Critique Magestorm [2011]
Avis critique rédigé par Amaury L. le dimanche 27 mars 2011 à 21h04
Quand le goût du sang magnifie la magie…
Sur les hauteurs d’une colline à l’orée de leur forêt protectrice, un éclaireur Lausjan, peuple humanoïde proche de Mère Nature, surveille le nuage colossal de poussière projetant une ombre funeste qui tapit le magnifique horizon bleuté du Monde des deux Soleils. Serrant les dents d’anxiété, il comprend que l’ère de paix s’éteindra dans quelques instants, sous la lumière éclatante de cette journée ensoleillée par les dieux protecteurs. Une bataille pour la liberté longue et pénible meurtrira les corps et les cœurs. Même la druidesse, avec ses pouvoirs magiques, se prépare à une mort prochaine si jamais l’ennemi s’avère plus puissant…
Une tempête matériellement redoutable.
Magestorm est une grosse boîte bien remplie. Au-delà d’un plateau recto / verso faisant penser à celui de Battlelore, on découvre cent minuscules figurines (environ un centimètre de hauteur) qui représentent des archers, des cavaliers ou de l’infanterie. On constate une fragilité apparente des deux tiers de l’ensemble et la sculpture ne déclenche pas un enthousiasme débordant. Celles-ci se fixent par quatre sur des socles surmontés par une bannière numérotée (de un à douze). Une légère déception survient à la vue de ce matériel en plastique et ce ne sont pas les tableaux de référence pour les sorts et les différentes aides de jeu en papier très fin qui vont inverser la tendance. Heureusement, la qualité des cent vingt cartes (56 Troupes, 30 Sorts, 24 Unités, 10 Terrain) ne souffre d’aucun handicap avec des illustrations de toute beauté de Kieran Yanner. Les cartes Troupes plongent instantanément les joueurs dans l’univers belliqueux des deux peuples présents dans la boîte. On termine par une étape indispensable de « dépunchage » de jetons et de marqueurs divers (plus de deux cents) qui symbolisent des ordres donnés, des blessures, des points de magie et de quarante tuiles Terrain recto / verso épaisses. Un thermoformage intelligent facilite le rangement et permet de ne pas abîmer les éléments contenus dans Magestorm. Un petit pavé de quarante pages décrit les règles du jeu (en anglais) accompagné d’un second livret constitué de dix scénarii de batailles.
Des règles magiquement présentées.
Les règles de Magestorm impressionnent uniquement par l’épaisseur du livret. Elles sont parfaitement organisées, si on excepte la partie réservée à l’utilisation de la magie placée avant l’explication pour préparer un scénario. La lecture, si vous comprenez l’anglais, demeure agréable avec des exemples développés sur une ou deux pages, facilitant grandement la compréhension.
Magestorm est un jeu d’affrontement dont les conditions de victoire varient à chacun des scénarios (éliminer un maximum d’ennemis en un temps imparti, atteindre un nombre de points de victoire suffisant, conquête de certains territoires…).
Selon le scénario choisi parmi les dix proposés, le premier joueur entame la partie en déployant ces unités sur la zone adéquate. La composition précise de chaque unité est inconnue de l’adversaire. Il sait seulement si elle comporte des troupes Cavalerie et s’il s’agit d’une petite unité (entre deux et trois troupes) ou d’une grosse (entre quatre et six troupes). Tout le reste demeure une énigme, du moins en début de partie. Ce mécanisme simule le « brouillard » de guerre.
Un joueur accomplit son tour de jeu entièrement puis ensuite c’est son adversaire. Il commence par la phase Magie. A chaque début de tour, il déplace ses marqueurs Magie d’une seule case et en respectant une limite maximale (indiquée par des gros points) sur le tableau approprié. Celui-ci représente des plans astraux et certains sorts sont accessibles plus difficilement que d’autres. Quand un marqueur Magie se trouve sur une case Sort, celui-ci devient disponible.
