Critique 2312 [2017]
Avis critique rédigé par Frédéric M. le lundi 27 mars 2023 à 10h00
Un bel univers qui ne raconte pas grand chose
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je tente encore de lire des ouvrages de Kim Stanley Robinson ? Parce qu'à force de jouer à Terraforming Mars, je me dis que je suis passé à côté de quelque chose dans ma lecture inachevée du Cycle de Mars ? Parce qu'au fond de moi, je regrette d'avoir lâché Chroniques des Années Noires (une uchronie au point de départ pourtant alléchant) au out de 900 pages sur le millier qu'il en compte ?
Je ne sais pas. Il y a des mystères, comme ça. 2312 en est un nouveau. Alors, oui, vous vous en doutez à cette courte introduction, je n'ai pas beaucoup aimé le livre. Qui regorge d'idées, pourtant.
L'histoire début à la mort d'un personnage central par son absence, et dont on suspectera tout du long qu'elle a été assassinée - sans que cela soit démenti ou élucidé. Ce n'est pas le propos. Nous allons plutôt suivre le parcours de sa petite fille dévastée par cette mort, et pourtant bientôt embarquée dans une enquête qui l'emmenera aux quatre coins du système solaire.
Ce qui n'a rien d'étonnant à l'époque où se situe le roman : l'humanité a pris son envol, laissant derrière elle une Terre pourrie par la pollution, et dont pourtant elle ne peut se couper : l'espèce humaine est encore trop biologiquement attachée à la gravité, au grand air, au soleil à travers l'atmosphère (fut-elle chargée en CO2) de la planète mère. La terraformation de Mars est de l'histoire ancienne, celle de Vénus avance à grand train, des solutions techniques ont été trouvées pour habiter Mercure et les lunes joviennes et saturniennes se remplissent à vue d'œil. Tous ces endroits sont décrits avec force détails, présentant une diversité d'habitats et d'environnements qui ravira les amateurs de hard science et les personnes en quête d'inspiration pour des jeux de science-fiction réaliste à l'âge de l'expansion (le jeu adapté de The Expanse ou Oreste, au hasard).
Le système solaire regorge par ailleurs de terrariums, des astéroïdes évidés (l'auteur nous explique comment sur quatre pages si vous ne savez pas quoi faire de votre week-end) qui contiennent des reconstitutions d'environnements terrestres avec la faune et la flore endémiques... et celles qu'un tel confinement ne manque pas de provoquer. Les espaces décrits ici sont moins des bestiaires foisonnant d'exotismes que des idées originales pour trouver de nouveaux espaces de vie dans le vide sidéral. Le tout est bien sûr rendu possible par des Intelligence Artificielles (assez semblables à celles que nous commençons à voir apparaître), et surtout, des qubes, des IA quantiques capables de véritables prouesses auprès desquelles les IA standards passent pour des montres à quartz multifonctions.
Les choses se compliquent quand les qubes commencent à devenir suspects, alors que ces fragiles environnements planétaires sont menacés - et par définition, ils le sont tout le temps. Le vrai risque survient donc quand des sabotages se produisent. Et c'est là tout l'enjeu du roman. Du moins, c'est ce que veut nous faire croire la quatrième de couverture. Il y aura bien enquête, suspens, suspects, trahisons (ou pas, en fait) et arrestation, mais tout cela reste une trame de fond prétexte pour explorer les questions existentielles (tout à fait justifiée) du personnage central, et celles que lui posent son histoire d'amour naissante.
Vous vous demandez sans doute comment classer ce roman ? Et bien c'est toute sa force, diront certains - ou tout le problème. Ce n'est ni un roman purement de hard science - les terraformations sont des épisodes, ni une romance - il y a beaucoup trop d'autres sujets pour que le roman puisse être réduit à ce seul thème, ni un thriller politique - malgré l'importance des enjeux de pouvoir entre les différentes factions naissantes dans le système solaire, ni même un roman policier au cadre exotique - l'enquête et sa résolution ne portent pas le récit de bout en bout ni ne lui apportent une fin satisfaisante. En effet, si le coupable est démasqué, cette annonce ne vient pas clore 600 pages de suspens haletant. C'est même un quasi non-événement tant les mobiles personnels du coupable resteront obscurs (reste son commanditaire, mais bon, vous verrez).
Dans les grands points positifs, notons que très logiquement, dans ce système solaire du futur, les deux ethnies majoritaires sont celles les plus représentées à l'heure actuelle sur Terre : les personnages sont donc d'origine chinoise ou indienne. Si l'intention est louable, la réalisation est un peu plus discutable (la personnage principale se nomme Swan Er Hong, mais tout le monde l'appelle d'un bien peu chinois Swan, et sa grand-mère décédée, Alex...).
Autre élément intéressant, mais quelque part non abouti : la représentation du genre et des relations amoureuses. La monogamie exclusive (hétérosexuelle ou non) n'est clairement plus le modèle par défaut dans le monde de 2312, car les traitements hormonaux et les changements, voire les additions de sexe, ont brouillé les cartes. Mieux encore, les biologies intersexes s'avèrent bénéfiques pour la longévité. Un pas de côté intéressant pour créer un univers dépaysant. La proposition laisse cependant un goût d'inachevé. Tout d'abord parce que ces traitements et évolutions génétiques restent l'apanage des colons spatiaux pour l'essentiel. Pour les miséreux restés sur Terre, la précarité (liée à un environnement décrépit) reste la norme et la longévité avoisine celle de nos jours. Tiens, une humanité à deux vitesses. Les personnages le déplorent, mais cela reste une réalité. Et pour finir sur cette question de genre, la fin du roman achève de lui donner des airs de vernis puisqu'il se termine tout de même par le mariage de LA personnage principal (bi-genrée mais désignée par le pronom elle), avec son amour (bi-genré et dont on sait qu'il a été enceint par le passé, mais désigné par le pronom lui). Alors oui, ce mariage s'inscrit dans une crèche, une invention de l'auteur pour désigner des cellules familiales plurielles... Mais quand même, un mariage entre elle et lui.
La conclusion de Frédéric M. à propos du Roman : 2312 [2017]
2312 me laisse une impression bizarre, avec d'un côté la présentation d'un univers riche et crédible comme sait les construire Kim Stanley Robinson, et de l'autre, un personnage principal qui certes évolue, mais auquel j'ai bien eu du mal à m'identifier et m'intéresser. Quiconque cherche des idées pour un jeu de rôle de science-fiction réaliste devrait se précipiter sur l'ouvrage ; si en revanche vous cherchez un récit haletant et une intrigue palpitante, passez votre chemin...
On a aimé
- Les terrariums
- La diversité des planètes décrites
On a moins bien aimé
- Le mélange des genres (littéraires) qui ne prend pas
- L'impression de vernis sur la diversité et le genre
- L'absence d'intrigue forte
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