navigue entre l'intime et l'épique et dépeint une menace réellement effrayante. Bravo au passage à la traduction de Nicolas Merrien. Une lecture exigeante mais gratifiante, profitez d’un moment calme pour savourer ce cycle hallucinant !