La phase Stratégie commence par le lancement (non obligatoire) des sorts stratégiques. Le joueur enlève le marqueur Magie et applique l’effet (souvent des dommages). Ensuite, selon l’armée jouée et le scénario, un joueur possède des points de stratégie à dépenser. Cela permet de regrouper deux unités présentes sur un même hexagone en une ou inversement, de déplacer ou d’enlever vos marqueurs Objectifs, de mettre une unité en garde (elle ne se déplace pas pendant la phase Mouvement), de réorganiser une unité. Chaque action coûte un point de stratégie. Les marqueurs Objectifs indiquent vers quel hexagone vos unités vont se mouvoir. Les unités se dirigent toujours vers le marqueur Objectif le plus proche.
La phase Mouvement est obligatoire. Toute unité doit se déplacer (de deux cases) vers le marqueur Objectif le plus proche. En cas de distance égale, le joueur choisit. Certains terrains (forêt, colline, gué, grotte) demandent de consacrer tout son potentiel de déplacement pour y pénétrer. Les unités avec de la cavalerie se déplacent de quatre cases (si que des unités Cavalerie) ou trois cases (si fantassins présents). Une unité reste sur place si elle est en garde ou déjà sur un hexagone contenant un marqueur Objectif. Attention, un hexagone contient au plus deux unités (alliées ou ennemies). Quand une unité pénètre sur un espace occupé par un ennemi, un combat a lieu.
Les Kragis et les lausjan sont prêts à se battre.
La dernière phase du tour d’un joueur est éventuellement un ou plusieurs combats. Celui-ci se décompose en dix étapes. Chaque joueur révèle une carte Troupe de son unité engagée, qui symbolise l’avant-garde se son armée. Lors de la préparation de ses unités, le joueur établit sa première ligne (les quatre premières troupes et éventuellement deux réservistes). L’ordre dans lequel sont placées ses troupes ne change jamais sauf si on utilise des points de stratégie. Secrètement, les joueurs choisissent ou non des sorts d’attaque ou de défense (augmenter sa force d’attaque ou de défense, invoquer des créatures…) qui sont dévoilés simultanément et appliquer. Chaque troupe possède plusieurs icônes indiquant leur puissance en Initiative, Combat, Défense, Dommage, Point de vie et parfois Pouvoirs spécifiques.
On déploie toute ses troupes dans un ordre précis, première ligne (en incluant les créatures invoquées), les effets du terrain où se trouve le défenseur, les sorts tactiques et les réservistes.
On calcule l’initiative (chiffre en bleu) de chaque unité. Le plus fort total frappe d’abord. Les réservistes ne participent pas à ce calcul.
Les différentes troupes des Kragis.
Pendant l’étape Engagement, on confronte la force de l’attaquant à la défense. On ajoute le résultat du dé. Si l’attaquant obtient un total strictement supérieur, il inflige les dommages maximaux, sinon il se contente du minimum (deux points par troupe présente dans sa première ligne, les effets des sorts ne sont pas pris en considération). Le défenseur répercute immédiatement les dommages encaissés sur sa troupe en première position. Si les dommages dépassent les points de vie, la formation est éliminée. Tout dégât restant est appliqué à la troupe suivante. Ensuite, le perdant de l’initiative endosse le rôle de l’attaquant.
Les pouvoirs spécifiques de certaines troupes sont activés (dommages supplémentaires…). S’ensuit un nouvel échange de sorts, puis le combat en mêlée. On renforce obligatoirement avec ses troupes en réserve sa première ligne si besoin (moins de quatre troupes). La mêlée fonctionne de la même manière que l’engagement, à une différence près, le combat et les dommages occasionnés se font simultanément. On termine par une dernière étape de pouvoirs spécifiques, puis lancement de sorts. Le combat est ensuite fini.
C’est ensuite le tour du joueur suivant. La partie se termine quand les joueurs ont accompli le nombre de rounds requis par le scénario. Suivant les conditions de victoire, on détermine le vainqueur.
La bataille se prépare...
