Critique Perfect Unrevised [2012]

Avis critique rédigé par Heikel L. le mardi 14 août 2012 à 12h24

Une dystopie steampunk oppressante

Dans l’univers des jeux de rôles, nous jouons classiquement à des jeux régis par des dés, une fiche de personnage et surtout un MJ. Mais nous trouvons également des jeux dans lesquels les mécaniques sont toutes autres. Dans la continuité de S/lay w/Me (voir la critique), nous allons vous présenter l’un de ces jeux dits "narratifs". Il s'agit de Perfect - Unrevised, écrit par Joe MacDaldno et traduit en français par la maison d’édition la Boîte à Heuhh qui fait des jeux indie et narratifs son fer de lance et nous propose ici un exemple très original.

La couverture est signée Christophe Henin, et donne un petit aperçu de l’univers. On y voit là une artiste taggant un mur, alors que la ville, d’inspiration anglaise, est surveillée par des machines volantes. C’est exactement ça l’idée de Perfect - Unrevised, une dystopie steampunk, un état victorien totalitaire où la société est brimée, n’accède pas au bonheur, et où les criminels sont sans relâche poursuivis par des inspecteurs armés de machines étranges pour les conditioner et les rendre normaux.

Dans son format, le livre de jeu comporte quelques 180 pages et une couverture souple couleur. Il est idéalement prévu pour trois à quatre personnes, et pour une durée de jeu de quatre heures. C’est durant ces quatres heures de jeu que tour à tour les joueurs vont endosser des rôles et raconter une histoire.

Une histoire. Mais dans quel univers ?

Rapidement évoqué comme une dystopie steampunk, Perfect - Unrevised propose aux joueurs de plonger dans un univers victorien ressemblant à un ersatz de Londres du XIXème siècle. La ville se nomme Cadence et fut gouvernée par la Reine Abigail, aujourd’hui éteinte. Au seuil de la mort elle ordonne que toute la société l’aime et lui ressemble. C’est de cet ordre que les dirigeants restant vont façonner le monde, empêchant d’autre liberté de culte que celui dédié à la Reine, privant les artistes d’oeuvres trop dangereuses et altérant bon nombre de libertés individuelles pour donner naissance à un état totalitaire. Pour maintenir la paix, les Inspecteurs, sorte de police de la pensée dans 1984 de Georges Orwell, vont traquer les renégats et autres criminels puis utiliser de curieuses machines à vapeur et électriques pour conditioner les dissidents.

Endosser des rôles. Mais lesquels ?

Dans Perfect - Unrevised, la narration se partage entre tous les participants, et son concept propose d’incarner tour à tour un Criminel (au sens PJ), la Loi (au sens MJ ou conteur) ou enfin les Spectateurs (au sens PNJ). Criminels, il le seront comme ces artistes militants qui veulent exprimer leurs avis, comme ces amoureux éperdus refusant de cacher leur relation ou alors comme ce justicier habité par la vengance et qui aspire à la liberté. Ce sont un peu les Néo de Matrix, les V de V Pour Vendetta ou encore les Alex DeLarge d’Orange mécanique de ce monde, en bref, des héros subversifs qui seront traqués par la Loi.

Nous l’avons vu, les joueurs incarnent des criminels mais pas que. Pendant qu’un des joueurs est un criminel, un second prend le rôle de la Loi (uniquement pour le tour du criminel, ensuite les rôles sont redistribués) et doit capturer le fugitif Il sera un peu l’Agent Smith de Matrix, la Police de la pensée dans 1984, le Recteur Gammatron d'Equilibrium de cet univers. Les autres joueurs qui ne sont pas mis à contribution, pourront alors jouers les contacts, la société ou alliés des inspecteurs en fonction du besoin de la scène jouée. On les appellera les Spectateurs.

Un scène. Mais comment se déroule-t-elle ?

Le jeu se décompose en scènes rattachées à un criminel qui devient le centre de toutes les attentions, l'histoire se focalisant sur ce qu'il fait. Celle-ci débute avec la Scène du Crime, décrite par le criminel, on passe alors à une phase qui va déterminer l’étendu du méfait et le noter, ce qui permettra d’allouer davantage de ressources à la Loi pour capturer le criminel quand viendra la Scène de Découverte. C’est le moment où la Loi peut capturer le criminel, par le biais de descriptions alternées. Si le criminel est capturé ont passe à la Scène de Torture, où la Loi tentera de conditionner le criminel en brisant sa volonté et le rendre normal. Si elle y parvient c’est la fin du criminel, on dit qu'il est "brisé" (peu probable dès la première partie), si elle n’y parvient pas le criminel est relâché et la Loi considère qu'il a reçu une bonne leçon qui le poussera à réintégrer le rang de la normalité. Vient alors la Scène de Réflexion où le criminel réfléchit sur sa condition, sur ce qu’il va faire, sur les bénéfices il tire de son méfait, sur ce qu'il risque désormais. Devient-il un héros de la plèbe ? Gagne-t-il en influence ? A-t-il perdu des amis dans une lutte qu'il estime inégale ? Etc.

Ainsi se répète le cycle de la criminalité, en changeant de joueur et donc de  criminel, de représentant de la Loi et de spectateurs.

En plus de son univers vraiment original, sa manière d’être joué atypique et son concept des plus novateurs, Perfect - Unrevised est un jeu narratif où les parties peuvent être courtes et sans lendemains ou longue avec plusieurs parties et se rapprocher d'un format campagne. Néanmoins, son postulat de base ne vous permettra pas de triompher des inspecteurs ou du système, puisque le concept tout entier du jeu repose là dessus et qu'on se le dise, les Inspecteurs et leurs machines vous auront tôt ou tard. Au final, malgré cela, la partie reste plus qu’agréable et l’expérience comble toutes les attentes. Si des personnes sont encores scéptiques sur les jeux dits narratifs, Perfect - Unrevised se fera un plaisir de les faire adhérer au concept.

La conclusion de à propos du Jeu de rôle : Perfect Unrevised [2012]

Auteur Heikel L.
90

Perfect - Unrevised est vraiment un jeu hors normes. Atypique dans sa présentation et son concept narrativiste, c'est surtout son univers qui séduit. Mélange d'inspirations dignent des machines de Jules Verne, Tesla et consorts, d’un Orange mécanique, de V Pour Vendetta, d'Equilibrium ou encore 1984. Il plonge dans une expérience unique et une ambiance dépaysante où tour à tour les joueurs vont avoir leur mot à dire. Si vous n’êtes pas fan du genre des jeux hautement narratifs, nous sommes sûrs que celui-ci vous fera changer d'avis. Enfin pour ceux qui connaissent et aiment, il deviendra incontournable dans votre ludothèque.

On a aimé

  • Univers victorien et totalitaire fascinant
  • Concept narratif bien pensé
  • Facilité de prise en main et de création
  • Adaptable pour du court et long terme

On a moins bien aimé

  • Ambiance graphique un peu confuse
  • Concept figé

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