Quand la magie opère…
Magestorm est un jeu qui, en cas de succès commercial, développera des extensions avec l’introduction de nouveaux peuples, magiciens et scénarios. La boîte de base renferme tout le nécessaire pour des combats entre deux factions, les Kragis et les Lausjan.
Le théâtre des opérations représente des escarmouches entre une cinquantaine de combattants.
Magestorm, esthétiquement, fait penser de suite à Battlelore. Il se classe dans la même gamme que celui-ci en terme de complexité et même par son matériel relativement similaire (le plateau de jeu, les tuiles Terrain, la petitesse des figurines et le prix). Heureusement les points communs s’arrêtent à cette ressemblance physique. Les mécanismes proposés se différencient énormément, avec un Magestorm certainement moins hasardeux que son illustre aîné.
Uniquement votre première ligne risque de subir des pertes...
L’intervention du dé ne permet pas des renversements de situations extraordinaires. Une unité dont la puissance d’attaque dépasse allègrement la défense squelettique d’un ennemi en déroute ne risque pas de subir des pertes fracassantes, mais uniquement quelques dommages légers. Le pot de terre n’a strictement aucune chance de l’emporter face au pot de fer. Par contre, à force égale, obtenir d’un cheveu l’initiative devient un avantage précieux. Frapper son adversaire en premier avant une riposte obligée permet d’amoindrir les effets de la contre-attaque. Magestorm possède des mécanismes de combat plutôt dévastateurs, il n’est pas rare de voir son unité partir en lambeau, se désagréger comme un château de sable au vent, après l’encaissement de lourds dégâts. Lors de la construction de ses unités, les joueurs recherchent comment assembler leurs troupes afin d’optimiser leur chance de remporter l’initiative. Un équilibre entre rapidité et puissance de frappe est un challenge intéressant, peu évident à réussir. Les deux factions possèdent des caractéristiques propres. Les Lausjan agissent vite contrebalancé par une résistance vitale mesurée. Les Kragis adorent éparpiller les organes de leurs adversaires sur le champ de bataille et font fi de la dextérité. Cet antinomisme conventionnel autorise toutefois des attitudes tactiques diversifiées.
Avant d’entamer les hostilités, les joueurs construisent les différentes unités de leur armée. Les règles du jeu laissent une liberté totale pour constituer et assembler ses différentes troupes. On recherche systématiquement un équilibre entre attaque, défense et initiative. Cette préparation préliminaire enrichit intelligemment ce jeu d’affrontement. Même en répétant un scénario plusieurs fois, il perdure un effet de surprise appréciable. Il demeure toujours des inconnues, comment l’adversaire a organisé ses unités et on s’interroge sur l’efficacité des nôtres. L’éventail des combinaisons agrémente l’ensemble savoureusement, on frémit d’impatience de connaître la réaction de nos unités en combat.
Les armées se sont concentrées sur le haut des collines.
Magestorm s’appuie sur une méthode de déplacement original. On doit placer ses marqueurs Objectifs, qui deviennent des cibles à atteindre par ses troupes. Cela augmente l’aspect tactique de ses mouvements. Un calcul s’impose sur des cartes comportant de nombreux éléments de terrain pénalisant la progression si on souhaite prendre position sur des emplacements avantageux tactiquement. Souvent, le terrain sur lequel une unité se trouve procure un bonus, principalement en défense, et / ou grâce à une capacité spéciale. Par exemple, les lausjan gagne un point en initiative, combat et défense s’ils sont positionnés sur un hexagone Forêt. Une mauvaise visualisation et/ou organisation entrave une unité et l’oblige à un mouvement inutile, voire dangereux. La phase Stratégie revêt une importance réelle sur le déroulement des combats ultérieurs. Attaquer une unité adverse à deux contre un semble plus efficace que l’inverse. Ces marqueurs Objectifs apportent à Magestorm sa petite astuce qui le différencie de Battlelore, Claustrophobia…
La magie omniprésente dans les combats s’appuie sur un système original. Quatre plateaux individuels avec des sorts et des cheminements distincts symbolisent les arts thaumaturges. Chaque joueur décide comment orienter sa force magique. On déplace des jetons Pouvoir qui activent un sort uniquement si la case concernée est atteinte. Ainsi, les sortilèges puissants demandent un sacrifice temporel (un ou deux tours avant de pouvoir les lancer), une torture neuronale frustrante tant le poids de la magie aide au dénouement positif des combats. Cette phase Magie amène une variété bienvenue dans l’approche de Magestorm, avec un panel décisionnel avantageusement élargie et une recherche perpétuelle de combinaisons performantes entre le magicien incarnée et les troupes sur le terrain. A noter que les aides de jeu expliquant les effets des sorts sont rédigées en anglais. La boîte de base de Magestorm comporte quatre mages différents, chacun avec des sorts personnalisés.
La magie, un art indispensable dans Magestorm.
Le moment phare de Magestorm demeure les combats entre les deux factions ennemies. Le taux de mortalité conséquent incite à agir en lâche comme se réfugier sur un hexagone Terrain protecteur et attendre l’attaque de son rival, à s’acharner sur les plus faibles, à utiliser la magie agressive. Ne pas perdre au moins une troupe lors d’une escarmouche relève du miracle ou de l’exploit. Même avec une défense hors normes, les coups adverses blessent systématiquement votre première ligne, sauf en cas d’anéantissement total à la fin de la phase d’engagement. Malgré une simplicité relative, le calcul fréquent des totaux (initiative, combat, défense, dommages) devient parfois rébarbatif. On ne cesse durant une partie de recompter la puissance de ses caractéristiques. On ressent une lassitude ce qui amenuise l’envie d’enchaîner plus de deux parties consécutivement. Le hasard discret, on ajoute seulement le résultat d’un dé à six faces, renforce l’inéluctabilité des affrontements. Une unité endolorie par de lourdes pertes subit une destruction assurée si elle rencontre un ennemi supérieur. Magestorm privilégie la maîtrise des combats. Oubliez le côté épique d’une résistance improbable d’une unité en déroute face à un rouleau compresseur sûr de sa puissance. Aucune chance qu’un archer isolé survive à une charge de cavalerie. Pas d’exploits héroïques, pas d’actions d’éclats, juste une implacable réalité, le fort poutre le faible sans retournement incroyable envisageable.
Quelques cartes du jeu...
La conclusion de Amaury L. à propos du Wargames à Figurines : Magestorm [2011]
Magestorm ne distille pas une ambiance aussi chaleureuse que Claustrophobia ou Battlelore. Son système de combat implacable ne laisse pas une porte ouverte sur l’improbable, l’inconcevable. Les combats sont régis par une mécanique sérieuse, disciplinée, saupoudré d’un paramètre aléatoire raisonné. Toutefois, on prend plaisir à pratiquer ce jeu d’affrontement plutôt original (système de déplacement et la gestion des flux magiques principalement) même si on regrette un matériel moyennement adapté. Si deux grosses unités se trouvent sur le même hexagone qu’un marqueur Objectif, on constate une manipulation et une lisibilité insuffisantes. Cette boîte de base, des extensions sont en projet, contient de quoi alimenter vos soirées de nombreuses heures. Les dix scénarii offrent une diversité agréable qui met en valeur les potentialités tactiques et / ou stratégiques de Magestorm. Toutefois, le prix aux alentours de 80 euros, ses règles en anglais d’environ quarante pages (parfaitement illustrées et expliquées), ses mécanismes le destinent à un public fervent de wargames accessibles mais pas simplistes. On attend la suite de cette tempête magique bien belliqueuse avec impatience.
On a aimé
- Système de magie original.
- Déplacement bien pensé.
- Mécanismes intuitifs.
- Peu de hasard dans les combats.
- Jeu d'affrontement intéressant.
On a moins bien aimé
- Phase de combat parfois barbante.
- Manque un côté un peu épique.
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